TRIUMPH est une formation canadienne, de l'Ontario, précisément de Mississauga, une des nombreuses villes bordant le lac Ontario. Un trio avec un patronyme pour le moins prétentieux (à moins qu'ils ne soient en fait des passionnés de motocyclettes Anglaises, ou de lingerie féminine) qui eut trop souvent pour effet de détourner le chaland. Effet renforcé par des pochettes de disques généralement naïves, parfois même limite infantiles. L'affabulation de certaines critiques le surnommant à tort le "Rush du pauvre" a beaucoup ralenti l'expansion du trio. Pourtant, en Amérique-du-Nord, certes sans jamais provoquer un quelconque tsunami, le groupe est une valeur sûre. Suffisamment pour que les stades lui ouvrent leurs portes. Ou pour être des invités ponctuels des grandes messes annuelles dédiées aux dieux du Rock lourd et du Métal. Mais si le groupe parvient assez rapidement à générer une influence conséquente à ses concerts, la presse reste divisée, perplexe, ne sachant pas trop comment l'appréhender, avec des disques semblant parfois courir plusieurs lièvres à la fois.
Le trio naît en 1975, après que Gil Moore et Mike Levine assistent, un soir d'été de la même année, à un petit concert dans un bar, d'Act III où ils découvrent le guitariste et chanteur Rik Emmett. Tous trois discutent autour d'un verre - ou deux - et décident de se réunir chez Moore, à Mississauga (qui va devenir leur nouveau siège) pour y taper le bœuf. Tous trois bourlinguent depuis des années, à travers diverses formations sans jamais parvenir à réaliser quelque chose de vraiment concret. En dépit de leur jeune âge, Moore et Levine sont pratiquement considérés comme des vétérans de la scène de ce côté-ci du Canada. En particulier Moore, batteur et chanteur, qui a auparavant joué avec Buzz Shearman (Moxy) et Greg Godovitz (Goddo) au sein de Shearman & Peabody.
Ainsi, contrariant la règle qui veut que les premières moutures comportent des membres éphémères qui ne s'éternisent pas ou qui sont remerciés, ces trois gars vont rester inséparables pendant quinze années. Jusqu'au départ de Rick Emmett à la fin de l'année 1988. Une formation stable, indéboulonnable sur les neuf albums studio étalés sur quinze ans. Une seule entorse avec l'embauche de Rick Santers (le même que celui du groupe Santers) pour accompagner le groupe en tournée à partir de 1984. Le groupe ayant alors considérablement étoffé sa musique avec des strates de guitares et des claviers omniprésents, il était devenu difficile de la restituer fidèlement sur scène.
Après un premier essai déjà bien intéressant, bien qu'en dents de scie, malheureusement rapidement introuvable par faute d'un label trop modeste (Attic Records), Triumph remet le couvert l'année suivante avec un "Rock & Roll Machine" témoignant d'une consolidation et d'une progression certaines. Ce qui élève le trio de l'Ontario à la catégorie des meilleurs espoirs de l'année des groupes de Heavy-rock Nord-américains.
Ce que ne laisse aucunement transparaître le titre d'ouverture, "Takes Time", péchant par sa consensualité, proche d'un Nugent en pilotage automatique. Maladresse de jeunesse, de suite rattrapée par "Bringing It on Home" avec ses mouvements folks rafraîchissant un heavy-rock, un poil pataud, hérité des compatriotes de B.T.O. Le refrain, lui, est directement inspiré du "Our Lady" de Deep Purple Mark II.
"Little Texas Shaker" donne l'occasion à Gil Moore de démontrer qu'au chant, avec sa tonalité et son grain nettement ancrés dans le Hard-rock pur et dur, il est l'homme de la situation pour les morceaux les plus coriaces. Le morceau, sympathique au demeurant, est néanmoins redondant et poussif, dans le style d'un Arena Rock à la Kiss - celui alors prisé par Gene Simmons -.
"New-York City Streets" dévoile le désir du trio d'élargir son horizon, de ne pas étouffer sa musique en établissant des règles immuables, en lui imposant des œillères. Ainsi, ce morceau, divisé en deux parties distinctes, débute par une ballade clôturée en deux temps. D'abord en s'ouvrant à la Soul, avec de chaleureux chœurs féminins assombrissant la pigmentation des Canadiens ; puis, en plongeant dans un Jazz-rock dont le climat enlevé évoque le Santana des années "Amigos" à "Shango". La "Part 2" change totalement d'ambiance. Elle se campe dans un Hard-rock belliqueux, harnaché de riffs rocailleux et de salves de wah-wah souffreteuse, fébrile même.
La suite est encore meilleure et plus ambitieuse. Elle sort du cadre Heavy pour taquiner le Rock-progressif, jusqu'à en intimider les nouveaux prétendants de l'époque. "The City" regroupe trois parties. La première , la bien nommée "War March", dénonce la culture classique d'Emmett. Ici, en l’occurrence une synthèse de Maurice Ravel et de Gustave Holst. Et puis il y a "El Duende Agonizante" où ce guitariste particulièrement doué fait chanter sa guitare Espagnole avec une subtilité et une fluidité que l'on ne retrouve que trop rarement chez les guitaristes de Rock s'essayant au Classique. Ici, le morceau dévie vers le flamenco, et, s'il fait pâle figure face à des maîtres tels que Carlos Montoya, Paco de Lucia ou Pepe Romero, il n'en demeure pas moins de bonne facture. On pourrait même se demander s'il n'est pas plus convaincant en acoustique qu'en électrique. Profitant de son aisance sur cet instrument, Emmett va en profiter pour habilement décorer les albums suivants d'interludes - ou d'introductions - classiques, généralement inspirés et plaisants. Il prouve au passage qu'il n'est pas un "guitar-hero" bluffant son monde avec force saturation et un arsenal d'amplis et de pédales d'effets. La troisième et dernière partie, "Minstrel's Lament", est complètement consacré au Rock-progressif, même si le break préfigure le Heavy-metal d'Iron Maiden (1).
Bien qu'excellente, la version du "Rocky Mountain Way" n'égale pas l'originale de Joe Walsh. Pour pinailler, il lui manque un peu de gras. Mais c'est l'occasion de sortir un second single qui va s'intégrer honorablement dans les charts, sans faire de vagues mais permettant de connecter de nouveaux auditeurs.
L'album se termine sur le trépidant "Rock & Roll Machine", largement inspiré par l'esprit dominant sur le "In Rock" de Deep Purple, avec un solo tellement blackmorien qu'il ne peut être autre qu'un vibrant hommage. Quoi que ... le dit solo enchaîne sur un phrasé nerveux, à l’esbroufe façon Nugent, puis se jette dans un tapping qui a dû forcément tomber sur un jeune émigré Hollandais prénommé Edward. Tandis que le final évoque Donald Roeser. Sur le dernier mouvement précédent le coda, le rythme s'accélère légèrement, prenant des allures de Heavy-boogie-metal forçant Moore à s'égosiller au point d'imiter Dan McCarffety. Un final des plus énergique et électrique - Emmett fusillant les lampes de son ampli lors de son long et incandescent solo -. Un morceau qui deviendra un passage obligé de leurs concerts où il aura tendance à s'allonger.
Un peu comme Ted Nugent et sa Gibson Byrdland, Rik Emmett restera longtemps connu pour son intérêt pour les guitares atypiques dans l'univers du Hard-rock. Il est notamment connu pour son attachement à la Framus Jan Akkerman, (2) caractérisée par son sélecteur rotatif à six positions. Son besoin de changer de tonalité pendant les chansons l'entraîne aussi à aborder les doubles manches. De la marque Framus, mais aussi l'incontournable Gibson EDS-1275. Plus tard, il sera un sérieux client pour Dean (créé en 1977), avec une infidélité pour Yamaha, séduit par les luxueuses SBG3000, avant d'avoir son modèle signature. La versatile RGX1212A.
Alléché par les ventes encourageantes du trio, RCA rachète le contrat, et réédite l'album avec deux nouvelles pochettes (une représentant une reconstruction scénique, avec force flammes et fumigènes, et une autre tape à l’œil avec dessin naïf d'une épée enchassée dans une Flying V ... soupirs ... ). Toutefois, plutôt qu'une réelle réédition, c'est un honteux condensé des deux premiers disques (le disque étant d'ailleurs baptisé "Rock'n'Roll Machine"), "Little Texas Shaker", "New-York City Streets Part 1" et "Part 2" et "The City"sont remplacés par trois chansons récupérées du premier disque (soupirs ... 😩).
Enfin, la major permet alors une distribution nettement plus conséquente et efficace, traversant les océans, permettant à Triumph de prendre son envol et d'atteindre des altitudes où seuls les aigles ont accès. Les disques suivants témoignent d'un souci de s'améliorer, tant dans la cohésion, l'interprétation que la composition. Certains sont à classer parmi les meilleurs de leur année de sortie.
La démission de Rik Emmett en 1988 signera la fin du trio qui ne parviendra pas à survivre à ce départ.
(1) Il est d'ailleurs possible que le quintet londonien ait laissé traîner ses oreilles sur ce morceau, si l'on se réfère à "Phantom of the Opera". Amusant mais "Blinding Light Show / Moonchild" semble aussi avoir laissé quelques traces sur le premier disque éponyme de la bande à Steve Harris et Dave Murray. Étonnant non ?
(2) Emmett a toujours été admiratif du travail d'Akkerman, le considérant comme l'un des meilleurs.
🎶♩♕♚
Le trio naît en 1975, après que Gil Moore et Mike Levine assistent, un soir d'été de la même année, à un petit concert dans un bar, d'Act III où ils découvrent le guitariste et chanteur Rik Emmett. Tous trois discutent autour d'un verre - ou deux - et décident de se réunir chez Moore, à Mississauga (qui va devenir leur nouveau siège) pour y taper le bœuf. Tous trois bourlinguent depuis des années, à travers diverses formations sans jamais parvenir à réaliser quelque chose de vraiment concret. En dépit de leur jeune âge, Moore et Levine sont pratiquement considérés comme des vétérans de la scène de ce côté-ci du Canada. En particulier Moore, batteur et chanteur, qui a auparavant joué avec Buzz Shearman (Moxy) et Greg Godovitz (Goddo) au sein de Shearman & Peabody.
Ainsi, contrariant la règle qui veut que les premières moutures comportent des membres éphémères qui ne s'éternisent pas ou qui sont remerciés, ces trois gars vont rester inséparables pendant quinze années. Jusqu'au départ de Rick Emmett à la fin de l'année 1988. Une formation stable, indéboulonnable sur les neuf albums studio étalés sur quinze ans. Une seule entorse avec l'embauche de Rick Santers (le même que celui du groupe Santers) pour accompagner le groupe en tournée à partir de 1984. Le groupe ayant alors considérablement étoffé sa musique avec des strates de guitares et des claviers omniprésents, il était devenu difficile de la restituer fidèlement sur scène.
Après un premier essai déjà bien intéressant, bien qu'en dents de scie, malheureusement rapidement introuvable par faute d'un label trop modeste (Attic Records), Triumph remet le couvert l'année suivante avec un "Rock & Roll Machine" témoignant d'une consolidation et d'une progression certaines. Ce qui élève le trio de l'Ontario à la catégorie des meilleurs espoirs de l'année des groupes de Heavy-rock Nord-américains.
Ce que ne laisse aucunement transparaître le titre d'ouverture, "Takes Time", péchant par sa consensualité, proche d'un Nugent en pilotage automatique. Maladresse de jeunesse, de suite rattrapée par "Bringing It on Home" avec ses mouvements folks rafraîchissant un heavy-rock, un poil pataud, hérité des compatriotes de B.T.O. Le refrain, lui, est directement inspiré du "Our Lady" de Deep Purple Mark II.
"Little Texas Shaker" donne l'occasion à Gil Moore de démontrer qu'au chant, avec sa tonalité et son grain nettement ancrés dans le Hard-rock pur et dur, il est l'homme de la situation pour les morceaux les plus coriaces. Le morceau, sympathique au demeurant, est néanmoins redondant et poussif, dans le style d'un Arena Rock à la Kiss - celui alors prisé par Gene Simmons -.
"New-York City Streets" dévoile le désir du trio d'élargir son horizon, de ne pas étouffer sa musique en établissant des règles immuables, en lui imposant des œillères. Ainsi, ce morceau, divisé en deux parties distinctes, débute par une ballade clôturée en deux temps. D'abord en s'ouvrant à la Soul, avec de chaleureux chœurs féminins assombrissant la pigmentation des Canadiens ; puis, en plongeant dans un Jazz-rock dont le climat enlevé évoque le Santana des années "Amigos" à "Shango". La "Part 2" change totalement d'ambiance. Elle se campe dans un Hard-rock belliqueux, harnaché de riffs rocailleux et de salves de wah-wah souffreteuse, fébrile même.
La suite est encore meilleure et plus ambitieuse. Elle sort du cadre Heavy pour taquiner le Rock-progressif, jusqu'à en intimider les nouveaux prétendants de l'époque. "The City" regroupe trois parties. La première , la bien nommée "War March", dénonce la culture classique d'Emmett. Ici, en l’occurrence une synthèse de Maurice Ravel et de Gustave Holst. Et puis il y a "El Duende Agonizante" où ce guitariste particulièrement doué fait chanter sa guitare Espagnole avec une subtilité et une fluidité que l'on ne retrouve que trop rarement chez les guitaristes de Rock s'essayant au Classique. Ici, le morceau dévie vers le flamenco, et, s'il fait pâle figure face à des maîtres tels que Carlos Montoya, Paco de Lucia ou Pepe Romero, il n'en demeure pas moins de bonne facture. On pourrait même se demander s'il n'est pas plus convaincant en acoustique qu'en électrique. Profitant de son aisance sur cet instrument, Emmett va en profiter pour habilement décorer les albums suivants d'interludes - ou d'introductions - classiques, généralement inspirés et plaisants. Il prouve au passage qu'il n'est pas un "guitar-hero" bluffant son monde avec force saturation et un arsenal d'amplis et de pédales d'effets. La troisième et dernière partie, "Minstrel's Lament", est complètement consacré au Rock-progressif, même si le break préfigure le Heavy-metal d'Iron Maiden (1).
Bien qu'excellente, la version du "Rocky Mountain Way" n'égale pas l'originale de Joe Walsh. Pour pinailler, il lui manque un peu de gras. Mais c'est l'occasion de sortir un second single qui va s'intégrer honorablement dans les charts, sans faire de vagues mais permettant de connecter de nouveaux auditeurs.
L'album se termine sur le trépidant "Rock & Roll Machine", largement inspiré par l'esprit dominant sur le "In Rock" de Deep Purple, avec un solo tellement blackmorien qu'il ne peut être autre qu'un vibrant hommage. Quoi que ... le dit solo enchaîne sur un phrasé nerveux, à l’esbroufe façon Nugent, puis se jette dans un tapping qui a dû forcément tomber sur un jeune émigré Hollandais prénommé Edward. Tandis que le final évoque Donald Roeser. Sur le dernier mouvement précédent le coda, le rythme s'accélère légèrement, prenant des allures de Heavy-boogie-metal forçant Moore à s'égosiller au point d'imiter Dan McCarffety. Un final des plus énergique et électrique - Emmett fusillant les lampes de son ampli lors de son long et incandescent solo -. Un morceau qui deviendra un passage obligé de leurs concerts où il aura tendance à s'allonger.
Un peu comme Ted Nugent et sa Gibson Byrdland, Rik Emmett restera longtemps connu pour son intérêt pour les guitares atypiques dans l'univers du Hard-rock. Il est notamment connu pour son attachement à la Framus Jan Akkerman, (2) caractérisée par son sélecteur rotatif à six positions. Son besoin de changer de tonalité pendant les chansons l'entraîne aussi à aborder les doubles manches. De la marque Framus, mais aussi l'incontournable Gibson EDS-1275. Plus tard, il sera un sérieux client pour Dean (créé en 1977), avec une infidélité pour Yamaha, séduit par les luxueuses SBG3000, avant d'avoir son modèle signature. La versatile RGX1212A.
Alléché par les ventes encourageantes du trio, RCA rachète le contrat, et réédite l'album avec deux nouvelles pochettes (une représentant une reconstruction scénique, avec force flammes et fumigènes, et une autre tape à l’œil avec dessin naïf d'une épée enchassée dans une Flying V ... soupirs ... ). Toutefois, plutôt qu'une réelle réédition, c'est un honteux condensé des deux premiers disques (le disque étant d'ailleurs baptisé "Rock'n'Roll Machine"), "Little Texas Shaker", "New-York City Streets Part 1" et "Part 2" et "The City"sont remplacés par trois chansons récupérées du premier disque (soupirs ... 😩).
Enfin, la major permet alors une distribution nettement plus conséquente et efficace, traversant les océans, permettant à Triumph de prendre son envol et d'atteindre des altitudes où seuls les aigles ont accès. Les disques suivants témoignent d'un souci de s'améliorer, tant dans la cohésion, l'interprétation que la composition. Certains sont à classer parmi les meilleurs de leur année de sortie.
La démission de Rik Emmett en 1988 signera la fin du trio qui ne parviendra pas à survivre à ce départ.
- Side one
No. | Titre | Auteurs - compositeurs | Lead Vocals | |
---|---|---|---|---|
1. | "Takes Time" | Emmett, Levine, Moore | Moore | 3:48 |
2. | "Bringing It On Home" | Emmett, Levine | Emmett | 4:35 |
3. | "Little Texas Shaker" | Emmett, Levine, Moore | Moore | 3:24 |
4. | "New York City Streets, Pt. 1" | G.Moore | Moore | 3:09 |
5. | "New York City Streets, Pt. 2" | G. Moore | Emmett | 4:40 |
- Side two
No. | Titre | Auteurs - compositeurs | Lead Vocals | |
---|---|---|---|---|
6. | "The City: War March / El Duende Agonizante / Minstrel's Lament" | Emmett | Emmett | 9:20 |
7. | "Rocky Mountain Way" | J. Walsh, J. Vitale,K. Passarelli, Rocke Grace | Moore | 4:04 |
8. | "Rock & Roll Machine" | Moore | Moore | 6:53 |
(1) Il est d'ailleurs possible que le quintet londonien ait laissé traîner ses oreilles sur ce morceau, si l'on se réfère à "Phantom of the Opera". Amusant mais "Blinding Light Show / Moonchild" semble aussi avoir laissé quelques traces sur le premier disque éponyme de la bande à Steve Harris et Dave Murray. Étonnant non ?
(2) Emmett a toujours été admiratif du travail d'Akkerman, le considérant comme l'un des meilleurs.
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