mardi 30 juin 2020

MONIQUE MORELLI - La Montmartroise du Nord - par Pat Slade



J’ai toujours aimé les femmes qui chantaient des chansons réalistes, Paris et qui avaient des voix sortant du commun. J’avais déjà évoqué Fréhel, Juliette Gréco et Cora Vaucaire et, tout comme Barbara, Monique Morelli est une femme que j’aimais. Une voix, du talent et une amie des poètes.



DE BÉTHUNE A MONTMARTRE




J’ai rarement eu des coups de cœur pour des artistes, tout le monde sait que j’ai toujours adoré Barbara mais ils ne savent pas que j’avais une profonde admiration pour Monique Morelli et cela depuis que je suis tout môme. En 1972, la télévision française (l’ORTF) diffusera une mini série de six épisodes «Mandrin». L’histoire du célèbre contrebandier qui mourra sur la roue. Le feuilleton avec en rôle titre Pierre Fabre qui avait à ses cotés un personnage féminin avec des yeux clairs et qui jouait le rôle de La Carline (La Carline est une plante dérivée du chardon nda) et cette femme n’était d’autre que Monique Morelli qui de surcroît chantait la chanson du générique et sa voix un peu grave au vibrato impeccable me marqua.

Ce n’est que quelques années plus tard après m'être passionné pour Brel, Brassens, Ferré et Barbara que j’approfondirais mon écoute et ma connaissance de Monique Morelli. C’était une voix qui à su chanter Paris et la butte tout comme Catherine Sauvage, Mick Micheyl ou Jacqueline Danno.

Lino Léonardi - Monique Morelli
Née à Béthune en 1923, jeune elle sera renvoyée de quatorze établissements scolaires et ratera ses études de pharmacie. Elle s'installe à Paris et commence par faire du théâtre au «Vieux-Colombier» puis au «Cirque d'hiver» de Paris, comme cornac. Sur les conseils de Sacha Guitry, elle se lance, à la fin des années 1940, dans la chanson ; elle a le profil type de la chanteuse à texte, à mi-chemin de la tradition montmartroise et de la mouvance rive gauche des artistes réalistes et populaires comme Fréhel. En 1949 elle chante à l’ouverture du cabaret «La Rose Rouge» avant d’entamer la tournée de tous ceux de la butte.
Elle forme un duo avec son mari, l'accordéoniste et compositeur Lino Léonardi, qui écrira la plupart de ses musiques. Mais Lino Léonardi, en plus d’avoir mis en musique des poèmes de François Villon, Louis Aragon ou Pierre Mac Orlan pour sa femme, écrira des musiques de films comme «Le cinéma de papa» de Claude Berri ou «Pile ou Face» de Robert Enrico. Il lui adaptera des mélodies sur mesure pour ses adaptations des poètes comme «Maintenant que la jeunesse» ou «Un air d'octobre» d’Aragon. 



avec G.Brassens et P.Mac Orlan
Monique Morelli va donc se détourner de la chanson réaliste pour chanter les poètes cités ci-dessus mais aussi Pierre De Ronsard ou Francis Carco. En 1958, elle sera la première à chanter «L’affiche Rouge» En 1962 elle ouvre son propre cabaret rue du Chevalier de la Barre dans le 18e arrondissement «Le Père Ubu» du nom du personnage de fiction d’Alfred Jarry. Un Cabaret qui sera aussi surnommé «Chez Monique Morelli» où l’on pouvait y croiser Antoine Blondin, Leo Ferré, Georges Brassens, René Fallet ou le photographe Robert Doisneau. Elle y accueillera des poètes des écrivains, peintres et autres artistes, parmi lesquels Brigitte Fontaine, Francesca Solleville ou Colette Magny. «Le père Ubu» fermera en 1970, la chanteuse connaîtra de sérieux ennuis avec le propriétaire, elle lui doit de l’argent. Georges Brassens l’aidera financièrement… en vain ! (Elle le vendra en une soirée au truand Jo Attia pour sa fille et rouvrira ses portes avec l’enseigne de «La Palette»).  Ce sera cette année la qu’elle fera sa première partie à «Bobino» du chanteur à moustache. 

Au début des années 70, elle  dirige le «Temps perdus» à Saint-Germain-des-Prés qui plus tard, à son grand désespoir, sera racheté par des promoteurs pour en faire un restaurant. Elle déplore la disparition de tous les petits cabarets où elle se produisit : «Que reste-t-il aux jeunes chanteurs, aujourd’hui, pour se faire entendre ?». Monique Morelli n’est pas une militante, mais elle est solidaire de certaines causes, elle se bat pour la paix, contre la guerre et l’armée : «Un jour peut-être, les poètes trouveront les mots qui empêcheront les guerres».

Monique Morelli ne fait pas que chanter, elle se produira également au théâtre et au cinéma. Elle joue dans «Valmy», sous la direction du cinéaste Abel Gance. En 1972, elle interprète le rôle de La Carline, dans «Mandrin», un teléfilm en plusieurs épisodes, de Philippe Fourastié. En 1973, elle joue dans le film d'Anna Karina«Vivre ensemble». 
Elle sera nommée Officier des Arts et Lettres. Elle sera plusieurs fois, distinguée par le prix de l'Académie Charles-Cros ainsi que celui de l'Académie du disque.  Monique Morelli a un sens profond de la diction poétique, une voix et une présence dramatique d'une immense sincérité, emportant l'émotion. Chantant drapée dans une vaste étole rouge, elle est un monument de la culture chansonnière et poétique française, dominée par ses interprétations des poèmes de Louis Aragon et de Pierre Mac Orlan entre autre. Vingt sept ans après sa disparition, sa présence tragique et populaire ne s'efface pas. Sa voix reste comme le témoignage ineffaçable d'un riche tempérament. 






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