jeudi 23 juillet 2020

BETH HART "Fire On the Floor" (2016) par Benjamin




Depuis 2015, Beth Hart a atteint un succès devenu rare dans le milieu du blues rock. Invitée par Jeff Beck ou Joe Bonamassa, la Californienne a ressuscité une ferveur qui semblait enterrée depuis des années. On évitera pourtant de la cantonner aux formules immuables du blues du delta, tant Beth Hart aime aussi flirter avec le jazz, la country, et bien sur le rock’n’roll.

Toujours entourée de pointures, elle prêche l’élitisme autrefois incarné par les grands labels de Motown et autres maisons de disques légendaires. Ecouter un disque de Beth Hart, c’est se replonger dans une époque où un grand disque de Miles Davis succédait à un classique de John Lee Hooker, où les styles se croisaient et se mélangeaient dans une éruption impressionnante.

La liste des musiciens présents sur ce « Fire on the floor » annonce d’ailleurs la couleur. On y retrouve l’élite des cadors de studios, des hommes ayant aussi bien travaillé pour Iggy Pop, que pour le grand Miles Davis, Joe Cocker, et John Lennon. Tous sont réunis pour donner à cette voix le tremplin qu’elle mérite, c’est un orchestre capable de l’aider à explorer tous ses registres. 

Sur les titres les plus langoureux, comme « Jazzmen » et « Love gangster », elle célèbre les retrouvailles du jazz et du blues. Ces deux facettes de la musique américaine sont faites pour se compléter. Lou Reed voyait le blues comme un jazz en trois accords, c’est oublier qu’une bonne section de cuivres transcende le feeling irrésistible du grand blues. Bonamassa l’avait bien compris, mais se servait plutôt de ses cuivres pour donner à son blues rock une ambiance de music-hall. Beth Hart part dans un registre plus introspectif, et la chaleur jazzy sert surtout à renforcer ses mélodies sombres.

On a ensuite droit à une série de riffs brulants, un retour au registre exploré sur les disques de reprises de Bonamassa, et sur scène en compagnie de Jeff Beck. La guitare, puissante sans être extravagante, réconcilie le feeling stonien avec la puissance de bombardier de Jimmy Page. A ce titre, le riff de « Fat man » pourrait faire le pont entre le blues et le hard rock. Son riff primaire part dans des envolées corrosives, rappelant que Led Zep et autres Whitesnake étaient surtout des bluesmen fous de gros son. 

Du rock au rhythm’n’blues il n’y a qu’un pas que Beth Hart franchit magnifiquement sur « My baby shot me down ». On est alors transporté dans les bars louches du Mississippi, le pianiste swingue comme si sa vie en dépendait, et la voix rageuse de la chanteuse se mêle au rugissement électrique de la guitare sur un rythme presque boogie. 

On fait ensuite un détour du côté de la pop, mais il ne s’agit pas de la pop sirupeuse qu’on nous sert depuis les années 80. La voix se fait alors plus douce, la guitare plus discrète, mais c’est encore à la grande Janis que « Good day to cry » et « Woman I’ve been dreamin of » font penser. Si vous ne pensez pas au « Cry baby » issu de Pearl, l’album posthume de Janis Joplin, quand la voix de Beth atteint des sommets à vous donner la chair de poule, c’est que vous êtes amnésique.

Ces ballades plus sombres annoncent la direction que Beth prendra sur l’incompris « War on my mind » (2019). On ne saurait dire si elle est plus à l’aise sur la légèreté pop de « Coca cola », le rhythm’n’blues orgiaque de « My baby shot me down » et « Fat man », ou les apitoiements poignants de « No place like home ».

Ces sonorités forment une seule matière, à partir de laquelle Beth Hart transforme ses tourments en beauté universelle. De cette manière, elle est aujourd’hui une des musiciennes les plus intéressantes de notre époque.

*********************************************
On écoute « My baby shot me down » et « Good day to cry » version acoustique, Beth au piano. 
Et rendez-vous demain pour une séance cinéma, en salle, avec le dernier film de François Ozon.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire