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7
HOMMES A ABATTRE (initialement titré 7 hommes restent à tuer) est la première collaboration entre les deux hommes,
considérée comme un de leurs meilleurs films, et comme un des meilleurs
westerns tournés après-guerre, si on écoute l’avis à l’époque des critiques
français des Cahiers du Cinéma, André Bazin qualifiant le film de "sur-western". Et c’est vrai que c’est vachement bien, mais
n’y voyez rien de comparable avec les fresques humaines de John Ford. Avec
Boetticher, c’est du bien dégraissé sur l’os, le film dure 1h20, et on attaque
directement dans le vif.
Premier plan : des
montagnes noyées sous l’orage, de nuit. Ben Stride entre dans le
cadre, trouve refuge dans une grotte ou deux gars s’abritent en buvant un café
autour du feu. Discussion, du genre qui tu es, tu viens d'où ? A l’évocation de la ville de Silver Springs où a eu lieu un hold-up sanglant, les deux gars se crispent. Auraient-ils mauvaise
conscience ? Puis Boetticher cadre le paysage extérieur, quand on entend deux
coups de feu. On comprend, mais sans le voir (on reviendra sur cette idée
géniale) que Ben Stride a tués les deux types. Pourquoi ? Pour le savoir il va
falloir regarder jusqu’au bout !
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A
propos des indiens, le réalisateur ne les évoque pas comme belliqueux, mais davantage
comme des victimes du système (à son image, lui qui quémandait des rallonges
pour tourner ?). Au début dans la grotte, Ben Stride dit aux deux hommes
qu’il n’a plus son cheval, volé par les indiens… pour le manger. Dans une autre
scène, au relai, un groupe d’indiens dépenaillés se pointe au petit matin.
Big Masters est prêt à tirer mais Stride se contente, très calmement, de
détacher un cheval et de leur donner.
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Ben Stride est considéré comme le plus rapide tireur de l’Ouest. Pour
le prouver, Budd Boetticher a cette idée fabuleuse : on ne le voit jamais
tirer ! Comme dans la grotte, où il n’aurait pas été possible de dégainer
aussi vite, assis, vautré, revêtu d’un ciré. Le procédé culmine avec la confrontation finale. Au cinéma, on parle de "plan américain" quand on
cadre l’acteur à mi-cuisse, c’est-à-dire qu’on voit les colts des cowboys dans
les westerns. D’où le nom "américain", le western étant le genre de prédilection
du pays de Trump.
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Autre
idée superbe. Dans les montagnes, Masters qui ne souhaite pas partager un
magot, élimine son coéquipier. Le pauvre était planqué dans une crevasse, de
plus en plus étroite à mesure qu’on y pénètre. Quand il reçoit la balle, il est
si serré qu’il ne peut pas tomber et meurt coincé debout. Autre scène fameuse,
à l’abri du charriot. Le couple Greer et Stride sont rejoints par Big
Masters qui fait du gringue à Annie Greer : « J’ai connu une femme qui vous
ressemblait, mais un peu moins belle, mariée à un pleutre, un pleurnichard. Dès
qu’elle a croisé la route d’un gars viril, costaud, méchant, elle est partie
avec lui ». La scène est longue, il insiste, lourdement. C’est odieux pour
le mari, mal à l’aise, qui balbutie des explications que Masters rejette d’un
regard noir (faut oser affronter Lee Marvin !) gênant pour Annie Greer, humiliée,
mais aussi pour Ben Stride qui se sent viser comme amant potentiel.
Il
faut dire qu’Annie Greer est une sacrée femme, magnifique (waouh, quand elle apparait la chevelure défaite, ses yeux limpides, bleu clair) courageuse, aimante, qui
voyage avec trois hommes contrariés dans leur libido. Elle va découvrir aux deux-tiers du film le vrai
rôle de son mari dans l’intrigue (scénario génial j'vous dis) et en
pincera effectivement pour Ben Stride, dans des circonstances que je
ne révèlerai pas, sauf à me payer très cher (ci-joint un RIB). Le personnage
est joué par Gail Russell. Ah la belle femme ! La scène classique du bain
dans la rivière, nue imagine-t-on, avec Stride qui la zyeute, mais pas nous,
elle reste hors-champ ! Vous avez remarqué que dans les westerns la fille
se baigne toujours derrière un bouquet d’arbres ? Hélas, la timidité
maladive de l'actrice la faisait boire pour supporter le stress, Gail Russell meurt d’alcoolisme à juste 36 ans. Quel gâchis.
7
HOMMES A ABATTRE est une vraie réussite, un film court, concis, nerveux, astucieux, solidement réalisé, sans chichi, un scénario qui réserve de belles surprises.
Lee Marvin y vole presque la vedette à Randolph Scott dans un rôle de pur
salopard, il est fabuleux. Quand Stride lui demande pourquoi il a tué son complice, il répond avec un tel naturel : « Pourquoi ? Pourquoi pas... ». La classe.
couleur - 1h18 - format 1:1.85
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