mercredi 13 mars 2019

YAROL POUPAUD " Yarol " (février 2019), by Bruno



- "Hé ? Tu connais la dernière ? Yarol vient de sortir un premier disque solo"
- "Haaaa ... " (enthousiasme)
- "Il a foutu plein de samples, d'électro, des trucs de synthé "dance-floor" ..."
- "Oooohhh .... " (déception) et .... "Eurk !" 😝
- "Non, mais il y a aussi - évidemment - de la guitare. Et d'la bonne. D'la "pas coupée". Ça sonne franchement pro, du genre gros son "made in the USA". Ou du moins à la sonorité riche, ample et dynamique. Du style grosse Gibson trempée dans le Rock 70's."
- "Haaaa ..." (intérêt)
- "Écoute ... Tu m'en diras des nouvelles"
- "Aaaahhh.... Oooohhh... Mais, mais, c'est que c'est bien bon, ça" 😃



     Il en a fallu du temps pour que monsieur Yarol Poupaud se décide enfin à réaliser son propre disque. Depuis le début de ce siècle, en 2001 où "son" groupe F.F.F. - non pas la Fédé du Foute mais celle du Fonck - s'était mis de lui-même en hibernation. N'émergeant désormais de sa profonde léthargie qu'en de très rares occasions. Il y avait bien eu un alléchant Ep en 2003, le "2003 Sessions", qui laissait présager de très bonnes choses Rock'n'rollesques, mais rien ne suivit. Yarol se fit accaparer par le Johnny national. Son nouvel emploi l'occupe suffisamment pendant six années pour qu'il n'ait plus guère le loisir de tenter de voler de ses propres ailes. Mais le souhaitait-il ? Et puis, entre son job de musicien, de compositeur et de directeur musical (plus les séjours à Los Angeles, à la maison du patron - aujourd'hui, il ne risque plus d'y mettre les pieds, Laetitia l'ayant rayé de sa liste des fréquentables -), difficile de caser un espace pour une quelconque aventure parallèle.

Il profita plutôt des occasionnels moments de liberté, de ses congés, pour donner quelques coups de main. Notamment à la production pour divers groupes au sein de Bonus Tracks Records. (Label créé par Yarol et sa compagne, Caroline de Maigret).

       Le départ de Johnny H. pour un ailleurs, le libère des chaînes dorées qui le liaient à son imposant boss et ami.
Ce long et intense périple professionnel lui a ouvert des portes et lui a permis de tisser des liens sans lesquels, probablement, il lui aurait été difficile de réaliser un tel album. Un disque sans frontières, sans étiquettes restrictives, sans formatage, peut-être même libre de toute pression.

     Ainsi, en février 2019, Yarol (prénom - d'un pilote vénusien - tiré du célèbre roman de C.L. Moore, "Shambleau") s'expose sans fard à travers un album libre de toute contrainte, mélangeant naturellement les genres, sans arrière pensée de calcul marketing.
C'est aussi son étroite relation  avec son employeur, qui allait au-delà d'une simple corrélation professionnelle, qui l'a encouragé à s'investir dans le chant et à s'y affirmer.

      De la sorte, cet opus éponyme démarre sur un puissant Funk-rock où l'Afrique subsaharienne rencontre la chaude atmosphère des concerts Rock des 70's. Sur des paroles de Benjamin Biolay, Yarol demande le droit à la différence, et à rester sale... Sa guitare est charnue, imbibée de fuzz souffreteuse sur le solo, évoquant autant Rare Earth que Santana. Il y a d'ailleurs quelques similitudes avec "Jingo". De la World dansante, bien moins intellectualisée qu'instinctive.
Funk toujours avec "Caroline", mais dans une ambiance nettement plus soul et sensuelle, avec des violons hérités de Barry White, un Moog de Funkadelic et une wah-wah entre John Frusciante et Eddie Hazel. Un titre en hommage à sa compagne. Yarol passe subitement la cinquième avec "Boogie With You", un Rock'n'Roll à la B-52's, (y compris les notes répétitives de Farfisa Compact ou de Korg SB100), en plus musclé, avec un solo virevoltant - sons frénétiques émis par un quelconque engin volant de Flash Gordon - si saturé d'effet que le premier mouvement donne à penser qu'il s'agit d'une impro de Bernie Worrell. C'est également ce dernier que l'on croirait invité sur "What Am I Supposed to Do ?", un Funk aux accents princiens, pour y apposer sa patte fait de sonorités extra-terrestres tirés des films des années 60 et 70.
"Girls" plonge intégralement dans le dancefloor, la musique de boîte, proche du Disco. Seulement, là, en dépit de l'aspect purement récréatif et léger, cela n'a rien d'un insipide amalgame d'ingrédients inodores et chimiques.

   Yarol
passe sa voix au Vocoder pour un "No Filter" le cul entre deux chaises. Entre un Rock fonçeur, limite garage, et une Pop alternative à la Mercury Rev. Finalement, la mixture en fait une pièce proche de l'univers de Garbage.

Jusqu'ici, si l'on n'est guère surpris du brio guitariste et de la composition de Yarol Poupaud, pour peu qu'on le connaisse un tant soit peu, plus étonnant est sa maîtrise du chant. S'il n'est pas ténor, ou shouter, il n'en est pas moins un bon chanteur, sachant varier les tonalités, avec, de surcroît, un bon anglais. Et donc, avec "Trouble on the Wire", il se permet même d'approcher - avec prudence et application - un Rock guindé, mâtiné de Rock californinen, nimbé de funk blanc, à la  David Bowie, avec une voix ad-hoc. Un chant pouvant même se révéler émotionnel avec "The End of the World", un sobre adagio électrique profondément mélodique, à la beauté glaciale, hivernale, désoeuvrée, faisant passer R.E.M. pour des gais-lurons. Yarol y dépose l'un de ses plus beaux soli. Concis (trop court ?), onctueux, subtilement travaillé à la wah-wah, il évoque carrément les envolées lyriques d'un Michael Schenker sur les instants slow, voire de Neal Schon. Une pièce maîtresse aux attributs de hit interplanétaire.

     Le Funk est omniprésent, c'est le moins qu'on puisse dire. Le "dancefloor" aussi parfois. Les années F.F.F. ont muté à jamais l'adn de Yarol, et sont donc indissociables de sa personnalité musicale. Cependant, plus encore que pour la mythique fédération parisienne des années 90, le Rock s'infiltre, imprégnant toute chose de sa vigueur, de son âpreté, de son instinct animal. Évidemment, c'est la guitare qui en ressort la plus atteinte. C'est pourquoi on pourrait parfois presque croire que quelques irréductibles liés exclusivement à la cause Rock, tels que les frères Young, Keith Richards, Peter Frampton, Page, sont venus faire une petite session.
Lorsque "Runaway" déboule à toute berzingue, c'est nettement Ron Asheton et la furie Stoogienne qui font une entrée fracassante. Avec le quasi acoustique "Voodoo Love", c'est Willy DeVille et son romantisme latin avec ses parfums tex-mex et blues laid-back de New-Orleans.
 

 "Black Cat Bone", lui, s'empare des codes et clichés des Work-song et du Blues pour les moderniser, les corrompre afin de les inviter sur les pistes de danse, avant d'accélérer progressivement le tempo dans une transe hypnotique jusqu'à donner le vertige. Retombant alors dans une ambiance sulfureuse, (démoniaque ?), du rock'n'roll Stonien ("Exile on Main Street", "Get Yer Ya-Ya's Out !")


   Bien que sur un tempo lent, "Wrong Way to Win" hérite aussi d'un parfum sulfureux de Southern-rock 70's. Voire même des Texans de Whiskey Myers. Il y a quelque chose de reptilien, de prédateur à l'affût dans ce morceau ; et ce ne sont pas les quelques discrets bidouillages à la Bernie Worell qui parviennent à tempérer cette gratte s'insinuant comme une lente coulée de lave visqueuse, évoluant en une reptation d'alligator.
En final, il s'offre même le luxe de mélanger de la Pop anglaise des 60's à de la Soul (blanche), avec "Something's Gonna Happen".

     En conclusion, un premier vrai album de Yarol Poupaud fort réussi. Bien suffisamment fort et pertinent pour passer aisément les frontières et s'imposer naturellement au-delà des mers et des océans. Un disque à la fois frais et robuste, vivifiant et entraînant, groovy et Rock. Un disque où se télescopent des références aussi diverses que l'électro, l'afrobeat, le punk, la Soul, le Blues, le "dancefloor", sans jamais se départir d'une essence Rock. Cette dernière lorgnant généralement vers les années 70.




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