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DEVOTION
est un tout petit livre. Petit par son format, et le nombre de pages, à peine
150, et c’est deux livres en un. Ca commence à New York, dans
un café où elle s’installe pour lire « Accident nocturne » de Patrick
Modiano (vous connaissez beaucoup de punk-rocker qui citent Modiano ?). Dehors, travaux, marteaux piqueurs. Elle remballe son ouvrage, puis
reçoit un message de son éditeur français pour une tournée promo au pays des
fromages qui sentent bons. Elle y était venue en 1969 avec sa sœur, sur les
traces d’Arthur Rimbaud. Dans cette première partie, Patti Smith raconte son
voyage, sa chambre d’hôtel à St Germain des Près, ses pérégrinations et y joint quelques photos
prises ci et là, l’église de St Germain, le jardin des éditions Gallimard, son assiette au Café de Flores, une statue de Voltaire… Très cliché parisiens, non ? C’est une
américaine…
Un
détour par Sète, puis un coup d’Euro Star jusqu’à Londres, et Ashford, pour y
dénicher la tombe de la philosophe Simone Weil (pas Veil…). Patti Smith raconte
ce qu’elle observe, ce qu’elle lit, ce qu’elle regarde à la télé (elle s’endort
sur une compétition de patinage artistique), ce qu’elle ressent. Elle emmagasine
images et impressions.
On s’en fout me direz-vous ?
Et bien, non, là est justement tout le propos du livre. Car la seconde partie est une fiction, un récit situé en Estonie. Une gamine, Eugénia, qui patine sur un lac gelé, sous les yeux, lui semble-t-elle, d’un observateur anonyme. Qui lui laissera un manteau plus chaud que sa guenille.
On s’en fout me direz-vous ?
Et bien, non, là est justement tout le propos du livre. Car la seconde partie est une fiction, un récit situé en Estonie. Une gamine, Eugénia, qui patine sur un lac gelé, sous les yeux, lui semble-t-elle, d’un observateur anonyme. Qui lui laissera un manteau plus chaud que sa guenille.
Cette
fiction se nourrit, donc, de tout ce que l’auteur avait observé dans son
périple français. Ca s’appelle l’inspiration. C’est le thème de ce livre,
comment vient l’inspiration, les idées, la création, comment les éléments d’une
vie, ou de simples objets, décors, se retrouvent dans un livre, malaxés, recrachés,
digérés. C’est passionnant et ça se lit d'une traite.
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Arrêtons
là le résumé. Il va se passer plein de choses, une intrigue riche, à l'épilogue tragique et surprenant, narrée à l’économie,
en quelques phrases savamment construites, rédigées. Big up pour le traducteur ! Je peste souvent contre la
lourdeur et la longueur des romans, ici c’est tout l’inverse. Art de l’ellipse,
concision, un style magnifique, sensible, poétique notamment dans ce qui
touche à l’intime. Trois mots pour décrire un paysage, et hop, on le voit, on le ressent. Il y a le récit d’Eugénia, mais aussi
retranscrites les lettres qu’elle retrouve de sa tante, et dans une troisième
partie, les réflexions de Patti Smith qui s’interroge : pourquoi est-on
poussé à écrire ? (elle nous dit s’astreindre à écrire tous les
jours). L’auteur reproduit aussi le fac-similé de son manuscrit, écrit
dans le train.
Elle
convoque Marcel Proust, Virginia Wolf, Marguerite Duras, Dylan Thomas, Camus (dont la fille Catherine lui soumet le manuscrit du « Premier homme » qu'elle feuillette amoureusement) ou
Nabokov. C’est à Sète, en cherchant la tombe de Paul Valéry, que Patti Smith découvre
une sépulture, y est gravé dans la pierre le mot « dévouement ». Qu’on
lui traduit par « dévotion ». Le titre de son livre, donc. Un livre
formidable, une prose merveilleusement ciselée. Un petit bijou d'intelligence et d'écriture !
DEVOTION, Gallimard, 153 pages
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