- Eh eh M'sieur Claude… On
retrouve votre marotte de 2017, nous présenter des compositeurs oubliés,
inconnus de tous, même de M'sieur Pat…
- Pas systématiquement
Sonia, 2018 plutôt une année Opéra, mais là après le monumental article Mahler, un
peu de détente pour le rédacteur et mes chers lecteurs !
- Pas bête ! À voir le
portrait et le col à jabot de ce musicien, je dirais fin du classicisme, début romantisme,
contemporain de Beethoven… Non ?
- Bravo mon petit, c'est
exactement cela. Un concurrent de Haydn et de Beethoven, assez célèbre à l'époque
mais oublié sans doute à cause de sa trop courte vie.
- Heu, si je ne me trompe pas,
nous avons déjà écouté il y a peu le Concerto Köln dans des symphonies animées
de Vanhal, un choix intentionnel ?
- Non, il y a très peu
d'enregistrement et c'est par Vanhal et cet ensemble que j'ai découvert Eberl
que je ne connaissais ni d'Ève ni d'Adam… Dur !!
- Pff M'sieur Claude… Ça
commence fort les calembours 2018…
Anton Eberl (1765-1807) |
Le
jeune Anton Eberl voit le jour à Vienne,
la capitale de la musique européenne à l'époque classique, en 1765. On ne sait pas grand-chose de son
enfance hormis qu'il joue du piano forte assidument et deviendra un virtuose.
Sera-t-il l'ami ou l'élève de Mozart
? Difficile à dire, mais le jeune Anton
composera des pièces pour piano à l'intention de Mozart
qui seront d'ailleurs attribués à celui-ci à tort par les éditeurs. Anton Eberl composera une cantate funèbre
à la mort de son génial mentor en 1791.
En
1795-1796, il part en tournée avec
Constance Mozart à Hambourg et Leipzig. Les partitions manuscrites de cette
époque sont, soit perdues, soit ont été publiées comme écrites par Mozart. Déjà en 1798 Erbel s'était plaint que sa
sonate pour piano en ut mineur ait été éditée au nom du grand Wolfgang. Il est donc difficile d'établir
un catalogue avant cette date. En 1798,
Eberl revient à Vienne pour partir rapidement
à la cour de Saint-Pétersbourg. Là aussi, les œuvres sont perdues.
Vers
1800, il s'installe à Vienne, ville qu'il
ne quittera plus. Il rencontre un demi-succès avec son opéra La reine des
îles noires, au livret indigent mais dont la musique enchantera
Haydn. Il commence à composer des symphonies. On y trouve un lyrisme et
un sens épique qui préfigure le romantisme que Beethoven
va inaugurer avec sa symphonie "héroïque". La symphonie opus
33 sera d'ailleurs créée le même jour que la révolutionnaire Eroïca
de Ludwig van. Le public et la critique apprécieront plus celle de Eberl, la 3ème de Beethoven
étant considérée comme trop développée. On osa même lui conseiller de la raccourcir
!! Drôle d'histoire qui montre que ce compositeur oublié aurait pu s'imposer
comme un pionnier du romantisme si la scarlatine ne l'avait pas emporté en 1807, à 41 ans, deux avant la
disparition de Haydn…
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Werner Ehrhardt |
Entre
la disparition des manuscrits, le début tardif de sa carrière comme compositeur
reconnu et sa fin prématurée, le catalogue des œuvres est mince. Pourtant Eberl a composé
dans tous les genres : opéra, musique de chambre, concerto et 5 symphonies dont
trois de jeunesse écrites entre 1783 et 1785, à la fin de son adolescence.
L'album édité par Teldec comporte la dernière de ces symphonies de l'époque
classique et deux symphonies plus ambitieuses : les opus 33 & 34.
On
considère de nos jours que Eberl par l'audace de
ses partitions qui concurrencent celles de Beethoven pose à sa manière
les fondements du romantisme. La première écoute de sa dernière symphonie de 1804 confirme ce sentiment. Tant par sa
forme de composition assez complexe que par une inspiration héroïque dans
certains passages, les élans et le dramatisme propres au romantisme sont bien là !
L'orchestration
est identique à celle des premières symphonies de Beethoven
et des londoniennes de Haydn : 2/2/2/2, 2 cors et 2 trompettes, timbales et cordes.
Eberl innove en supprimant
le scherzo au bénéfice d'une forme tripartite proposant un premier mouvement
développé.
Nous retrouvons la verve du Concerto Köln et les timbres gouleyants de ses instruments d'époque, tous dirigés par le premier violon Werner Ehrardt.
La
création eut lieu en 1806 au faîte
de la gloire du jeune compositeur. Une symphonie dédiée au Tsar Alexandre 1er.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Canaletto – Vienne vu du Belvédère (1759 - 1760) |
xxxx |
1 – Andante maestoso e sostenuto – Tempo di Marcia –
Allegro agitato
: une indication de tempo aussi détaillée en ce tout début du XIXème
siècle est pour le moins inattendue. On en trouve plutôt dans les symphonies de
la fin du romantisme, chez Bruckner et Mahler… Cela dit, en regard de la durée du
mouvement, plus de quinze minutes par le concerto Köln,
ensemble dont la réputation n'est pas de faire traîner les choses, on peut y voir une
construction de ce mouvement initial qui n'est pas celle en usage à l'époque
classique, et on aura raison.
Des
traits sombres et sévères ébauchent un climat introductif fier et menaçant. [00:44]
Pourtant une seconde idée énoncée à grand renfort de bois égayant une mélodie ondoyante
aux cordes semble vouloir nous rassurer jusqu'à des coups de timbales altières. Oui,
un apparent retour aux adagios des londoniennes de Haydn mais sans la
bonhomie, plutôt la vaillance d'un Beethoven. [01:34] Le second groupe
thématique apparaît assez singulier : une marche qu'il faut bien qualifier de
militaire, je ne dis pas guerrière, là est toute la subtile ambigüité de cette
musique. Le traitement concertant est surprenant, on écoute un divertimento martial
des bois et des cuivres très allant, des pupitres d'harmonie que l'effectif
réduit et coloré du Concerto Köln met
parfaitement en avant. Cette marche s'achève brutalement, comme dit plus haut :
un mouvement dans le mouvement qui rendra sans objet un scherzo… Anton Eberl, un
imaginatif qui bouscule les traditions ? Assurément !
[05:52]
L'allegro commence avec vigueur avec un matériel thématique totalement
renouvelé. Agitato est bien la bonne indication. La musique se déploie,
farouche et de nouveau dans une grande richesse de dialogues entre les cordes
et l'harmonie. Les motifs sont prenants, puissants et chevaleresques.
Pour rebondir sur une idée de Maggy, ce mouvement polymorphe se rapproche d'une œuvre lyrique (Eberl composa nombre d'opéras) dans laquelle des scènes se succèdent. Divers types de personnages faisant leur entrée sous forme de motifs aux accents opposés.
Vienne : Rudolf von Alt (1812-1905) |
XXX XXX |
2 - Andante con moto : [05:52] Encore un principe peu en
usage : l'énoncé d'un premier thème à la clarinette soutenue par les bassons. L'instrument
faisait ses premiers pas comme instrument à part entière. Merci Mozart… Elber adore utiliser l'harmonie autrement que comme
petites touches de couleurs. La mélodie se veut galante, absolument viennoise,
mais avec des ruptures de dynamiques qui la font échapper au style festif. Des appels
des cuivres se présentent comme des défis. [19:33] Un solo de violon semblant
jaillir d'un concerto complète la liste des innovations dans l'univers de la
symphonie. Bien au-delà de cette considération formelle, l'andante devient un
moment de réflexion intense chez le compositeur. L'équilibre entre les divers
groupes instrumentaux est à mettre au crédit de la virtuosité du Concerto Köln.
3 – Vivace assai : [21:41] Le
final prolonge ce sentiment général de gourmandise symphonique avec une pincée
de gravité et une autre de vitalité. Un allegro qui apporte un bel équilibre architectural
avec la seconde partie du premier mouvement. La coda est d'une fulgurante
alacrité. Un seul mot pour conclure : une sympathique découverte. En cadeau : vidéo de
la symphonie opus 33 composée l'année précédente et jouée par les mêmes interprètes.
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Sonia a raison, je ne connais pas du tout Anton Eberl et à l'écoute, j'aurais attribué ça à Mozart.
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