- Eh eh M'sieur Claude… On reprend le cycle des compositeurs à découvrir…
L'idée de l'année… Qui est ce M'sieur Bax ? Drôle de nom…
- Très (trop) mal connu en France, Arnold Bax est un compositeur anglais
de la première moitié du vingtième siècle. Pas un réel novateur, mais quel
orchestrateur !
- Ah je vois, donc un confrère de Vaughan Williams dont vous parlez
souvent, ou encore de Elgar ou de Holst, l'homme des planètes…
- Super Sonia, vous vous passionnez pour mes chroniques, on pourrait
ajouter Walton et Britten, encore des papiers à venir…
- J'aime beaucoup l'esprit automnal de ce que j'entends : "novembre dans
les forêts ou les bois" si mon anglais ne me trahit pas. En effet, une
orchestration rutilante mais douce…
- Dites Sonia, vous allez bientôt écrire les articles à ma place mon
petit…
Arnold Bax (1883-1953) |
Il y a peu, j'avais souligné le rôle prépondérant joué par
Berlioz
et
Rimski-Korsakov
dans la maîtrise de l'orchestration moderne. On pourrait ajouter notre
invité du jour qui a su comme personne exploiter les mille couleurs des
grands orchestres symphoniques. Mais j'anticipe mon propos. Qui était
Arnold Bax
?
Né en 1883 dans une banlieue
chic de Londres,
Arnold Bax
est le pur produit intellectuel de la bourgeoisie cultivée de l'époque
victorienne. Très présent dans les programmes anglo-saxons, il est
totalement ignoré dans l'Hexagone hormis des mélomanes curieux…
Arnold Bax
ne s'attachera pas à la capitale mais vivra essentiellement en Irlande et en
Écosse, deux régions propices à nourrir son inspiration. Dès l'âge de douze
ans il compose pour le piano, instrument qu'il maîtrise parfaitement même si
la carrière de virtuose ne l'intéresse guère.
Bien entendu,
Bax
composera beaucoup pour le clavier, principalement pour la pianiste anglaise
Harriet Cohen
qui, au-delà d'être son interprète de prédilection, sera sa maîtresse… (Même
chez les musiciens classiques, il y a du people. D'ailleurs j'ai trouvé une
photo séduisante de la belle pianiste.)
C'est pourtant la musique orchestrale qui permet à
Bax
de demeurer un compositeur de renom dans son pays. Comme
Sibelius
qu'il admirait, il composera
7 symphonies
; la 4ème sera un jour un sujet de chronique. Par ailleurs,
nombre de
poèmes symphoniques
illustrent les talents de poète de
Bax. (Il publiera de nombreux poèmes.) Même si l'influence du meilleur
Wagner
semble présente, la couleur subtile de son orchestration l'écarte des
lourdeurs teutonnes de certaines œuvres de
Liszt, lui aussi wagnérien convaincu et inventeur du poème symphonique.
Harriet Cohen (1895-1967), la muse |
Arnold Bax
est considéré comme un postromantique tardif pour son inspiration plutôt
expressionniste. Absent des écoles modernes comme le sérialisme, il
n'hésitera pas cependant à s'aventurer comme
Bartók
ou
Debussy
dans les gammes tonales, le chromatisme élaboré et autres solfèges propres à
la musique du XXème siècle.
Anobli en 1937,
Sir Arnold Bax
cessera de composer intensément en
1940. Il composera la B.O. d'Oliver Twist
de David Lean en
1948 avant de s'éteindre en
1953.
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Vernon Handley (1930-2008) |
Sa discographie, essentiellement réalisée pour le label british
Chandos, témoigne de cette passion, notamment pour la musique du
XXème siècle et les compositeurs contemporains de la perfide Albion
(Tippet,
Bridge,
Stanford…).
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Nous sommes en 1917. Jeune
compositeur de 33 ans,
Arnold Bax
écrit
November Woods
sans programme bien défini, a contrario des œuvres de
Debussy
comme
la mer
ou les
nocturnes. Le titre se suffit à lui-même : l'automne, les feuilles dorées, le vent…
Une ballade romanesque avec
Harriet Cohen
la jolie musicienne dont il est follement amoureux ? À l'écoute de sa
musique échevelée et suggestive, notre imagination peut vagabonder… Il vient
juste de quitter son épouse, la pianiste
Elsita Luisa Sobrino, après six ans de vie conjugale. L'œuvre sera créée en
1920 à Manchester.
L'orchestration, comme je l'évoquais plus haut est généreuse et rappelle
Bartók
et
Strauss
: 3 flûtes + piccolo, 2 hautbois + cor anglais, 3 clarinettes + clarinette
basse, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones + tuba, 2 harpes, timbales,
cymbales, glockenspiel, célesta et les cordes.
D'une durée d'une vingtaine de minutes, le poème symphonique voit se
succéder divers épisodes aux intentions descriptives affirmées. On pense au
naturlaut (bruit de nature) de
Gustav Mahler…
Henry Stannard (1870-1951) |
[0:00] Une mélodie gracile des flûtes illuminée par des arpèges de harpes
plante un décor brumeux et enchanteur, celui des forêts à cette période où
le soleil tente de percer les nuées, de faire miroiter les dernières
feuilles jaunies et couvertes de gouttelettes. Les cordes s'élancent
discrètement ppp sur des longues
tenues d'accords, un bruissement de zéphyr.
Arnold Bax
signe de son style particulier, mélange de réalisme et d’expressionnisme ce
tableau bucolique et méditatif. Rapidement les bois et les cors viennent
ajouter d'autres couleurs sous les ramures. L'orchestration se révèle très
légère, peu surchargée dans son traitement, et comme
Strauss, les thèmes se chevauchent habilement, reproduisant le climat venteux et
épique souhaité… Je ne précise pas que l'orchestre de la BBC est la
formation rêvée pour magnifier cette musique caractéristique du style
anglais de cette époque. On ne peut pas ne pas songer d'une part à la
symphonie
"pastorale" de
Ralph Vaughan Williams
(Clic)
et d'autre part aux
murmures de la forêt
d'un certain
Richard Wagner… Un crescendo inexorable illustre la montée en force des éléments, des
bourrasques automnales, pour introduire une seconde partie. Il présente une
évidente volonté de proposer un jeu concertant, un chassé-croisé des
différents pupitres.
[2:14] Sans réelle transition un passage plus dramatique se déploie, les
lignes mélodiques s'enchevêtrent, les timbales marquent le rythme.
Trompettes et timbales vont conclure ce passage aux accents tragiques.
Arnold Bax
ne se contente pas de peindre la forêt mais mêle les pensées et sentiments
suggérés par les paysages.
[4:54] Le compositeur renoue avec une plus grande sérénité, l'entrée dans
une clairière où le phrasé se fait à la fois aventureux et délicat, éclairé
par les notes cristallines du célesta et le chant sensuel du violon
solo.
[10:12] Après un nouveau passage plus âpre, retour de la douceur, de la
nostalgie. Pourtant, quelques trémolos de cordes précèdent une section
inquiétante. Pizzicati d'une rare sécheresse, tintement glacé du
glockenspiel, feulement des flûtes. Chaque groupe de mesures apporte une
surprise dans cette musique qui semble tourner le dos au concept habituel
des variations sur des thèmes, technique empruntée à la forme sonate et à
ses variantes. La musique de
Bax
se révèle poétique, étrange et hiératique, étonnamment moderne en un mot…
Quand je parle de poésie, le mot vaillance me vient à l'esprit.
L'ouvrage suivra jusqu'à sa conclusion tranquille cette incessante
variation d'ambiances, ce principe constant d'exploiter la richesse des
timbres de l'orchestre dans toutes ses possibilités esthétiques.
Arnold Bax
fait preuve d'une grande imagination dans l'usage des tonalités, obtenant
nombre d'effets féériques. Une œuvre à découvrir d'urgence par les mélomanes
amateurs de musiques échappant aux moules classiques sans pour autant
devenir absconses.
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Les poèmes symphoniques de
Arnold Bax
sont gravés fréquemment. Une grande partie de sa musique symphonique a été
enregistrée par un chef anglais dont nous avons déjà parlé dans le blog :
Bryden Thomson.
(Clic)
Ces disques, dont ce poème symphonique, sont disponibles également chez
Chandos. Ils sont d'un intérêt
égal.
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