mercredi 19 juillet 2017

Vanessa COLLIER "Meeting my Shadow" (2017), by Bruno



     Vanessa Collier, nouvelle révélation ? C'est bien possible. Toutefois, si l'on se réfère à son cursus, on ne devrait guère être étonné que cette fille du Maryland ait réalisé un disque de ce niveau.

     Avant de s'exposer au public, elle a choisi de parfaire son éducation musicale au Berklee College of Music de Boston. Une fois diplômée, elle est parti en apprentissage en prenant la route aux côté de Willie Nelson et d'Annie Lennox. En 2014, elle réalise un premier disque, « Heart Soul and Saxophone », déjà salué par la critique. Elle remet le couvert cette année, grâce au très dynamique label teuton, Ruf Records. Thomas Ruf, généralement réputé pour avoir une prédilection pour les jeunes Blueswomen, plus particulièrement pour les guitaristes-chanteuses, mignonnes de surcroît, semble depuis quelques temps chercher à diversifier son écurie de jeunes damoiselles. L'année précédente, il nous avait agréablement surpris avec une triade de chanteuses, opérant toutes dans un créneau relativement différent. Toutes bien talentueuses, elles se démarquent du bataillon d'amazones du label qui rivalise en riffs et soli avec les plus virils de ses blues-rockers-gladiateurs. Au point où dans l'arène, on pourrait parier plus volontiers sur les amazones

     Ainsi, le cru 2016, de la maison Ruf, a révélé la Finlandaise Ina Forsman (clic-là-lien) avec son alchimie de Rhythm'n'Blues, de Blues faussement rétro et de Soul, Tasha Taylor et son Blues fortement imprégné de Soul (clic-ici-lien), et enfin Layla Zoe qui a quitté Cable Cab Records pour rejoindre le label allemand et réaliser par la même occasion son meilleur disque (clic-lien).

     Sans abandonner ses Amazones, il continue dans sa recherche de nouvelles révélations féminines se démarquant du Blues-rock. Notamment de celui qu'il a longtemps promu. 
Cette année, on découvre donc Vanessa Collier. Une demoiselle pleine de ressources qui se différencie d'entrée par une attitude simple, saine et naturelle. 
 En plus d'être chanteuse, auteur, compositrice et saxophoniste (alto, soprano et ténor), elle ne se prive pas pour prendre à l'occasion la place du claviériste (Wurlitzer, Rhodes). Où encore pour jouer quelques notes de flûte sur "Poisoned the Well". (Sur cette chanson, entre le wurlitzer enrobé de wah-wah et la flûte atonale, il y a une atmosphère psychédélique soft qui rappelle quelque peu la reprise de "Smokestack Lightning" par Lucky Peterson).
Bien qu'elle laisse le soin à d'autres, certainement plus experts, d'en jouer, elle sait aussi tenir une guitare. Comme l'atteste la séquence filmée où elle reprend seule "River" de Joni Mitchell (séquence visible sur son site).

Avec Laura Chavez

     Une artiste complète qui n'a nul besoin de se farder comme une poupée barbie pour être crédible. Qui n'éprouve pas le besoin de choquer ou d'être vulgaire pour attirer l'attention. Seul le talent suffit, et elle n'en manque pas. On peut d'ailleurs constater que bien qu'encore jeune, elle n'éprouve aucune difficulté à tenir une scène.  
C'est donc sans surprise que l'on la retrouve sur ce disque presque parfait, où elle a su bien s'entourer. Particulièrement avec Laura Chavez (l'ex-lieutenant de feu-Candy Kane) qui sait injecter un peu de mordant à bon escient.

     "Meeting my Shadow" délivre un Blues que l'on pourrait juger d'"old school", car pas très marqué par le Rock et surtout sans grandes effusions. Presque sage. Un Blues qui suivant ses humeurs se pare de couleurs funky, Soul, jazzy et rhythm'n'blues. 
Vanessa chante avec justesse et expressivité d'une voix claire et relativement forte, sans être criarde. Parfois sensuelle mais jamais vulgaire. Tandis que ses saxo sont d'une éloquence, d'une pertinence et d'une retenue rares.
Huit pièces originales, composées par la demoiselle seule, qui ne reflète en rien son jeune âge. Elles sonnent toutes (sauf, peut-être, "Poisoned the Well") comme des classiques. Soit, elles se fondent totalement dans la masse, avec les reprises. Des reprises qui ont le bon goût de se distinguer des habituelles scies usées jusqu'à la trame.



     Cependant, ces versions s'avèrent être le maillon faible du disque. Non pas qu'elles soient médiocres, cependant, simplement, elles souffrent de la comparaison avec les originaux. A condition, évidemment, de les connaître.
Ainsi, "You're Gonna Make Me Cry", le succès d'O.V. Wright (écrit par Deadric Malone),  ne retrouve pas la force, ni l'émotion, du chant de son (premier) interprète. Ensuite, le célèbre "When Love Comes To Town", écrit par U2 pour être joué avec B.B. King. Peut-être un trop gros morceau. S'attaquer à une chanson portée par la puissante voix de Riley n'est point aisé. Ni même au chant singulier de Bono. C'est probablement la raison d'une adaptation plus Soul, plus féminine, et donc plus appropriée à son registre. Indéniablement plutôt bonne, malheureusement la comparaison est inévitable, et, là encore, on peut regretter de ne pas retrouver la force de l'original. 
Tout comme pour le "Up Above My Head, I Hear Music in the Air" : difficile d'égaler la robustesse (le coffre) de Sister Rosetta Tharpe (1). Et puis, il y a une nette différence de gabarit. Cependant, là, le chant de Vanessa est tout de même plus en phase. D'un autre côté, l'orchestre s'en donne à cœur joie et parvient, là, à faire la différence.

     Pour ne rien gâcher, elle paraît saine, naturelle et sympathique, et n'a pas l'air de se prendre au sérieux en dehors de la scène.
Elle a été finaliste du John Lennon 2015 pour sa chanson "Bad News Bears", a reçu le prix Luther Allison Pro et a été tout récemment nominé aux Blues Music Award de 2017 dans la catégorie instrumentiste.
Lorsque l'on constate qu'en plus de ses capacités de multi-instrumentistes, elle signe, à elle seule, huit titres sur onze - huit morceaux de qualité -, on ne devrait pas trop se faire de souci pour la suite de sa carrière.








(1) Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette excellente pièce, qu'ils aillent vite l'écouter et découvrir cette forte personnalité dont le jeu de guitare, par certains aspects, préfigurent le Blues-rock. Elle avait été justement été surnommé la "Godmother of Rock'n'Roll". (elle s'était mise à l'électricité dès les premières Gibson Les Paul, et par la suite, Gibson SG Custom

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