lundi 24 avril 2017

YVES VESSIERE - UN HOMME QUI CHANTE - par Pat Slade


Yves Vessiere Le Chant d’Un Homme





Patchwork d’une carrière





Une fois de plus le facteur m’a apporté un CD. Ma boite à lettres va devenir une succursale de la FNAC et de Cultura réunis. Mais les artistes auxquels nous autres chroniqueurs du Déblocnot’ nous portons une oreille attentive sont hors système, hors showbiz la plupart du temps et ne méritent pas de l’être. Ils devraient plutôt envahir les médias au centuple pour contrer le matraquage de chanteurs sans voix et sans talents (Je ne citerais pas de noms !)

La France est un énorme vivier de talents, il ne suffit pas de regarder avec des œillères comme des zombies des émissions télévisés comme «The Voice» où les fauteuils tournent sur eux-mêmes ou encore «La France a un incroyable talent» ou le buzzer fatidique te renvoie à tes études. Il faut chercher dans la France rurale pour trouver beaucoup de talents méconnus. Comme pour Hélène Gerray, cette charmante et talentueuse chanteuse du Cher à laquelle j’avais consacré une chronique au mois de mars dernier ou Brigitte Lecoq et ses reprises de Barbara dans le centre. On me propose aujourd’hui de m’intéresser à Yves Vessiere, un homme de l’Allier. Mais avant de parler de ce chanteur musicien et de son album «On se demande», je tenais à préciser que je vais traquer ces chanteurs et chanteuses qui sont dans l’ombre et j’ai déjà plusieurs noms sur mes tablettes : Claudia Meyer, Michèle Bernard et Fred Daubert. Beaucoup de travail en perspective.

Yves Vessiere - Jean-Louis Foulquier
Mais revenons à l’homme que je dois aujourd’hui présenter. Bienvenue dans le pays où faire bonne chère et bombance n’est plus à démontrer. Entre la viande du Charolais et le pâté aux pommes de terre, il reste du temps pour faire place à la musique et à ceux qui la font. 

Yves Vessiere n’est pas un «perdreau de l’année». Il a déjà de la route et du métier derrière lui. «On se demande» est son sixième album. Dans sa vie il croisera celle de l’homme qui créera les Francofolies. Jean-Louis Foulquier l’invitera à  France-Inter sur le plateau de «Y’a d’la chanson dans l’air». Il fera aussi des rencontres dans sa vie de musicien parolier avec d’autres artistes connus (quand même) comme Anne Sylvestre, Charles Dumont, Isabelle Aubret, Leny Escudero ou le Suisse Michel Bühler

Il ne sera pas facile pour moi de passer derrière les journalistes professionnels de «Paroles et Musiques», «Chorus» ou encore ceux de la presse de province comme «La Montagne», «La Nouvelle République» ou «Le Progrès de Lyon», c’est comme si je faisais une chronique sur Genesis après Hervé Picart du regretté journal «Best».

Je prends la pochette et je vois la photo d’un homme au visage un peu buriné, l’œil plissé, le cheveu rare et un sourire énigmatique aux lèvres. Un homme qui se poserait la question «On se demande…». Bref ! Je me lance dans l’écoute et place la rondelle de polycarbonate dans le lecteur de marque japonaise de ma chaine hifi. Je ne parlerais pas du timbre de voix, je garde ça pour la fin.




On Se Demande… 






«On se demande» : Une belle ligne mélodique à la guitare dans le style de Maxime le Forestier et des paroles qui pourraient sortir de la plume de l’artiste à l’époque ou il avait de la barbe. Un réquisitoire sur notre monde de fous et je ne peux que la comparer à un titre de Georges Chelon. «Tant et tant»  où Yves Vessiere se demande «Comment nous vient ce goût de vivre» alors que «Pour un Jaurès, pour un Gandhi. Tant de despotes, tant de tyrans». «Vrai fils de la nation» : Sur une petite musique bluesy toujours dans la même ligne ques les titres précédents. L’auteur du texte est un certain Bernard Martin (Désolé ! Je ne le connais pas, donc sujet à creuser !). Un texte qui s'interroge sur le thème de l’identité nationale ou alors sur le métissage de chacun de nous. Un Brassens aurait bien pu la chanter, je me suis surpris à sourire en l’écoutant.  

«Un Livre» : Au son d’une guitare et des balais de batterie, voici sur un rythme jazzy une prise de conscience qu’un livre et la lecture en général est une évasion «Tu le traînes partout. Partout, et même au p’tit coin». Beaucoup de jeunes devraient écouter cette chanson au lieu de s’abrutir devant leurs écrans de toutes tailles, encore faut-il susciter leur intérêt nous les aînés, hein papi Claude 😁.
«Ce bonhomme, il sait tout» Un tempo à la Brassens, des paroles avec ses homophonies. Une petite chanson drôle et bien tournée.

«Je voulais conserver ma place» Très beau titre sur le harcèlement moral au travail où les jeunes arrivistes du haut de l’échelle dans une entreprise te font bien comprendre que le rendement est primordial et qu’ils pourraient te pousser jusqu’au suicide. 
«Chaque fois qu’j’te vois» : Jazz manouche et le discours d’un homme et d’une femme qui vivent un amour passif.

«Je hais les haies» Toujours sur le même tempo, on change d’auteur pour… Raymond Devos et ses mots décalés. Rien d’autre à dire sauf que j’ai du l’écouter trois fois pour bien comprendre ! Raymond Devos n’était pas un magicien des mots pour rien.   
«L’avaleur de l’argent» : Yves Vessiere sait lui aussi jongler et jouer avec les mots et nous le prouve avec ce titre. Parti d’une anodine phrase de ses parents, dans la tête d’un enfant cela devient autre chose «Tu verras quand tu connaîtras la valeur de l’argent… Et moi je m’imaginais qu’une sorte de super Picsou avalait tout notre fric, nos sous» 

«Des routes pour partir» : Le chômage, la délocalisation des usines… La crise ! «Y’a plus d’pognon, y’a plus de flouze, aujourd’hui, ça sent la loose» mais avec un message subliminal : en parlant de l’embauche «Pas plus chez Auchan, qu’chez But. On bricole à droite, à gauche, y’a qu’ «la Marine» qui recrute».
«Noël, Noël» Avec des paroles de Jean Richepin, écrivain connus pour son recueil de poèmes «La chanson des gueux» qui en 1876 lui vaudront 1 mois de prison pour outrage aux bonnes mœurs. Jean Richepin était un poète engagé politiquement sous l’étiquette «Fédération de Gauche», considéré comme un grand rhétoricien, ses textes ont pour base la misère et cette chanson, malgré sa guitare plutôt guillerette, n’échappe pas à la règle.  

«Ah ! Je perds tout» : L’histoire d’un homme qui raconte qu’il a perdu sa femme et qui, au dernier couplet, nous glace l’échine en nous disant qu’il a perdu la boite «Elle craint les courants d’air… Maintenant qu’elle est en poussière…»
 «Tu viens, tu pars» Encore un rythme jazzy-manouche. Mais a qui Yves Vessiere pose t’il la question ? Une femme ? Ou a un quelconque pote qui joue les morpions ?


«Il n’y a pas» : Une déclaration d’amour avec calembours, jeux de mots et humour qui frise la prose de Boby Lapointe.
«Les microbes sympas» : Une chanson drôle qui vous fait voir qu’une angine ou une grippe peuvent avoir de bon cotés : «Et vive les microbes sympas qui vous mettent quelques temps sous les draps»
«Je pense à toi» : C’est sur un beau texte de René Fallet l’auteur de «Paris au mois d’août» et un grand pote de l’ami Brassens que se conclut cet album. Un homme qui pense à son amour alors que ce dernier se trouve dans un Paris trop gris et trop pollué à son goût.

Yves Vessierre, un style d’artiste que l’on trouvait dans les années 70-80 avec une voix ou un style qui  aurait tendance à  se rapprocher de chanteurs comme Pierre Tisserand, Yvan Dautin Georges Chelon, Yves Branellec ou encore François Béranger. Ça ne peut que plaire.
Yves Vessiere tisse ses textes comme une toile d’araignée où l’auditeur se prend volontairement dedans. Encore une très belle découverte qui nous fais bien comprendre que la chanson française n’est pas définitivement foutu !



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