- Et bien M'sieur Claude, elle
n'est pas gaie la couverture du livre : rouge sombre, noire, un crâne… Pire
qu'une pochette de Hard Rock gothique de M'sieur Vincent…
- C'est bien dans le style
de l'ouvrage ma p'tite Sonia, ou comment gâcher un sujet en or avec une
surenchère dans le morbide et la volonté de choquer…
- Tiens ! Bizarre de votre
part. Il vous en faut beaucoup pour vous choquer, et en général vous n'écrivez
jamais sur ce qui vous a déçu ?
- En effet, mais Tom Knox
n'est pas le premier à céder aux appels des lecteurs avides de violence gratuite :
sacrifices et tortures. Je souhaitais parler de cette dérive…
- Oui, je vois, je déteste
aussi, je préfère les livres romantiques, les histoires d'amour, même si tout le monde se fout de moi,
hi hi…
- Mais il existe de très
beaux romans fleur bleue et je ne me rappelle pas avoir vu traîner un
exemplaire de la collection Harlequin sur votre bureau ma belle…
Oui
Sonia, je ne propose dans ce blog que des commentaires sur des musiques que
j'aime, parfois des livres ou des films pour la même raison. Le Deblocnot' est
un rendez-vous de passionnés, donc inutile de me fatiguer à flinguer d'une
plume vitriolée des nanars musicaux (en classique, ça existe, bien entendu) ou
des romans de gare à deux balles. Une exception : André
Rieu, et encore avec une bonne dose de rigolade. Mais je
constate depuis une décennie une dérive des romans d'aventures ou d'inspiration
ésotérique vers un recours complaisant aux scènes de sadisme qui me laisse
songeur… Avant de disserter sur ce phénomène, parlons de ce livre…
Je
n'ai trouvé aucune photo d'un Tom Knox
souriant ! Certains commentateurs d'un site web bien connu pense que cet auteur
doit avoir l'esprit, disons… bien tourmenté. Ce portrait semble leur donner raison. Né en
Angleterre en 1963, l'écrivain ne s'est tourné vers le thriller ésotérique et religieux
que tardivement. La
malédiction du livre noir (traduction fidèle de The genesis
secret – Le secret de la Genèse) est paru en 2009. Depuis d'autres thrillers sont parus dont Le dernier rituel qui m'avait fait
découvrir Tom Knox. Après des études
de philosophie à Londres, il a sillonné la planète comme grand reporter. Les
civilisations très anciennes et mal connues semblent dicter sa thématique. Là est le plus : un pan de l'archéologie qui change des pyramides, de l’Atlantide ou des embrouilles diaboliques au sein de la chrétienté et du Vatican.
Göbekli Tepe (- 12 000 ans !!!) |
Pendant
que les cadavres martyrisés s'accumulent, Rob
Lutrell, journaliste correspondant de guerre se voit confier une mission
cool par son rédacteur en chef qui prend soin de sa petite santé. Une
mission plutôt insolite pour un bourlingueur de champs de bataille, effectuer
un reportage sur l'un des sites archéologiques les plus étranges de la planète
: Göbekli Tepe.
Une cité mégalithique construite non pas à l'époque de l'essor de la Mésopotamie ou de
l'Egypte ancienne, mais 12 000 ans avant JC, donc bien avant la découverte de
la métallurgie, des papyrus ou de la poterie, à une époque où l'homme ne vivait
que de chasse et de cueillette comme on lit dans les manuels scolaires !!!
Plus étrange, le temple et sa cité ont été enfouis volontairement 8 000 ans avant J.C. pour
des raisons inconnues. Une découverte toute aussi fabuleuse que celle du trésor de Toutankhamon
et pas du tout imaginaire (Clic). Découvert en 1964, l'endroit est inventorié
depuis 1994 par les allemands. Ici l'imaginaire Franz
Breitner, archéologue, accompagné de l'héroïne du roman : Christine Meyer, une scientifique française. La région n'est pas sûre,
le Kurdistan est une zone de conflits larvés entre kurdes, turques et
irakiens, plusieurs polices rivalisant de mauvaise foi et de corruption. (Le roman a été écrit avant
la tragédie syrienne et l'émergence de Daech et témoigne de la misère subie
par les communautés kurdes.)
Squelette de néphilim découvert en arabie !!! XX XX |
Rapidement
le reportage tourne au vinaigre. Si Rob
Lutrell sympathise promptement et coqueliquera (évidement) avec Christine, Franz Breitner est victime d'un accident mortel (accident ?) et les
fouilles sont arrêtées au grand bonheur des autochtones qui considèrent les
lieux comme sacrés. Des adorateurs des anges déchus continuant, dit-on, de
pratiquer des sacrifices pour honorer un Dieu-paon d'un très lointain passé. Un
peu trop curieux lors de l'enquête, Rob
et Christine sont expulsés vers
l'Angleterre après avoir risqué leurs peaux pour retrouver le carnet secret et codé de Franz Breitner.
De son côté, Mark Forrester, navigant de
crime en crime, a fini par identifier le psychopathe de service : Jamie Cloncurry, rejeton dégénéré d'une
dynastie irlandaise de monstres (amateurs d'orgies, criminels de guerre, etc.) La passion
du gars et de sa petite secte d’illuminés : les rituels de sacrifices humains empruntés aux
civilisations antiques : aztèques, vikings, inquisition, ce n'est pas ce qui manque.
Et c'est là que le roman dérape vers le sordide et nous entraîne à la poursuite classique
et hollywoodienne du Sérial Killer. Tom Knox
ne nous épargne aucun détail des passions macabres de Jamie. Beurk, un concours de charcutage, d'éviscération et de vivisection, sans queue ni tête d'ailleurs sur le simple plan physiologique. Cerise sur le gâteau : ce cinglé kidnappe Christine et Lizzie, la
fillette de cinq ans de Rob ! Bien
entendu, les deux malheureuses seront la monnaie d'échange pour posséder le
fameux livre noir qui fait enfin son
entrée. Problème, personne ne sait où il se trouve, ce qu'il contient ni son rapport avec Göbekli
Tepe ?
D'après Jamie : une révélation à
faire vaciller les acquis sur l'origine de l'humanité. Celle-là, on nous l'a déjà faite cent fois.
Entre
la recherche dudit parchemin et les négociations via mails et webcam (pour mater
les horreurs commises par Jamie et ses complices dans leur repère), le livre se
perd dans des méandres policiers et le voyeurisme sadique qui nous écartent du sujet
archéologique initial pourtant passionnant et original.
Fragment du Livre d'Enoch (manuscrits de la mer morte de Qumrân) DDD |
Je
ne raconte rien de plus, hormis que le fameux livre noir n'en est pas vraiment un. En un mot, il prouverait avec authenticité que le livre d'Enoch restitue fidèlement un passage caviardé dans la version officielle de la Genèse. Le livre d'Enoch
? Un livre biblique apocryphe (reconnu par les créationnistes anti darwiniens) daté de -300 à +100
(texte retrouvé en partie dans les grottes de Qumrân) et racontant comment,
après avoir été chassés par Dieu le père, les anges déchus engrossèrent des
rejetons géants à Eve et la descendance d'Adam : les néphilims,
êtres diaboliques et mauvais qui mirent définitivement la pagaille noire dans le
jardin d’Éden déjà mal en point, jardin qui se trouvait proche de… Göbekli
Tepe. Le petit fils d'Enoch,
Noé noiera tout ce beau monde dans
le déluge… Mais les sacrifices à ces "anges" des enfers auraient perduré, encore des rites atroces… 200 pages pour en arriver là. La fin est d'une banalité affligeante, délayée et
barbare.
- Si si Sonia, les néphilims
ont bien existé, on a retrouvé un squelette de ces créatures au Moyen-Orient (Photo).
Quant aux livres d'Enoch, j'illustre ce billet avec un fragment retrouvé avec
d'autres manuscrits de la mer morte.
Des romanciers comme Thilliez, Chattam,
Minier, Grangé, ou des films comme Le silence des agneaux
ou Seven
nous ont habitués à des mises en scène de crimes tordues et glaçantes, mais
dans l'univers ciblé du polar très noir. Si on n'aime pas, on lit ou on voit autre chose, mais il n'y a pas tromperie. Dans un livre plus ésotérique qui
possède tous les ingrédients aventureux et occultes rencontrés dans les ouvrages
de Rollins, Brown
ou Berry, ces cruautés gratuites n'ont pas
leur place. Tom Knox, en voulant trop
"épicer" son récit tombe dans le puits malsain pourrissant des séries
de films pour apprentis pervers : Saw 1 à x, Hostel, etc. que je
me refuse à voir. Dans le second livre lu : Le
dernier rituel, même recette : en suivant les préceptes d'une
civilisation précolombienne très ancienne, on se coupe les pieds, les mains,
les c**s ou le tout pour s'attirer les bienfaits des divinités ! Charmant, mais
répétitif. Je ne sais pas si je lirai un 3ème opus de Tom Knox…
Reste
néanmoins un thriller palpitant, plein de rebondissements et plutôt érudit. On ne peut pas tout
reprocher à Tom Knox. Donc comme on dit : pour adultes sachant distancier en acceptant les longueurs…
Infos sur Göbekli Tepe (Clic)
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