Voilà une photo qui risque encore de donner du grain à moudre aux garants de la bonne foi et des bonnes mœurs qui ne manqueront pas de cataloguer la petite Colleen Rennison de Luciférienne ou d'adoratrice de satan (ça tend ?). Ben si voyons, c'est plus qu'évident : elle s'affiche en apposant sur le haut de sa jolie frimousse une paire de cornes. C'est une revendication ! (Les cornes pourraient aussi être une référence à Cernunnos, divinité Celtique du cycle de la Nature ... mais ce serait moins sensationnel ...) Ben voyons... et à côté, à gauche, c'est un authentique balai de sorcière ? Et puis, au verso, on retrouve étalé sur une table, encombrée des résidus d'une soirée arrosée, un jeu de tarots (apparemment la réédition de l'Albano-Waite illustré par Pamela Colman-Smith) dont une des cartes se retrouve représentée sur le tee-shirt de la demoiselle. Précisément, il s'agit de la carte II représentant la Grande Prêtresse (ou la Papesse). Symbole de féminité et de la mère bien sûr, mais aussi d'Inconscient et d'intuition, de Silence et de Réserve (?), de Secret, ainsi que la réceptivité et les influences mystérieuses. Ha ? Un disque qui sentirait le souffre ? Empreint de messages subliminaux et de références cabalistiques ? Ça fout les j'tons ? Et le visage qui apparaît derrière, c'est qui ? Hein, c'est qui ?? Un fantôme ? Un mage démoniaque et/ou pervers ? Sacrebleu ! Diantre ! Mais que fait donc la censure ?
A moins que tout simplement ce "old habits" ne concerne que les soirées tardives, enfumées et arrosées.
Pourtant ce "Old Habits Die Hard" débute assez sagement avec cette obscure reprise de Cheryl Dilcher (1), "All Woman", ode à la féminité, dernier titre issu de l'album "Butterfly" de 1973. On se demande où elle a été chercher ça (c'est un ami, membre de la communauté "Zero Fucks Given"). C'est une chanson qu'elle interprète depuis longtemps sur scène ; avant même la sortie de son premier disque. Evidemment la présente version est plus rugueuse et âpre que l'originale. Cependant, dès "Leadfoot", du moins après son intro mi-martial (le pattern binaire de la batterie), mi-bastringue (l'harmonica presque fantomatique), Colleen électrise son propos. Ce n'est rien de le dire. Plus que jamais, elle chante sans filet, sans retenu, semblant s'arracher les cordes vocales. Elle chante autant qu'elle vocifère. On remarque qu'elle laisse bien plus d'espace à l'orchestre qu'auparavant, donnant ainsi plus la sensation d'un vrai effort de groupe. La basse claque comme si les cordes étaient surdimensionnées, la guitare alterne entre le percutant, tel un piolet que l'on frapperait contre le marbre, et un gros son crépitant, comme si elle était branché dans un antique et fatigué ampli, prêt à rendre l'âme.
"Tryin" est plus serein et reposé. Du bon rock US, de l'Americana grand cru, fait pour procurer de saines et simples vibrations revigorantes. Pas très loin d'un Vinegar Joe que l'on aurait un peu boosté (il y a d'ailleurs un peu d'Elkie Brooks chez Colleen). Et puis, sans crier gare, sans préliminaires, un incandescent Rock'n'Roll déboule à toutes berzingue. Du Rock'n'Roll soutenu, électrisant le pauvre bougre à l'écoute. "Saturday Night" c'est la rencontre du MC5 avec les BellRays et les Flamin' Groovies. Un titre d'anthologie ? Ce pourrait bien l'être.
Juste à la fin de ce morceau torride, avant que ne cesse le souffle chaud des amplis mit à rude épreuve, on entend un spectateur crier un "Hyyyy Hya !" d'approbation et de satisfaction. On ne peut qu'acquiescer devant cet onomatopée approbateur tant l'énergie délivrée est palpable et enivrante.
"Hollow" renoue avec la Soul authentique et sans apparats du précédent et premier opus qui rappelle que Colleen est aussi capable de beaucoup d'émotion, sans avoir besoin d'en faire des tonnes. Un titre que l'on peut aisément rapprocher avec ce qu'a fait Beth Hart avec Bonamassa (bien qu'il y ait forcément moins de vécu chez Colleen). Tout comme "Get It Up" mais là, dans la catégorie Rythmn'n'Blues. Ici, par contre, le chant de Colleen se fait presque commercial, évoquant notamment Gwen Stefany dans No Doubt et P!nk de l'album "Try This" ; cependant, pour la guitare d'Eric Campbell pas question de faire dans le mielleux. Au contraire, on reste dans le Rock dru ! Avec, présentement, un soupçon de Glam.
Toujours dans les mid tempo avec "Friend of Mine" qui alterne entre des mouvements de Soul habités et de purs instants de Heavy-rock millésimé 70 où la guitare rugit entraînant à sa suite une demoiselle se muant en tigresse.
Que du bon ... Jusqu'à ce "Fading Away" syncopé par une basse légèrement baveuse ; une sorte de Funk à la Prince (avec quelques phrases de guitares à la Bolan). Pas mauvais - une fois la surprise passée, mais plutôt incongrue.
Comme s'il voulait faire oublier l'incursion précédente, Campbell enclenche la Fuzz et envoie un riff lent et visqueux, imposant une ambiance plus sombre. "When the Bell Rings" sent le spleen ; c'est une lutte contre la lente et froide prise du désespoir sur le mental. Une lutte qui finit dans une orgie sonique Stoogienne.
Second faux-pas avec "Lines On The Highway" qui semble chercher les faveurs de l'industrie musicale. Ce serait tout de même pas mal du tout, avec une petite, et courte, incursion chez Creedence et quelques aspects de Donny Hathaway ; toutefois, le refrain sent un peu le réchauffé, et la seconde partie s'englue. (On a voulu faire plaisir à maman ?).
Hé hé ! Fini d'rigoler ! Retour à l'électricité ! Au Rock'n'Roll ! Au Heavy-rock ! Au Detroit Rock City Sound !!! "One More Times" ouvre les vannes ! Le son est large (pas de compresseur), libre, furieux, s'éparpillant dans tous les interstices. Le break psychédélique flirte avec Howlin' Rain avant de prendre du poids et de se transformer en vague offensive, prenant, un instant, le visage d'un Led Zeppelin façon premier opus (- on pense même au clin d’œil tant la référence est évidente -). Le clip affiche d'ailleurs un liquid-light-show tel qu'il aurait été réalisé par Joshua White pour le Fillmore de Bill Graham.
Final sur "Mandy Lyn" (probablement en hommage à la photographe canadienne du même nom, qui a aussi réalisé le clip de "One More Times") introduit par une slide grasse, baveuse, sale ; comme si c'était Tony Iommi qui s'attaquait à un Blues du Delta sur une vieille Telecaster ou même une Jazzmaster. Un Hard-blues crade, pesant et binaire, sur un tempo à peine plus relevé qu'un slow-blues. C'est vraiment très proche de Cadillac Three (lien/clic), si ce n'est qu'à la place de la voix graveleuse de Jaren Johnston il y a celle hautement plus féminine et sensuelle de Colleen Rennison qui finit ici son set par des rugissements de panthère enragée avant de clôturer par quelques paroles à l'intonation concupiscente.
Colleen Rennison avait déjà prouvé dès son premier opus qu'elle n'était pas une chanteuse improvisée, le résultat d'une lubie, d'un caprice d'une "enfant star". Son chant est mûr et maîtrisé, sachant ne pas tomber dans le piège de l'emphase. Mais, désormais, elle s'est libérée de toutes inhibitions, n'hésitant pas à se lâcher totalement, s'offrant corps et âme à la musique, ne craignant pas l’opprobre en se faisant sensuelle ou rageuse. Rageuse parfois au point d'être presque masculine (pas dans le genre Lemmy bien sûr, mais plutôt dans celui d'un Plant et d'un Terry Reid).
En dépit de deux morceaux mellow, cette seconde fournée de No Sinner est bien plus proche du Detroit's Rock Sound et des BellRays (lien/clic), voire de l'Imperial State Electric de Nicke Andersson (lien/clic). On ne peut pourtant le considérer comme meilleur, chacun ayant ses petits défauts et ses qualités certaines. Néanmoins, ce dernier, dans son ensemble, transpire le Rock'n'Roll et pourrait bien plus aisément séduire un public avide (ou seulement amateur) de sensations électriques.
[sans compter que c'est du bon matos pour donner de la matière à de bons concerts bien torrides]
C'est bizarre... mais "Old Habits Die Hard" fait parti de ce genre de disque où aux premiers écoutes, on se demande si l'on est pas tombé sur un disque défectueux, avec un ou deux titres en moins, tant il semble passer vite. La preuve d'un bon disque ? Certes rien d'exceptionnel (quelques brûlots tout de même) mais ça fait du bien par où ça passe.
(1) Cheryl Dilcher qui, après un premier disque aux consonances Folks, s'est tournée vers des choses nettement Pop et variétés. Quatre disques : premier en 1971 le dernier, sur son propre label, en 1977.
No Sinner - One More Time from mandy-lyn on Vimeo.
Autre article sur No Sinner (lien) : "Boo Hoo Hoo" (2014)
Moi cela me convient, pas un brûlot certes, mais sympathique ta mère.
RépondreSupprimerCela devrait logiquement te convenir. Du moins, plus que le premier opus.
SupprimerMeilleur que "Boo Hoo Hoo" où moins bien? J'ai adoré leur premier !
RépondreSupprimerDifférent ... Celui-ci possède une aura nettement plus Rock (Detroit Sound, à mon sens). C'est plus cru. D'ailleurs, les moments "calmes" sont bien moins présents. Cela, sans rien perdre de sa personnalité. No Sinner n'a pas retourné sa veste.
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