vendredi 6 mai 2016

PRINCE, LA FIN DU REGNE (1958 - 2016) ... RIP


Je ne prétendrai pas connaître la discographie de Prince sur le bout des ongles, d’ailleurs, qui pourrait s’en targuer ? On parlait d’un Joe Bonamassa comme d’un stakhanoviste de studio (cf, l’article récent de Bruno) ben alors, que dirait-on de Prince, qui a dû accumuler l’équivalent de douze albums par an durant sa carrière ! Ce n’est plus de la boulimie, à ce niveau, c’est de l’obsession !
Avec André Anderson, à la basse
Prince, c’est le surnom de son père, John L. Nelson, pianiste et compositeur de jazz, qui lui aussi passait ses nuits à écrire, quand il ne jouait pas dans des clubs de striptease. Il était ouvrier le jour. Son groupe s’appelait le Prince Rogers Trio. La mère, Mattie Shaw, est chanteuse. Le premier surnom du petit est Skipper. On pourrait penser qu’avec des parents pareils l’apprentissage de la musique est plus facile, mais non. Le père n’est pas un rigolo, du genre, passe ton bac d’abord… C’est lorsque le père quitte le foyer, que Rogers Nelson, 7 ans, commence à faire ses gammes au piano, et plus tard sur une guitare.
Complexé par sa petite taille, Rogers Nelson donne tout à la musique, et au lycée monte un groupe de Funk-Rock, avec un copain, André Anderson. C’est chez le père de ce pote, qui possède un petit studio dans sa cave, que Rogers élabore ses maquettes. Son groupe d’ados tourne dans la région, et déjà, le guitariste-chanteur, comprend l’importance de se faire remarquer, en montant sur scène en slip léopard et cuissardes ! Le groupe s’appelle Champagne, et décolle en 1976, quand ils sont repérés par un ingénieur du son, Chris Moon. C’est à cette époque que Rogers Nelson signe ses titres sous le pseudo de Prince.
en 1979
Il trouve un manager à Minneapolis, sa ville natale, puis un contrat avec la Warner. On cherche à lui coller un producteur, Maurice White (leader de Earth Wind and Fire) mais Prince décline la proposition : il écrira, produira, réalisera, mixera (et jouera) ses disques seul. Point barre. Il a 19 ans. Son premier album FOR YOU sort en 1978. Le style est très disco (on le compare à cette époque à Rick James, star de la Motown), la parenté avec Stevie Wonder est palpable, le fait d’être un p’tit génie multi instrumentiste, de produire des disques à la chaine, et de bidouiller les sons. Sur scène, c'est l’ombre de James Brown qui plane, falzar moule burnes, grand écart, danse, mimiques, cris, tout l'attirail du Funk... La présence de choristes féminines souvent, renvoie aussi vers Ike et Tina Turner, avec aussi l'aspect langoureux et sexuel. Une petite dose de psychédélique aussi, comme  George Clinton et ses Funkadelic, Sly and the Familly Stone... Mais, le tout avec une Télécaster autour du cou, pour des chorus très rock.
PRINCE sort en 1979, DIRTY MIND en 1980. Les ligues de vertu s’étouffent en entendant ses textes pornographiques, les radios boycottent. Pas que, la pochette de LOVESEXY en 1988 où il pose nu, passe mal chez les distributeurs américains. Prince en rajoute dans les déhanchements obscènes, et les allusions sexuelles (« Head »), joue sur l’ambiguïté et se gagne le public gay. Le but est de faire parler (arffff… les danseuses dans le clip de « Batman »…). Et ça marche, puisqu’on se presse à ses concerts, où on découvre surtout le musicien exceptionnel, le virtuose de la guitare. Il joue sur une Télécaster, revendique son admiration pour Hendrix, dont il reprend les poses, assis sur les talons, sa guitare sur les cuisses. On sent l'influence des guitar-héro des 70's, avec pédale d'effets à gogo (le jazz-rock de Jeff Beck, de Santana ?). Sa musique est un mélange de Funk pour les rythmes, les longues transes syncopées, d’Electro (je préfère quand il sort avec une vraie section de cuivres), de Rock ou de Jazz pour les chorus. Et son chant, tantôt voix de tête (« Kiss »), geignarde, graveleuse, grave, déchirée à la Little Richard (lui aussi petit et jouant sur le registre  grande folle...). Pas une voix surpuissante (c'était un petit gabarit) mais élastique, modulable.
C’est le début de sa grande décennie, avec le double album 1999 (en 1982), PURPLE RAIN (1984), SIGN O’ THE TIME (1987), LOVESEXY, son travail avec Tim Burton sur BATMAN (1989), DIAMONDS AND PEARLS (1991). En 1987, il veut sortir un album sans nom, sans crédit, ni titre, juste une pochette noire, sans promo aucune. Warner s’étrangle, vend la mèche. Prince, furieux, retire la galette, qui ressortira en 1994 sous le titre BLACK ALBUM. Bon, on arrête les frais, y’en a trop !
On a souvent mis en parallèle Prince et Michael Jackson. Je me marre… Si le second était, certes, un chanteur-performer de talent, Prince était un authentique musicien. Un créateur. Il n’avait pas 18 producteurs par chanson, ne restait pas calfeutré dans ses propriétés, n’évoluait pas au rythme de plans marketing dictés par les banquiers. Prince était un électron libre, qui tenait à cette liberté. Il s’est heurté à la Warner, qui voulait des tubes (et y’en a eus, beaucoup) et des disques faciles à vendre, pas des triples albums d’inédits par brouette. Pour dénoncer la mainmise des majors, il apparait avec un « slave » inscrit sur la joue, et abandonne son nom. Il ne sera plus qu’un logo, le Love Symbol, jusqu’en 2000 (date de fin du contrat). Un titre issu de LOVE SYMBOL  «Sexy mother fucker » (1992) est une tuerie Funk absolue (le temps fort de la batterie sur le premier temps, une galère...) !!
Au club New Morning de paris, 2010
Dans le même esprit, il se libère des contraintes en distribuant lui-même ses disques sur Internet, une première. Il y aura THE RAINBOW CHILDREN (2001) et N.E.W.S (2003) un album instrumental. Paradoxalement, Prince cherche à libérer la diffusion de sa musique, mais veille avec une obsession quasi paranoïaque sur ses affaires. On commence à penser que son règne touche à sa fin, la quantité surpasse la qualité. D’autant qu’il travaille aussi pour les autres, Kate Bush, Kid Creole, Macéo Parker, The Bangles (« Manic monday ») Sinéad O’Connor (« Nothing compares »), Madonna, mais aussi la bombasse Carmen Electra, Céline Dion, ou… Ophélie Winter ! - tiens ? quelqu’un a des nouvelles ?)
Et on ne cause pas de cinéma, avec trois films comme auteur/réalisateur à fort inspiration autobiographique (PURPLE RAIN, UNDER THE SHERRY MOON, GRAFITTI BRIDGE) et de ses délires chez les Témoins de Jéhovah…
Prince a constitué très tôt autour de lui une équipe de fidèles, de groupes à géométrie variable, et composés souvent de musiciennes, comme Sheila E. chanteuse et percussionniste. Il va écrire et réaliser des disques pour ses collaboratrices, gérer leurs carrières, Wendy & Lisa. En parallèle de son groupe The New Power Génération, il monte 3rdeyegirl, avec un trio de musiciennes. Et sort deux albums en 2014, le même jour ! Re belote en 2015, deux albums atterrissent dans les bacs ! En 2009 il sortait 3 disques en un, LOTUS FLOWER dont un était chanté par Bria Valente, sa dernière découverte !
Avec Sheila E.
Le royaume de Prince, c’était la scène. Il a été dit qu’il était sans doute un des plus grands performers, surpassant même un certain gars du New Jersey (c’est ce que ses proches disent…). Ses concerts à rallonge étaient célèbres, et inattendus. Prince pouvait dresser une set-list à ses musiciens la veille, et faire totalement autre chose le lendemain. Raison pour laquelle il était entouré de pointures, capables de le suivre dans toutes les directions. Imprévisible, il pouvait se lancer dans une reprise des Stones ou de Jerry Lee Lewis, comme de Ellington ou Coltrane. De longues plages instrumentales, chorus à gogo (voir sur Ton Tube un « Purple Rain » hallucinant de 19 minutes, et le concert filmé de 1982 au Capitol - mauvaise vidéo N&B - dantesque !)
un de ses groupes, 3rdeyegirl, en 2015
Mais surtout, le graal, c’était de savoir dans quel petit club il allait se reproduire pour ses after shows. A Paris, qu’il fréquentait souvent, incognito, il investissait sans prévenir le Bataclan ou le New Morning, pour des jams jusqu’au petit matin (avec son père au piano parfois, ils s’étaient rabibochés). En deux jours, il a monté un show au Grand Palais de Paris. Allait-il jouer en trio, seul au piano, ou avec une section de cuivres pétaradante ?
Prince avait digéré James Brown, Franck Zappa, Jimi Hendrix, Charlie Parker, Miles Davis, les pop songs ou expérimentations des Beatles, autant que les compositions lumineuses de Joni Mitchell ou Steely Dan. Excentrique, égo centrique, caractériel surement, parano sans doute, son talent et son originalité était inversement proportionnés à sa taille. Il alliait les expérimentations studios, le travail des sons, modelage des voix, l’exubérance et la générosité scénique. Dans les années 2000, je me serai damné pour assister à un de ses concerts.
Il souffrait des hanches, prenait des antidouleurs puissants proches de la morphine pour tenir en concert. On suppose qu’il a pris le cachet de trop. Il est mort le 21 avril dans ses studios de Paisley Park, son Xanadu, qui est devenu son Graceland

A l'écoute, je ne vous propose que du bon (on est sur le Déblocnot...). Donc, un classique revisité "Motherless Child", un p'tit florilège pour la TV anglaise (public guindé) qui groove du feu de dieu, un "Purple rain" compris, mais surtout un "Let's gho crazy", mettez-le à fond la caisse, et un p'tit blues, le classique encore "Red House" d'Hendrix, avec Macéo Parker au sax...







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4 commentaires:

  1. Je n'étais pas un fan de Prince, mais je reconnais le talent du gars, bon musicien et compositeur prolifique. Tu dis "Excentrique,égocentrique..." Peut être un peut mégalo aussi ? Hormis ça la version de "Red House" est superbe !

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  2. J'ai toujours trouvé que toutes ses excentricités (look, gestuelle, attitude, etc) avaient trop souvent pris le pas sur l'immense musicien qu'il était. Un homme absolument capable tout et dans tous les domaines. En grande partie a cause de ça, j'ai clairement snobé Prince (Sheila E aussi du coup) et le gros de sa musique durant toutes ces années. Le premier a m'en avoir remercier est mon porte-feuille.
    On se console comme on peut.

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  3. Quoi que l'on en dise, c'était quelqu'un. Un sacré personnage, et un vrai musicien. Sa musique a fait honneur au Funk (même s'il y a pas mal de trucs indigestes - enfin, à mon sens -), au contraire de nombreuses marionnettes qui l'ont réduit à une mélasse gluante et sans saveur.
    Loin de faire le béni oui-oui et la carpette devant les majors, il dut se battre contre elles pour tenter de garder son indépendance. Jusqu'à essayer de se passer d'elles, qui, pour le coup, lui mirent des bâtons dans les roues. Perdant alors en médiatisation.

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  4. A peine disparu et déjà il me manque.....enfin pas lui , mais ses musiciennes en petite tenue, pour le reste .....Pourquoi tant d'artifices et de cirque pour faire passer son art? Springsteen avec des choristes en porte-jarretelles et topless...je suis sûr qu'il n'y a pas pensé à moins que finalement.....

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