les frangins |
Le livre d’Arnaud Devillard reprend la structure des autres parutions de cette collection (Rhapsodie in rock - clic -). On raconte l’histoire du groupe, chronologiquement, dans un style informatif, avec des focus sur chaque album, analysés titres par titres, compte rendu de concerts, et, concernant Mark Knopfler, le récit détaillé de toutes ses collaborations extérieures (et y’en a eu beaucoup !) et albums solos, bien plus nombreux que ceux enregistrés avec Dire Straits. Une somme, mais courte. 170 pages. On va à l’essentiel.
Mark Knopfler joue avec son frère David, partageant son temps entre ses études et son boulot de rédacteur au Yorkshire Evening Post. Son dernier article sera une nécrologie de Jimi Hendrix, qui vient de casser sa pipe. Vient la rencontre avec John Illsley, bassiste, et Pick Withers, batteur, et la litanie des concerts mal payés, situation éprouvante qui donne le nom au groupe, Dire Straits = dans la dèche. Juillet 1977, le groupe se paie une maquette en studio, 5 titres, dont « Sultans of swing ». John Illsley envoie la cassette au Dj Charlie Gillett de la BBC. Qui passe le titre, et doit ensuite faire face aux milliers d’appels des auditeurs : « putain, c’est qui qui chante ça ??? ».
Car Dire Straits fait figure d’intrus sur la scène musicale, coincé entre les vieux dinosaures qui crèvent (prog, hard) et les nouveaux prédateurs (punk). C’est d’ailleurs lors d’un festival punk, entre The Stranglers, Talking Head, XTC, que Dire Straits se fait remarquer, avec son rock 50’s sous influence du barde de Tulsa, JJ Cale, qui avec Chet Atkins, BB King et Bob Dylan sont les idoles de Knopfler.
Alan Clark et ses keyboards... |
En juillet 1980, enregistrement
de MAKING MOVIE, dans les studios voisins de ceux utilisés par Springsteen pour
THE RIVER. Ce qui permettra d’emprunter le pianiste Roy Bittan, qui fera évoluer la musique de Dire Straits grâce à ses splendides parties de piano. David
Knopfler ose jouer un truc à lui plutôt qu’un phrasé écrit par Mark. Viré. Deux
ans plus tard, c’est le batteur Pick Withers, après l’enregistrement de LOVE
OVER GOLD, qui quitte le navire. Il est remplacé par Terry Williams, une frappe
moins subtile, et qui lui-même sera mis sur la sellette au moment de BROTHERS
IN ARMS, n’arrivant à rien de bon. Le batteur de Wheather Report, Omar Hakim,
est appelé à la rescousse.
Ce qui surprendra
dans ce livre, ce sont les réserves récurrentes faites par l’auteur. Loin des
louanges habituelles, Arnaud Devillard pointe méchamment les lourdeurs de la
musique de Dire Straits après MAKING MOVIE. On ne remet pas en cause le talent
de guitariste (sa technique de picking très particulière, le violining produit
avec une pédale) et de compositeur de Knopfler (de nombreuses musiques de
films), comme ses longs textes introspectifs et parfois vachards, mais le
besoin de contrôler une musique de plus en plus calculée. Notamment sur les arrangements,
les longues intros, transitions instrumentales, mises au point en studio, et
fidèlement reproduites sur scène. La musique de Knopfler change, sous l’impulsion
du clavier Alan Clark, qui intègre de plus en plus de synthé, d’effets, d’expérimentations
sonores. Le saxophone fait aussi son apparition (Mel Collins, Michael Brecker),
Knopfler en étale partout, y compris sur « Sultan of swing » défiguré
à la crème épaisse au fil des années.
Knopfler raconte
avoir entendu « Telegraph road » à la radio, dans un bar,
suivi de « Rave on » de Buddy Holly. Il ne s’en est pas remis,
confiant volontiers la mine piteuse : « je n’ai jamais su faire un disque de
rock ». Knopfler songe à arrêter les frais, alors que le succès ne se
dément pas. Il remonte un groupe éphémère The Notting Hillbillies, en 1989, avec
la pedal steel de Paul Franklin, censé être le retour aux sources de la country
sans fioriture. Tout ce que touche Knopfler se transforme en or, et ce disque
trônera dans les hit-parade. Mais là encore, gros travail de studio, et
utilisation du synclavier en guise de batterie et basse… L’année suivante,
Knopfler sort un disque avec son idole Chet Atkins, encore trop produit.
Dire Straits
revient finalement aux affaires avec ON EVERY STREET (porté par « Calling Elvis »),
mais est-ce encore un groupe, ou un général en chef entouré de mercenaires.
Dont Jeff Porcaro et Manu Katché à la batterie, Terry Williams n’étant toujours
pas à l’aise sur un répertoire qui s’éloigne de son terreau blues-rock. Dernière
tournée mondiale, et rideau. Le dernier disque de Dire Straits sera presque son
premier, LIVE AT THE BBC, de juillet 78. Où l’on retrouve le son clair du quatuor
des débuts, loin des bandanas fluo, bracelets éponge et vestes à épaulettes de « Money
for nothing », méga hit de 1986.
Chanson mal
comprise qui lui valut les foudres d’associations homosexuelles. A
l’origine, il se trouvait dans un magasin, genre Darty, et entend un vendeur
dissertant devant une rangée de postes allumés sur MTV, diffusant un
clip de hard-glam de (pense-t-on) Mötley Crüe. Le mec hurle la vacuité des rock-star, cette
bande de pédés maquillés et parvenus, qui jouent de la guitare sur MTV, et
prennent le fric facile. La chanson reprend les délires du gars, satire de l’américain
moyen. Sauf que le mot pédé (« faggot ») passe mal, Knopfler
devant le remplacer par « mother F… » sur scène, et carrément retirer
le premier couplet dans les éditions suivantes.
Le fameux riff d’intro (en réalité, un assemblage de plusieurs prises) est joué sur une Gibson Les Paul branché sur un ampli Laney pour sonner comme du gros ZZ Top, mais ce son est le fruit du hasard, une combinaison de micros désaxés des amplis, dont un pointait vers le sol. Et puisqu’on est dans l’anecdote, Sting participe à la chanson, chantonnant le slogan de MTV « I want my Mtv » sur l’air de « Don’t stand so close to me » (de Police) d’où le fait d’être crédité de co-auteur, et palper pas mal de royalties !
Le fameux riff d’intro (en réalité, un assemblage de plusieurs prises) est joué sur une Gibson Les Paul branché sur un ampli Laney pour sonner comme du gros ZZ Top, mais ce son est le fruit du hasard, une combinaison de micros désaxés des amplis, dont un pointait vers le sol. Et puisqu’on est dans l’anecdote, Sting participe à la chanson, chantonnant le slogan de MTV « I want my Mtv » sur l’air de « Don’t stand so close to me » (de Police) d’où le fait d’être crédité de co-auteur, et palper pas mal de royalties !
Depuis, Mark
Knopfler tourne en solo, sort un album tous les deux ans, serein, détaché du
système qui a failli le dévorer tout cru (on note que Dire Straits est un des
rare grands groupes n’ayant jamais fait la une des tabloïds pour ses frasques
rock’n’rollesques) épanoui enfin dans une musique plus bluesy, folk, flirtant
avec les ballades celtes, tempo au minimum. En concert, il parsème sa set-list de
morceaux de son ancien groupe, estimant à juste titre qu’ils font partie
intégrante de son œuvre.
L’Amérique fantasmée, le titre du livre est bien trouvé. Mark Knopfler, anglais, éduqué, avait les pieds à Newcastle, et les oreilles outre-Atlantique. S’il n’a révolutionné ni la musique, ni la guitare, il en est un des plus grands serviteurs, virtuose et inspiré, remettant les envolées de guitare au centre du jeu, comme (en 1978) on en avait pas entendues depuis belle lurette, et laissant une flopée de titres somptueux à la postérité.
L’Amérique fantasmée, le titre du livre est bien trouvé. Mark Knopfler, anglais, éduqué, avait les pieds à Newcastle, et les oreilles outre-Atlantique. S’il n’a révolutionné ni la musique, ni la guitare, il en est un des plus grands serviteurs, virtuose et inspiré, remettant les envolées de guitare au centre du jeu, comme (en 1978) on en avait pas entendues depuis belle lurette, et laissant une flopée de titres somptueux à la postérité.
GRAND CONCOURS : L'album BROTHERS IN ARMS (1985) a servi de support publicitaire pour promouvoir la qualité sonore d'un nouveau format de disque : le cd. Support qui permettait de stocker 74 minutes de musique. Question : pourquoi 74 minutes précisément ? (réponse sous la vidéo...)
En vidéo, le groupe à ses débuts, à Paris (émission "Chorus", Blanc-Francard présente les musiciens) avec 4 titres : East bound train, Water of love, Lions, Sultans of swing.
* Parce que le PDG de Sony, à l'époque, a demandé à ses ingénieurs que la 9ème symphonie de Beethoven, son œuvre préférée, puisse tenir en entier sur un cd. Et la version la plus longue de la 9ème (suivant le tempo) fait 74 minutes... Finalement, rien à gagner, mais vous brillerez dans vos dîners en ville.
Il faut se rappeler le choc du premier à l'époque. Je me souviens très bien du jour où je l'ai ramené chez moi. D'accord pour Withers, excellent batteur, un peu le pendant de Bob Burns chez Lynyrd Skynyrd, tous deux remplacés par des cogneurs.
RépondreSupprimerItou ! C'est mon frangin qui avait ramené le disque, qui tournait sans arrêt sur la chaine familiale, et c'était incroyable la ferveur avec laquelle on écoutait ça, une sorte de graal ! D'ailleurs, le titre qui m'avait vraiment marqué n'était pas "Sultan" mais "In the gallery"... Ché pas pourquoi... Le jeu du batteur, toute en finesse, me rappelle un peu l'esprit de Jamie Oldaker, le batteur de Clapton sur les disques des 70's, sachant que Knopfler/Clapton se sont un moment retrouvé sur le même créneau, ce n'est pas étonnant. Comment accompagner un groupe de rock qui joue laid-back...
RépondreSupprimer"Love over gold" sera le déclic et en juin 1985, je serais à Bercy pour voir la machine Dire Strait que je retournerais rendre visite en octobre 1991 dans la même salle. Mais le premier concert "Brothers in arms" vaudra cent fois mieux que la tournée "On every street"
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerAh Shuffle tu me fais plaisir! (c'est si rare.....) Moi aussi je me souviens de la première écoute de ce Lp et cette dobro sur "Water of Love" la claque! Faut dire qu'a l'époque y'avait plus grand chose à se mettre sous la dent. Le premier reste pour moi le meilleur et de loin après effectivement ça devient ampoulé mais y'a quand même de très bonne chose, "Brother in Arms" le titre , grandiose mélodie et le live BBC. Mon petit-fils (11ans) écoute ce premier Dire Straits en boucle depuis qu'il a déniché le 33 Tours vinyl (il est bien ce petit!)
RépondreSupprimerQuand on peut rendre service...
RépondreSupprimerTrès belle chronique. J'ai décroché de Dire Straits après Love Over Gold, pour ma part. Mais les quatre premiers albums sont de vrais bijoux !
RépondreSupprimerFactuellement, la réponse à ta question-concours est erronée, mais plus ou moins exacte au niveau de l'anecdote : le Redbook fixant les normes du CD Audio prône une durée de 79,8 minutes pour la durée maximale d'un CD, durée presqu'atteinte en 1984 pour une CD classique consacré à Monteverdi. Cependant, de noùbreux lecteurs de première génération avait bien du mal à lire les CD excédant une soixantaine de minutes... Mais il est vrai que le PDG de Sony, Norio Ohga, conseillé par Karajan, souhaitait que la version de Furtwängler / Bayreuth 1951 de la 9ème symphonie de Beethoven puisse tenir sur un CD : elle dure en effet 74:40 minutes. C'est cet argument qui a fait plier Philips, vrai inventeur du CD, qui préconisait au départ un disque de 11,5 cm contenant 60 minutes de musique, et en forte compétition avec Sony à l'époque, d'autant que la marque hollandaise détenait les usines de pressage PolyGram.
Merci pour ces précisions, Petit Diable. C'est vrai qu'il y avait des cd de 74 ou de 80 minutes. Et même, lorsqu'on grave avec le logiciel Nero, la possibilité d'étendre au delà, avec une option qui autorise de "casser" le code. J'ai réussi à mettre un live de Willie Deville sur un cd d'une durée de 90 mn ! je pense que la musique est compressée davantage, et le résultat, sur la fin du disque, n'est pas terrible.
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