Qui
se souviendra de Rusty Burns ? Né Ya'acov (James) Russell Burns, un jour de l'année 1953, au Texas, à Cleburne. Ce gaucher adepte de la
Stratocaster (comme un autre gaucher célèbre) qui tomba amoureux
fou de la guitare dès le jour où il posa les mains sur celle de de
son père, à l'âge de 5 ans. Une Martin D-28 sur laquelle il apprit
à jouer, suivant les rudiments de la Country inculqués par le
paternel. Peut-être est-ce la même qu'il continua à jouer, alité
sur son lit d’hôpital, avant de rendre l'âme ce vendredi 19
février 2016, à l'âge de 63 ans. Guitare avec laquelle il
prévoyait d'être enterré.
Son
attraction pour la guitare était si grand que le temps passé à
l'école était comme un déchirement, une prison qui le coupait de
sa passion, d'une partie de lui-même. Enfant donc, il ne s'en
séparait pratiquement pas, dormant parfois avec, regardant la
télévision et faisant ses devoirs sans jamais vraiment la quitter.
Évidemment,
avec cette révélation assez précoce, il joue rapidement dans
diverses petites formations scolaires, pour voir les choses en plus
grand dès que les années lycées terminées, en commençant par
fouler les scènes des clubs, des petits festivals et des concours
(« battle » - l'esprit américain de compétition -). Un déménagement à
Houston est l'occasion de s'aguerrir avec une scène plus vivace que
celle des environs de Fort Worth. Mais c'est aussi la face obscure
d'une consommation de drogues accrue influant son comportement (on le
dit incontrôlable).
Tout
en continuant à fréquenter les clubs, où il a l'occasion de jouer
à maintes reprises avec avec Jimmy Vaughan et Stevie Ray et ses
Nightcrawlers (dont il ne regrettera qu'une chose : que ces
frangins ne veulent jouer que le Blues), il devient le technicien
guitare pour un « little ol' band from Texas », un trio
au patronyme mystérieux : ZZ-Top. Un recrutement probablement
dû à Bill Ham, le manager du trio, qui avait signé Burns en tant
qu'artiste solo, après être allé le voir jouer sur les
recommandations de Pete Tickle (qui collabora pour ZZ-Top). Toutefois, sans ne rien lui avoir fait
enregistrer jusqu'alors. Cependant, suite à une sérieuse hépatite
qui le cloue au lit pour des mois, il doit tout laisser tomber. Il
n'aurait été sauvé d'un trépas certain que par l'aide d'un
nouveau médicament alors encore au stade expérimental.
Requinqué,
il retourne à Fort Worth et forme un groupe avec John O'Daniel au
chant, Philip Petty à la basse et Buzzy Gruen à la batterie. Il
retrouve un copain des années collège, Kim Davis, guitariste et
occasionnellement chanteur, qu'il invite à rejoindre la bande. Ces
deux bretteurs sont bien d'accord du chemin à emprunter : celui
d'un Southern-Rock passablement burné et agressif, assez proche d'un
Hard-Rock US d'alors. Du Southern-Rock oui, mais bien enrichie de "Rock'n'Roll Texan", plutôt que d'ingrédients Blues, Jazz et Country, comme pour les admirés Allman Brothers Band, Initialement baptisé Southpaw, le quintet opte
rapidement pour Odessa pour se muer, le 19 juillet 1974, pour Point
Blank (après avoir donné un concert à New-Orleans sous le nom de
Blue Tail Fly, sans savoir qu'il s'agissait d'eux. Un nom donné par
Bill Ham sans les consulter). Patronyme mieux attribué pour décrire
leur musique plutôt offensive.
C'est
le début d'une aventure chaotique, d'un groupe qui, en dépit
d'indéniables qualités, ne parvint jamais à devenir un des
fleurons du Southern-Rock. Deux premiers disques robustes qui
devinrent cultes après la dissolution du groupe ; ou plus
exactement, quelques temps avant le split. À l'époque, il était
bien plus facile de dégoter les disques suivants que ces deux
premiers brûlots. Les deux premiers sont sortis sous le label Arista, tandis que les autres sont sous la coupe de MCA. Un déclin entamé dès le troisième disque,
« Airplay » (néanmoins à ne pas négliger), qui bien
qu'encore pourvues d'excellentes séquences, marque le début d'un
glissement vers des sonorités FM (ici, en plus musclé, proche d'un bon Journey, de la période Steve Perry pré-Jonathan Cain) qui deviendront
indigestes avec « American Exce$$ » en 1980 ; pourtant le
seul disque pourvu d'un hit, « Nicole ». À partir de "Airplay", la formation devient sextet avec le recrutement d'un claviériste.
Deux ans plus tard, c'est le chant du cygne avec un « On a Roll » sirupeux au possible, largement grévé par des claviers plastiques et synthétiques et une production glaciale. Le Southern-Rock robuste des débuts est désormais un lointain souvenir. Le disque à oublier.
Deux ans plus tard, c'est le chant du cygne avec un « On a Roll » sirupeux au possible, largement grévé par des claviers plastiques et synthétiques et une production glaciale. Le Southern-Rock robuste des débuts est désormais un lointain souvenir. Le disque à oublier.
Jusqu'au
retour inespéré en 2006, avec un très bon disque live, « Reloaded »
(sur le label Dixiefrog!), avec le renfort de Buddy Whittington (un
vieux pote) en remplacement de Kim Davis.
Depuis
la face live explosive de « The Hard Way » (1980), avec,
entre autres, cette fameuse version d' « Highway Star »
que l'on disait pratiquement égale à l'originale du « Made in
Japan », qui laissait entrevoir un groupe capable de rivaliser
sans fléchir avec les meilleurs du genre (cependant, difficile de
juger avec moins de vingt minutes de musique, aussi intense
soit-elle). Et là, on était point déçu.
Malheureusement,
les albums suivants, des albums studios, déçoivent. « Fight
On ! » (2009), attendu au tournant, déçoit passablement avec sa production un poil trop policée. Le Southern-Rock n'est plus ; du moins, seulement en filigrane. C'est plus proche de Survivor, du Outlaw de "Soldier of Fortune", voire du 38 Special de "Tour de Force", que des 4 premiers opus du quintet et du précédent live. Cependant, cet album a le mérite d'avoir pris quelques risques en n'allant pas là où les vieux fans attendaient (impatiemment) le groupe. Il a le mérite de proposer autre chose, et finalement, il y a tout de même de bons trucs, bien qu'en comparaison, « American Exce$$ » reprendrait des couleurs chatoyantes, et retrouverait une place plus honorable dans la discographie du quintet.
Et puis, quelques drames arrivent. Phillip Petty tombe malade et décède d'un cancer le 7 juin 2010. La même année, le vieux copain, Kim Davis, est retrouvé sans vie le 18 octobre.
En mai 2011, c'est au tour de Michael Hamilton (leur claviériste de studio attitré) de succomber d'un cancer.
Et puis, quelques drames arrivent. Phillip Petty tombe malade et décède d'un cancer le 7 juin 2010. La même année, le vieux copain, Kim Davis, est retrouvé sans vie le 18 octobre.
En mai 2011, c'est au tour de Michael Hamilton (leur claviériste de studio attitré) de succomber d'un cancer.
Et la Stratocaster qu'il semble ne pas vouloir lâcher |
Hélas, le CD ne sort que sur un obscur label (Fairway Records), sans promotion, et passe inaperçu.
Au bout du compte, on remarque que tous les disques de Point Blank sont différents. La majorité garde bien évidemment ce trait commun de Southern-Rock, mais la bande à Rusty a toujours œuvré pour ne pas se reposer sur ses lauriers, pour ne pas tomber dans le piège et la facilité de la redite.
Pendant
la longue mise en sommeil de Point Blank, Rusty ne quitte pas la
musique participant à divers projets, aidant des collègues
musiciens. Participant à un travail d'enregistrement en studio ou en
accompagnant des formations sur scènes.
Ainsi,
on retrouve sa trace sur le disque de Country Rock de l'amérindien
Ricky Lynn Gregg (1993), celui de Country-Americana FM, « Time
Spent », de Shake Russell Band (en étant également au chant,
aux synthés et à la production), et, en 2012, sur le sympathique
« Burning on the Wings of Desire » de Blood of The Sun,
combo de Hard-Rock 70's pesant à géométrie variable.
Depuis
quelques temps, il jouait, en parallèle de Point Blank, avec Big
Wampun Blues ; une formation qui, comme son nom l'indique, est
plus orientée Blues.
Guitariste
gaucher, Rusty Burns avait la particularité de jouer avec les cordes
montées à l'envers, bien qu'utilisant des instruments pour gaucher
(comme, par exemple, Albert King).
Lors
des premières années de Point Blank, on le voit avec des guitares
de types Gibson, pour posséder (une fois les fonds rentrés ?) une
belle Les Paul Black Beauty et une Telecaster (toutes deux en modèle
gaucher). À partir du moment où il acquière sa Statocaster crème
customisée, ce sera, du moins en électrique, l'instrument qu'il
privilégie.
Dans le Southern-rock, les guitaristes sont rarement manchots, et Rusty est justement un fin bretteur.
Dans le Southern-rock, les guitaristes sont rarement manchots, et Rusty est justement un fin bretteur.
En
2015, on lui diagnostique un carcinome épidermoïde inopérable et
une tumeur dans chaque poumon touchant la trachée. Avec son épouse,
il emménage à Denver, dans le Colorado, pour suivre un traitement
illégal au Texas.
Comme
de nombreux musiciens indépendants, il n'a pas d'assurance maladie
suffisante pour subvenir aux frais médicaux coûteux. Le couple
fait appel à la générosité des fans, des musiciens, pour tenter
de récolter des fonds complémentaires (en espérant parvenir à 20
000 $, sachant que les coûts pour le cancer du poumon aux USA
seraient de 60 000 à plus de 90 000 $ ).
Buddy
Whittington : « Rusty avait le don de la musique ;
pas seulement de la guitare, mais il avait une compréhension innée
de la musique elle-même ».
« Point
Blank n'a jamais été à la mode, mais est certainement apprécié.
Et je peux vivre avec ça » Rusty Burns.
Et merde.... J'ai toujours trouvé Point Blank particulièrement bon. Fait chier, c'est vraiment pas l'année.
RépondreSupprimerMalheureusement non, et je pense que ce n'est pas fini.
SupprimerLa prévalence de cancers chez les musiciens est impressionnante. Il faudrait une étude épidémiologique, même si on se doute de l'impact de certaines habitudes. C'est vrai qu'à une époque, les deux premiers vinyles étaient collectors.
RépondreSupprimerOui, c'est à se poser des questions. Peut-être est-ce tout simplement la nourriture américaine (dont leurs sodas).
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerRien de plus à ajouter...
SupprimerJ'ai une attirance toute particulière pour " Second Season",
On dirait l'équivalent de l'album III de Led Zep dans leur parcours...
J'ai pas mal de bootlegs du groupe dans leur début, le son n'est pas toujours au rendez vous mais cela pète assez sévère, quelques démêlés musclés sur certains de leurs concerts de l'époque avec des Bikers qui voulaient s'approprier leur musique mais q selon quelques interviews des membres ces derniers réfutaient leur appartenance à ce mouvement.
Le concert de leur reformation au Rockpalast vaut le détour.
La folle rumeur est qu'il existerait un vinyl sorti sur notre continent avant que le groupe prenne ne nom et sorte le 1er LP, je ne l'ai jamais trouvé.
"Second Season" est probablement leur meilleur opus.
SupprimerJe ne connais pas cette histoire d'album pré-Point-Blank. Et je ne souviens avoir jamais lu quoi que ce soit à ce sujet. Par contre, il y a un Live, avec un dessin de Frazzeta en guise de pochette. Peut-être s'agit-il de celui-ci. Pour avoir écouté quelques trucs sur le net, la prestation est bonne mais le son n'est hélas pas au rendez-vous. C'est typiquement le son d'un pirate des 70's (enfin, il y a eu bien pire en matière d'enregistrement de ce genre).
Oui, ce bootleg je l'ai, avec une pochette à la " Molly Hatchet"
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