Son nom était moins connu du grand public que ceux de Lemmy ou Bowie qui nous ont également quittés récemment, mais Paul Kantner, co-fondateur et leader de Jefferson Airplane, n'en restera pas moins un nom important de la musique populaire du XXeme siècle.
Né à San Francisco le 17 mars 1941, il y est décédé le 28 janvier 2016, suite à des problèmes cardiaques, à 74 ans. Son nom et celui de son groupe sont indissociables du mouvement hippie qui fleurit à San Francisco à la fin des sixties. Guitariste, chanteur et songwriter, Kantner a trouvé sa vocation très jeune, marqué par son héros Pete Seeger. Il décide d'être chanteur de "protest songs", s'accompagne d'un banjo comme son idole. Nous sommes en 1965. Le guitariste Marty Balin, qui a déjà une petite expérience de studio, le repère dans un club folk de San Francico. Ils fondent un groupe, avec le guitariste Jorma Kaukonen et la chanteuse Signe (ou Toly) Anderson.
Jefferson Airplane est né, et s’installe au Matrix, un club que monte Balin, bien aidé par sa mère, une graphiste qui crée des affiches psychédéliques. La ville va être inondée de flyers, et le groupe devient rapidement la coqueluche du quartier. La presse s'empare du phénomène. C'est l'époque des acid-test, spectacles mélangeant projection vidéo, musique, et trip collectif à l'acide. Les spécialistes du genre sont The Greatful Dead, le groupe de Jerry Garcia. Jefferson Airplane devient abonné à la salle Fillmore West, haut lieu de la contre-culture. Ils y sont programmés régulièrement, et début 1966, ils enregistrent leur premier album "Jefferson Airplane take off". Le bruit court que Phil Spector serait intéressé par leur management.
Mais la formation va évoluer et signe chez RCA, avec Jack Casady à la basse qui prend la place de Bob Harvey. Le batteur est viré aussi, pour cause de manque d'assiduité, remplacé par Spencer Dryden, qui vient du jazz. Et la chanteuse, enceinte, quitte le groupe, remplacée par Grace Slick, qui apporte avec elle deux compositions de son précédent groupe : "White Rabbit" (allusion au lapin d'Alice, de Lewis Caroll passé au filtre du LSD) et "Somebody To Love". Deux énormes tubes qui vont faire de l'Airplane les stars des grands festivals à venir, Monterey (1967), Woodstock et Altamont (1969). L'Airplane, comme on le surnommait, est le groupe phare avec le Greateful Dead de cette contre culture qui voit aussi émerger Electric Prunes, It's A Beautiful day, le Big Brother de Janis Joplin (très amie avec Slick), Quicksilver Messenger Service, [lien], Moby Grape (avec Skip Spence, passé par l'Airplane) et bien d'autres, pour la scène de San Francisco. Très différente de celle de Los Angeles, avec Love, Spirit, Zappa et les Doors. Dans ces années là, l'Airplane et The Doors dominent le marché. Grace Slick devient avec Janis Joplin, la première dame du rock, avant la génération des Patti Smith.
Kantner, Slick, Jerry Garcia (barbu) et Bill Graham |
L'Airplane se posera définitivement en 1972 (malgré une réformation éphémère en 1989) et sur ses cendres vont se développer Hot Tuna (Kaukonen et Casady) d'un côté, et Jefferson Starship de l'autre, autour de Kantner. Ce projet est né en 1970 avec l'album signé Paul Kantner & Jefferson Starship avec "Blows against the empire", un concept album utopique influencé par la Science Fiction, une des sources d'inspiration de Kantner. On trouvait au sein de ce "supergroupe" psyché David Crosby et Graham Nash de Crosby Stills & Nash, Jerry Garcia et 2 autres du Grateful Dead, Kantner, Grace Slick, Joey Covington et Jack Casady, un membre d'Electric Flag, un de Quicksilver... Les potes, quoi. En 1974 le couple Kantner / Slick (ils seront "ensemble" de 1969 à 1975 et auront une fille) réactive Jefferson Starship avec de nouveaux musiciens, Marty Balin se joint bientôt à eux et 8 albums vont sortir sur une décennie, avec un certain succès en 74-78 ("Dragon fly", "Red Octopus", "Spitfire", "Earth"). Le temps a passé, l'entente entre les musiciens est moins forte, les neurones en ont pris plein la tronche de substances diverses, et les ennuis (re)commencent en 1978 avec le départ de Marty Balin et les problèmes de Grace Slick de plus en plus accro au Jack Daniels... Mais le groupe a su maintenir la barque après les débuts juvéniles, les tubes s'entassent au hit parade, seuls les Eagles, ou le nouveau Fleetwood Mac peuvent rivaliser.
Grace Slick, juste pour le plaisir... |
Au total ce sont une trentaine d'albums studios et live que laissent Paul Kantner et ses différents groupes, les plus intéressants sont à chercher parmi les premiers de Jefferson Airplane et sont devenus des classiques du rock psychédélique comme "Surrealistic pillow" (1967), "After bathing at Baxter's" (1967) ou "Volunteers" (1969), sans oublier un live incendiaire "Bless it's pointed little head". Jefferson Starship a pondu aussi quelques bons trucs mais dans un style moins brut et plus commercial, voire FM.
La guitare bluesy de Kaukonen, la voix magique de Grace Slick (plus sa personnalité volcanique, et son physique de mannequin) mélangée à celles de Kantner et Balin, la basse de Casady, la diversité de genres abordés (pop songs, folk, blues psyché, acid rock parfois assez dur), l'Airplane se distinguait de son principal concurrent, le Grateful Dead, plus country et plus planant, spécialiste des jams interminables.
Avec la mort de Paul Kantner, c'est un des piliers de la contre culture américaine qui disparaît, celle qui défilait contre Nixon et contre la guerre du Vietnam, celle qui prônait l'amour libre et la dépénalisation du cannabis et commençait à s'intéresser à l’écologie. Autant de sujet sur lesquels Kantner a été un militant actif, en actes et en chansons, ce qui lui aura d'ailleurs valu d'être fiché sur les listes noires du FBI. Faut dire que des brûlots comme "Volunteers" ou "We can be together" signés Kantner étaient de vrais appels à l'insurrection, loin du rêve baba cool initial. De nos jours pour employer un mot à la mode, on parlerait de radicalisation !
Et on apprend que Toly Anderson, la première chanteuse de l'Airplane, est décédée le même jour que Paul Kantner, à 74 ans également! Une reformation dont on se serait bien passée... Et pour fêter ces jouisseurs de la vie, on lève son verre à la mémoire du maître Kantner.
l'hécatombe continue......Kantner et sa Rickenbacker vont me manquer! Fan de la première heure de l'Airplane, Kantner etait pour moi la caution politique du groupe et puis quand même un des compositeurs de la chanson la plus emblématique et la plus belle de ces années 60, le fabuleux "Wooden Ships". Sur la video de 96, force est de constater de Kantner est le seul à ne pas porter de cravate ou de noeud pap! Même Balin en porte une! Je réécoute toujours la production de l'Airplane et du Starship dont j'aime particulièrement les trois premiers opus: "Blow against", "Sunrise" et "Baron Von Tollbott", sans oublier le trop méconnu "Manhole" paru sous le seul nom de la flamboyante Grace Slick.
RépondreSupprimerLes temps sont durs pour les anciens babas........
Wooden ships ET For what it's Worth. Je suis pas fan absolu de l'Airplane ni du Dead, mais ces types étaient foncièrement intègres. Le moins que l'on puisse dire est que l'époque a un peu changé.
RépondreSupprimerà peine, Shuffle, à peine....
RépondreSupprimerHé Shuffle! "For what it's worth" c'est ni le Dead, ni l'Airplane, ce serait pas le Buffalo Springfield par hasard et Steve Stills plus particulièrement?
RépondreSupprimerBen si, pourquoi? Je réponds à ce que tu as dit de Wooden ships, à savoir "la chanson la plus emblématique des années 60". For What...en est une autre. Qu'on puisse me suspecter d'une pareille erreur ressortit à l'affront.
RépondreSupprimerMille excuses! j'avais pas bien compris, l'âge (avec un accent!) sans doute.......je me disais aussi, Shuffle a un coup de mou! "Ohio" pourrait venir compléter le duo?
RépondreSupprimerFor what it's worth tellement emblématique que Led Zep l'a repris sur le bootleg "Live on Blueberry Hill" en 70...
RépondreSupprimer"on lève son verre à la mémoire du maître Kantner"... J'avoue qu'il fallait la trouver celle là. ;-))
RépondreSupprimerSuperbe article, ça remue des souvenirs, et quels souvenirs !!
RépondreSupprimerComme le dit si bien Jean Pascal " l'hécatombe continue " , et ça nous fait réaliser qu'on commence à serrer les miches
car nos ainés nous tirent ( malgré eux ) la révérence eu égard à la perpétuelle moisson des braves !
Je pense à la chanson d'Eddy " Je suis vintage " , il fait justement référence à cette mouvance américanophile qui à distance ,nous a bercée musicalement durant de longues années ! Sans remuer le couteau dans la plaie, ya d'quoi être nostalgique de cette époque , même en se disant inlassablement qu'il faut vivre avec son temps et ne pas vivre dans le passé !
Mais au fait c'est quoi le passé pour ce monde contemporain ? Une époque ringarde dont on peut aisément se passer ?
Bref, tout est question de précieux héritage, l'essentiel étant que chaque époque doit s'en souvenir comme de sa première acné juvénile ! Comme quoi, Shuffle et Philou ont raison de souligner qu'il y a une espèce d'oubli en termes d'héritages !