mercredi 16 décembre 2015

Paul PERSONNE à L'OUEST "Electric Rendez-Vous" (2015), by Bruno



     Encore ! Encore un enregistrement public de Paul Personne ? Il se prend pour les Allman Brothers ou quoi ? C'est vrai que le Paulo est plutôt fan du groupe du vieux Gregg, mais là n'est pas le propos. Si l'on prend ici quelques instants pour parler de ce quatrième live de Paul Personne (cinquième si l'on inclus le DVD "Un 24 juillet aux Vieilles Charrues") c'est tout simplement parce qu'il pourrait bien être son meilleur. (Mais ça, seul le temps le confirmera)
Ainsi, même si l'on connaît déjà ses précédents, l'écoute de celui-ci nous incite rapidement à en parler, à en dire tout le bien que l'on en pense. (et, personnellement, jamais ses précédents enregistrements en public n'avaient autant retenu mon attention - d'ailleurs le packaging accuse déjà les traces d'usure de maintes manipulations -)


   C'est presque incroyable mais dès les premiers instants, Paul Personne nous hypnotise avec un instrumental où les notes célestes de l'antique Les Paul (actuellement, Standard Historic sunburst ou Gold Top 57 Historic ou encore Gold Top 54) nous enchantent. Un chant de baleines électriques se muant en un conte évoquant un temps jadis où les hommes vivaient en harmonie avec leur environnement. Bien peu de notes pourtant, c'est juste le touché, la retenue et la maîtrise de la note qui font de cet instrumental un fragile bijou éphémère, que l'on ne peut toucher sans l'altérer. Rapidement, trop peut-être, c'est un orage qui vient gronder. Non pas un orage destructeur, mais un de ceux que l'on accueille à bras ouverts, parce qu'il chasse de son souffle chaud l'air pollué, et qu'il est annonciateur d'une pluie bienfaitrice et régénératrice, synonyme de vie. Un orage donc, constitué de "Il y a" qui enchaîne avec des wah-wah cahotantes pour finir par une joute de Gibsons sur-excitées, visiblement heureuses d'être là (une joute brièvement interrompue par un bref p'tit solo de basse - tel un zeste d'agrume dans un copieux cocktail-). "Qu'est-ce qui a changé ?" continue sur la lancée, mais en ralentissant le tempo, tout en durcissant la rythmique et en étant plus âpre dans les propos (tant musicaux que des paroles). Tandis que "Mainmise" charge l'air d'électricité (du Dr Feelgood sous amphés). Là, la foudre menace de tomber et de faire griller les amplis.
Avant que le public ne soit exsangue, le quatuor calme le jeu avec un paresseux "Une journée", puis revient rapidement à des ambiances plus chaudes, mais plus modérées que les trois pièces d'attaque, avec "Loco - Loco". Tout comme "Partir Aujourd'hui", quoi qu'encore un peu plus pondéré avec ses alternances entre ballade californienne désabusée et gros riff carré de Classic-rock.

Slide des grands espaces sur "Pour quelle bonne raison ?". Long final bien chargé en épaisses vapeurs de psychédélisme de "Pardon Animal" qui rappelle l'impact qu'a eu sur Paul, Hendrix et le Heavy-Rock-psychédélique. Rock nerveux pour "Quelqu'un appel" ou slow-blues avec "Faire semblant". "J'ai essayé" a pratiquement perdu ses couleurs Blackfoot pour se recentrer sur un Heavy-Funk  (au refrain pop) proche de Mother Finest. C'est la fiesta aux sons et aux chaudes ambiances Heavy-rock bluesy typées 70's.

     Paul, soutenu par son band,se retrouve sur scène libéré de toutes chaînes, laissant libre cours à son instinct, libérant ses humeurs par le biais de sa six-cordes devenu instrument magique perçant les boucliers du soi pour s'adresser directement au subconscient.
Comme pour "Comme un étranger" qui débute lentement, laconiquement sur une ambiance propre au Santana des débuts (pré et avec Neal Schon), où on pourrait croire à l'intervention d'un orgue Hammond totalement dans le style de Gregg Rolie... pour n'enchaîner qu'au bout de plus de 4 minutes avec le style "Jazz-blues -pop" de l'original ; qui se retrouve ici passablement enrobé d'une bonne couche de crème de humbuckers bien fat. Même "Faut qu'j'me laisse aller" (de "24/24" de 1986), normalement limite lancinant, déraille au bout de quelques instants en s'égayant dans une jam à la "Allman Brothers" - ça part en live -.

Des mutations qui sont logiques, impératives même, puisque la majorité des chansons pré-"à l'Ouest" étant prévu à l'origine pour avoir des accompagnements, comme un clavier et/ou un saxo, elle a due être adaptée à un format nettement plus Rock. Formation restreinte oblige.

Crénom de boudioudou de scramheutstcrache !! ça pétarade sec de tous les côtés ! Même si Paulo demeure bien, évidemment, le maître de cérémonie, jamais jusqu'alors on avait eu cette sensation d'un groupe aussi soudé. Jamais jusqu'alors Paul Personne n'avait sonné aussi Rock (du moins retranscrit sur disque - Même avec Backstage, qui était plus orienté Blues-rock à la Rory Gallagher et Alvin Lee. Pe't-être avec Bracos Band -). Jamais encore on avait retrouvé cette osmose entre le Classic-rock 70's, le Southern-rock et le British-blues. Cela sans perdre l'évidence de son attrait pour la scène Californienne de la fin des 60's, ni d'une certaine chanson française.

Les guitares de Paul Personne et d'Anthony Bellanger ont un son plein, mat, autoritaire, pauvre en fréquence aiguës, qui impose le respect, ne souffrant d'aucune objection. Deux grattes en adéquation, à la tonalité sensiblement proche (en même temps, on ne sort pas des Gibson). Toutefois, la Gibson SG de Bellanger marque néanmoins une légère différence par rapport aux Les Paul de Paul (et occasionnellement sa SG avec vibrato) par un son relativement plus sec et rêche. Elle est aussi parfois légèrement en retrait. Et puis Paul a toujours ce sustain énorme, assez analogue à celui de Carlos Santana.

      On l'avait déjà dit précédemment : Paul Personne a trouvé chaussure à son pied avec  "à L'Ouest - the Band". Ce que confirme les premières minutes de ce deubeulle live.  On disait  qu'il y soufflait un vent de liberté rejaillissant sur le jeu des quatre belligérants qui semblent ne subir aucune contrainte de formats musicaux et aucune pression des diktats commerciaux, et c'est encore plus vrai ici.
On avait aussi prédit que les dernières compositions annonçaient de belles joutes de guitares, et, c'est bien le cas.
Notre Paulo national vient de réaliser son meilleur enregistrement en public à ce jour. La compagnie de ses jeunes compagnons est pour lui une réelle cure de jouvence. René-Paul 65 ans ? N'importe kwak ! ¨Plutôt cinquante, grand maximum.


     Ce double aurait pu s'intituler "Mon Nom est Personne" (1) tant il y a des bastos qui fusent de toutes parts... ainsi que quelques baffes magistrales.

     Depuis la première galette "Face A", le tandem "Paul Personne - à L'Ouest" a fait preuve d'une progression à chacun de ses disques, et "Electric Rendez-Vous" paraît encore avoir franchi un cap. Bien entendu, cette impression est amplifiée par le fait que ce double-CD pourrait presque faire office de Best-Of, tant il est pourvu de classiques. Cependant la raison en revient principalement aux acteurs. Le band  est, en plus de ses indéniables qualités de musiciens, dans son élément et bien rodé.
Toutefois, en terme de Best-Of potentiel, chacun y trouvera à redire. D'autant qu'il ne s'agit pas d'une tournée d'adieu du tandem (enfin, j'espère !) mais bien celle qui suit la sortie de "Puzzle 14" (lien). Avec donc pour conséquence logique, neuf pièces issues de ce dernier CD.
Seulement deux du diptyque "Face A" (lien) et "Face B" (c'est p't-être un peu maigre), plus "C'est la Vie qui m'a fait comme ça"(un titre de "Coup d'Blues") pour finaliser la liste des chansons enregistrées initialement par "A L'Ouest". Le reste puisant dans toute sa longue carrière jusqu'au classique jubilatoire "Barjoland" (du disque du même nom de 1984), prétexte à quelques empoignades de six-cordes irradiant d'un Blues sur-électrisée, et plus loin encore avec "Comme un étranger" de 1983.

à l'Ouest - Le Band

     Alors oui, on pourra toujours se plaindre que certaines pièces manquent cruellement à l'appel, Notamment, par exemple, l'absence totale du moindre titre du répertoire de "Patchwork Electrique" (alors que certaines chansons de cet album auraient été comme un coq en pâte dans ce foisonnement de Heavy-blues-rock frenchy - friendly).  Cependant, on doit bien admettre qu'avec tout le matériel accumulé, de qualité de surcroît, (sa première galette en solo datant de 1982), il est impossible de contenter tout le monde. Ou sinon il faudrait au moins deux concerts. Et encore, pas certain que cela soit suffisant.

     Si Paul semble avoir trouvé avec Anthony Bellanger un parfait acolyte, il ne faudrait pas oublier le travail des deux autres loustics : Nicolas Bellanger (le frérot) et Brice Allanic. Le premier, bien que donnant l'air d'être assez tendu sur scène (la concentration ?), impose, à l'aide de sa basse Gibson Thunderbird (instrument résolument rock, connu pour avoir un gros son capable de s'imposer sans forcer sans scène), un groove implacable et fluide, et le second est un véritable poumon d'acier plein de punch et d'une excellente assise rythmique, déployant une belle énergie sans jamais défaillir.


     Putain de bordel à queues !! On nous les brise menus menus avec des chanteurs à la "mords-moi l'nœud", on nous rabâche tous les ans (voire tous les semestres) avec des hommages ou commémorations (qui ne sont en fait que des opérations commerciales) d'artistes défunts (c'est plus rentables que les vivants), on nous impose ponctuellement de nouvelles icônes, on nous vante les derniers rockers (de pacotilles) qui vont révolutionner la musique (qu'ils commencent déjà par ce révolutionner le bulbe, cela nous rendrait service, ainsi qu'à eux-même), et ici, on a un gars comme Paul Personne. Un gars au feeling immense, capable de faire chanter sa guitare comme si c'était une extension de son cœur, de sa fibre émotionnelle. Mais non, rien. Peau d'balle. C'est plus intéressant si l'autre pimbêche a laissé, malencontreusement, échapper un téton (malheur !) ou a bu un verre de trop (mais surtout ne relevons pas les drôles de traces de farines épousant les contours d'une narine ...), ou a laissé échapper un pet (  prout !  ). Y'a de quoi devenir réac ! Certes, le gars a tout de même été un temps relativement présent à la télé (grâce notamment aux "Enfants du Rock" et surtout à "Taratata") et sur les ondes du temps de "Comme à la Maison" et de "Rêve Sidéral d'un Naïf idéal", mais voilà bien longtemps qu'il n'est guère sollicité. D'un autre côté, il n'apprécie pas faire des plateaux télés où l'on chante un coup (en playback) avant de s'affaler dans un fauteuil pour parler de banalités, mais surtout de soi-même. Car en dépit d'une discographie de qualité de près de vingt disques, de récompenses diverses, René-Paul Roux demeure un gars simple.

     Et puis arrêtons avec la sempiternelle rengaine : "Paul Personne, ce n'est pas vraiment du Blues. Patiti - patata". Hé ! Ho ! Faut se réveiller... L'intéressé a toujours clamé qu'il n'était pas un puriste du Blues. Bien au contraire, il a toujours cherché à aller au-delà. Surtout pas renier cette musique qui, bien souvent, est le ciment ou le squelette de ses chansons, mais de construire autre chose.
Certes, pour lui, T-Bone Walker, Freddie King, Albert King et B.B. King étaient des apôtres, et bien souvent il se réfère à leurs écrits, tels des lois gravés dans la roche (ou le marbre). Toutefois, comme il le dit lui-même, il aime trop le British-blues et la Brit'-Pop (celle des 60's) pour s'enfermer dans l'idiome des douze mesures. Même la chanson française, notamment celle des Nougaro, Ferré (Nino Ferrer également ?), a laissée des traces sur sa musique.

     Paul Personne a réalisé là, avec l'aide notable de "A L'Ouest", un fameux double-live. De ceux qui respirent l'authenticité, et surtout que l'on prend plaisir à écouter, que l'on remet bien volontiers dans le mange-CD bien que l'on connaisse déjà toute la discographie des auteurs.

En prime, un DVD reprenant pratiquement l'intégralité d'un concert (enregistré au Stéréolux de Nantes) avec 122 minutes de live à la clef de la même tournée.

"Personne, c'est quelqu'un"  (2)

(1) Bien que René-Paul a toujours dit ne pas avoir choisi son nom de scène en fonction du western-spaghetti de Tonino Valerii.
(2) Elle n'est pas neuve celle là







rock'n'roooooooooollllllllllllllllllllllll

Autres articles / Paul Personne (liens) :
Paul Personne - à L'Ouest "Face A"
Paul Personne - à L'Ouest "Puzzle 14"
Paul Personne à l'Olympia (le 20/01/2015)
Paul Personne "Lost in Paris Blues Band" (2016)

8 commentaires:

  1. J'ai vu Paulo au cours de cette récente tournée et c'est vrai que le concert était bon. Je serai plus circonspect sur l'attitude scénique des frangins Bellanger : de véritables statues de sel, mention au guitariste Anthony qui faisait une gueule pas possible ce soir là (on avait du manger sa soupe ou que sais-je). Dommage car la salle était par moment prête à exploser.
    Pour ma part je préfère de loin le live route 97 beaucoup plus blues-jazzy ce qui n'empêche pas sur certains titres de vrais moments d'énergie rock'n'rollienne. Bon ce n'est que mon opinion qui vaut ce quelle vaut.
    Dans tous les cas Paul Personne demeure un sacré guitariste.

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    1. Au sujet de l'attitude scénique, c'est effectivement ce que confirme le DVD. Sauf que là, c'est l'frérot qui semble un peu coincé. Anthony esquisse quelques sourires lorsqu'il croise celui de Paul. J'sais pas, c'est p't-être la concentration, ou alors une grosse influence de Bill Wyman.
      Allanic paraît nettement plus ravi (là, c'est l'influence de son tee-shirt psychédélique multicolore).

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  2. Paul Personne : peut-être bien le plus beau son de Gibson Les Paul qu'on puisse entendre dans l'hexagone :-) -et c'est tellement plus riche qu'une Stratocaster-! Ses concerts sont toujours très sympas !
    PS. Et j'aime bien Bill Wyman, faut pas en dire de mal nonméhoooo ! http://latelierdediablotin.fr/WordPress3/2014/12/il-se-contente-de-se-taire/

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    1. Plus riche qu'une Strato ? Hmmm... Plus crémeux, ouais, plus gras aussi.
      C'est bien aussi les Strato ; ça claque, ça twang, ça "ouiii-ouiinnn" (si on utilise le vibrato). Ce sont presque deux intstruments différents, avec chacun leurs bons, et... "moins bons" côtés.

      Pas dit du mal de Bill (tout de même), c'est juste pour essayer de relater l'attitude. Et puis, finalement, il y a bien du jeu de Wyman dans celui de Bellanger.

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    2. Oui, bien sûr que chacune a ses qualités propres, mais je préfère le son plus nourri de la Les Paul -question de répertoire écouté, aussi, sans doute...-.Son seul défaut, pour moi, est son poids relativement élevé.

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    3. Ha oui, le poids : l'acajou procure du sustain, mais par contre pèse. Et l'absence de découpe stomacale entraîne un peu plus à avoir une position "épaule en avant", qui favorise (à force) la fatigue.
      En tout cas, ce sont tout de même deux grattes des 50's qui, en dépit de leur âge relativement élevé, sont toujours des références. Et des valeurs sûres, tant au niveau commerciale qu'en qualité évidente et certaine. Exceptée l'électronique qui a évoluée (même si certains fabricants de micros reviennent actuellement aux vieilles recettes), rien n'a bougé et elles demeurent les références ultimes.

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  3. Même impression quand je les ai vu à Paris, les deux jeunes semblent être encore un peu crispés. L'influence d'ACDC, avec le duo basse/guitare bien à leur place, et hop, deux pas en avant, deux pas en arrière ? Bon, faut dire aussi que Paulo, sur une scène, c'est pas non plus un numéro de Zavatta ! Chez lui, y'a que le doigts qui bougent, et cette posture assez réservée a naturellement déteint sur les deux frangins.

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  4. En colère, le type. Faut dire qu'il y a de quoi.

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