- Tiens
M'sieur Claude, un nom de compositeur qui ne me dit rien, mais alors rien ! Vous
ne l'avez jamais cité il me semble…
- Pas étonnant
ma chère Sonia, j'ai découvert son nom et un extrait de sa symphonie hier vers
23 H, en voiture, entre Place de Catalogne et Alésia sur Radio Classique !!
- Ah ! Une
chronique consacrée à un musicien oublié injustement. Un compositeur prolixe ? Quelle
époque ?
- Ben, pas un
catalogue important vu que le jeune homme est mort à 25 ans. Si je vous dis
qu'il a partagé une piaule avec Gustav Mahler et Hugo Wolf, ça vous situe ?
- Oui, fin du
romantisme, deuxième moitié du XIXème siècle…
- Exact !
Partons à la rencontre d'un artiste maudit et d'un ouvrage qui, sans être un
chef d'œuvre, marque bien les débuts du postromantisme…
Hans Rott (1858-1884) XXXX |
Il n'existe que deux photos de ce compositeur autrichien
né à Vienne en 1858 (deux ans avant Gustav Mahler et six ans avant Richard Strauss).
Jeune, il révèle ses dons de musicien et fréquentera
le conservatoire de Vienne de 1874 à
1877. Il apprend le piano et la
composition mais aussi l'orgue avec Anton Bruckner que
l'on ne présente plus dans ce blog. Bruckner,
le génie du contrepoint élaboré et de la symphonie métaphysique à cette époque.
Le jeune Hans va rester marqué par l'enseignement de ce maître encore
méprisé par le monde musical viennois hermétique aux audaces de ses
compositions (voir les divers articles dans l'index – Clic).
Pendant ces années estudiantines, l'apprenti
compositeur se lie d'amitié avec Hugo Wolf
et surtout Gustav Mahler, deux talents
plus que prometteurs avec qui il partage une chambre et sans doute des ébauches
de composition. Cela créera polémique plus tard… Après quelques travaux d'étude,
il compose sa première symphonie que nous écoutons aujourd'hui.
Le grand maestro du temps, Hans Richter, refuse de la
diriger. Rott se tourne vers Brahms (ennemi
juré de Bruckner) qui y voit "autant de belles choses que d’éléments banals ou dépourvus de sens". Dans la bouche de Brahms, au jugement réputé sévère, il faut
comprendre "excellent début, à peaufiner". Mais le jeune homme hypersensible ressort blessé du commentaire assassin. L'incident va précipiter sa chute dans la déraison.
Hans Rott n'aura pas le temps de peaufiner... Dès 1880, les
prémices de la schizophrénie se font jour. Dans un train, il pointe un flingue
sur un voyageur qui ose fumer le cigare. Au personnel qui tente de le calmer, il
prétend que Brahms a truffé le train
d'explosifs !! On l'interne. Les tentatives de suicide se succèdent. Une grave
maladie pulmonaire se surajoute à cette descente en enfer et mettra fin à sa
souffrance mentale et à sa vie en 1884.
Il n'a que 25 ans et laisse bien évidemment un catalogue bien modeste : cette symphonie,
une seconde
ébauchée, quelques lieder
et des pièces de musique de chambre.
Depuis quelques années, on retrouve ce legs
complètement oublié. Il existe désormais plusieurs gravures de cette grande symphonie.
Ok, ce n'est pas du grand art, plutôt le témoignage d'un jeune exalté qui se
passionne pour Wagner, Schumann
ou l'incompris Bruckner. Cette œuvre se
nourrit dans le sens le
plus noble du patrimoine haut de gamme de la musique germanique.
Ce qui a attiré mon attention et amusé hier soir est
la similitude du thème initial du scherzo avec celui de la 1ère Symphonie "Titan"
du grand Gustav. En lisant quelques
sites, on a même parlé de plagiat. Tu parles ! Mahler
a mal vécu la mort de son ami, qu'il voyait comme un géant en devenir, et avait
déjà inventé son propre style dans les années 1878-80
avec sa cantate lyrique Das Klagende Lieder. Un thème
martial griffonné en commun un soir où les trois compères réinventaient la musique… tout
simplement…
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Je n'aurais jamais imaginé présenter Dennis Russell Davies autrement que lors de la publication d'un article dédié à une symphonie ou un opéra, de Philip Glass ou Dieu sait quoi du pape de
la musique répétitive et minimaliste dont le chef d'orchestre est le plus
fidèle créateur et interprète.
Cet artiste, chef et pianiste, a suivi une formation
solide à la Julliard School. Il va commencer sa carrière de directeur avec
l'Orchestre de Saint-Paul (de 1972 à 1980) puis après quelques postes divers,
il prendra en main la destinée de l'orchestre de Stuttgart de 1995 à 2006.
À 71 ans, l'artiste originaire de l'Ohio s'est
spécialisé dans la musique de notre temps. Il a dirigé l'orchestre de la Radio
de Vienne (avec lequel ce disque a été enregistré) de 1996 à 2002. La plupart
des ouvrages symphoniques de Glass ont connu leurs premières au disque
avec l'orchestre Bruckner de Linz qu'il conduit depuis 2002. Comme on peut le
lire, cet artiste cumule les fonctions !
Dans son répertoire, les contemporains occupent une
place prépondérante : Henze,
Glass, Arvo
Pärt en compagnie des auteurs américains comme Virgil Thomson, Aaron
Copland, certes disparus mais dont le maestro est un actif défenseur.
La discographie de Dennis
Russell Davies est
abondante, et même de référence pour Philip Glass.
Certes son inclination vers la musique contemporaine ne lui permet pas de se
faire un nom a contrario des confrères qui enregistrent à gogo du Beethoven ou du Mozart…
Pourtant on le rencontre dans des CD consacrés aux romantiques comme Bruckner ou encore Honegger
commenté il y a peu. Le disque de ce jour n'est donc pas une surprise en regard
de la curiosité pour la nouveauté de cet artiste.
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L'orchestration est classique (2/2/2/2 + contrebasson,
4 cors, 3 trompettes et 3 trombones, la percussion étant réduite aux timbales, cymbales
et au triangle, les cordes).
L’Arbre aux corbeaux - Caspar Friedrich (1774-1840) |
1 – Alla Breve : les
trilles de cordes soutiennent l'exposé du premier thème aux trompettes, puis aux cors,
puis à l'harmonie à l'unisson. Bien entendu, on pense au style des préludes des symphonies de Bruckner.
Mais chez Rott, le climat se veut à la fois plus pastoral et héroïque dans l'élaboration de cette
introduction majestueuse. La seconde idée se veut bucolique, très empreinte de
ce romantisme encore de mode en ces années 1878-1880. La ligne de chant est
chaleureuse. L'orchestration cherche une somptuosité que le compositeur obtient
sans le pompiérisme d'un Liszt.
Encore fasciné par les ainés, on entend à [5:01] un motif qui fait
incontestablement penser à l'un des leitmotive des Maîtres Chanteurs de Wagner… Certes, comme l'a reproché Brahms, sans y
mettre les formes, les matériaux
semblent décousus. Mais justement, ce passage d'une idée à une autre montre que
le gamin de 20 ans cherchait déjà à s'évader des règles académiques de la forme
sonate. Le mouvement se révèle inventif et varié et facile à suivre. Il
faut souligner le rôle de Dennis Russell Davies dans cette première bonne impression : la
mise en place rigoureuse, le bel étagement des plans sonores, le contrôle des
chorales de cuivres virils mais pas emphatiques. La coda nous renvoie vers
l'univers brucknérien, très ample et volontaire, mais de manière plus joyeuse, sans la sévérité
caractéristique du grand symphoniste, mentor de Rott, notamment grâce à la couleur festive apportée par le
triangle… Et puis contrairement à Bruckner
qui étirait le temps (jusqu'à 30 minutes pour les symphonies 3, 5 & 9 - Clic) pour exprimer sa foi en l'éternité, ce début de la symphonie
de Hans Rott ne dure qu'une dizaine de
minutes.
2 - Sehr
langsam (Très lent) : Le second mouvement oscille entre
adagio et andante. Dennis Russell Davies retient
plutôt la seconde option pour se démarquer des épanchements spiritualistes d'un
Bruckner dans ses trois dernières symphonies. Hans
Rott déploie aux cordes une longue mélodie élégiaque dans laquelle
aucun thème marqué ne semble émerger. Le compositeur nous invite à imaginer des
paysages changeants, des lumières diaphanes d'un ciel nuageux et doré à la fois.
On ne trouve pas réellement de fil conducteur, comme si le musicien voulait
éviter des conflits entre motifs opposant des émotions antagonistes.
L'orchestration est assez pesante, sauf dans le déploiement central où se côtoient
une force tragique et des chorals de vents chaleureux. Le meilleur moment de ce
mouvement, très poignant, wagnérien dans le sens le plus flatteur de la
comparaison. Dennis Russell Davies confirme
son talent pour éclaircir cette page pathétique et ciseler le chant poétique
qu'elle mérite jusqu'à sa conclusion.
Caspar Friedrich |
4 - Sehr
langsam / Belebt (Très lentement / Vif) : Comme dans la 1ère
symphonie de Mahler, le mouvement
conclusif est le plus long avec sa vingtaine de minutes. Le début est très
original : une ballade entre les pupitres de bois, chantante et mystérieuse,
puis une exposition puissante d'un thème martial. Nous sommes, là encore, très
proches de ces contrastes abruptes inspirés de la technique de l'orgue dont raffolait
Bruckner. Une troisième idée donne la
parole à une longue et romanesque mélodie aux cordes. Un point amusant :
l'emploi vraiment excessif du triangle. Le percussionniste chargé du menu
instrument peut s'en donner à cœur joie. Hans Rott
va développer son final en intégrant une fugue (comme Beethoven
dans la 9ème symphonie). Le trait évolue vers un tissu orchestral de
plus en plus fulgurant. Dennis Russell
Davies ne cherche pas à ajouter un hédonisme dans cette musique
luxuriante qui n'en a vraiment pas besoin… Le final se la joue cataclysmique…
De bonnes conditions d'écoute seront nécessaires pour profiter des mille et un
détails qui parsèment cette partition expansive.
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Il était intéressant de sortir de l'oubli cette
surprenante symphonie, trait d'union entre un romantisme académique à bout de
souffle et la modernité en marche. Un chef d'œuvre absolu ? Non, d'ailleurs
cette expression est idiote. Une curiosité ? Absolument ! L'interprétation est
excellente, un chef familiarisé avec la musique de notre temps tire plus
facilement son épingle du jeu pour clarifier une orchestration généreuse voire
périlleuse à mettre en place. Il existe d'autres gravures concurrentes et de
bon aloi de Paavo Jarvi, Sebastian Weigle ou encore Gerhard Samuel.
Mahler qui aurait composé une symphonie avec Brahms, j'entend ça dans certaines phrases musical du quatrième mouvement. En attendant c'est très puissant et très brillant comme musique, pleine de clarté, Dommage qu'il fut barge et qu'il soit mort jeune, l'avenir lui aurait surement ouvert les portes de la reconnaissance..
RépondreSupprimerJe me disais que ce genre de consonance musical me rappelais vaguement quelques chose, je n'ai pus m'empêcher de faire un parallèle (sur l'harmonie des instruments de l'orchestre) au compositeurs Tchèque de la même période comme Smetana ( qui d'ailleurs mourra la même année que Rott en 1884)
RépondreSupprimerOui il y a pas mal d'influences chez le jeune Hans.
SupprimerBrahms a été quand même un peu fat sur ce coup-là. Il avait composé sa première symphonie qui jette, est super structurée, mais ne brille pas par sa légèreté orchestrale… (1876). Chronique prévue : Abbado à Berlin
Certes, sa seconde de 1877 (ma préférée avec la 4) est plus aboutie et fait partie de ces œuvres dont on mémorise d'emblée les thèmes principaux à siffloter…
Exact, Smetana et la Bohème. Mahler cite souvent des airs populaires de cette région dans son œuvre, notamment la 7ème symphonie, sujet d'un article dans deux semaines….
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