samedi 25 juillet 2015

RESPIGHI – Impressions brésiliennes – Geoffrey SIMON – Par Claude Toon



- Coucou M'sieur Claude… vous avez vu mon joli maillot de bain flashy ????
- Mais Heuuu ??? Oui oui, il est bien votre bikini avec string assorti multicolore, mais ce n'est pas une tenue dans un service de rédaction mon petit, enfin !?
- hihi, je pars au Brésil cet été, me faire dorer sur la page de Copacabana… j'ai adopté le style local, je profite d'être jeunette…
- Assurément, et si je puis me permettre, vous partez avec un petit ami ?
- Heuu oui, mais je préfère ne pas trop en parler…
- Ah ah petite coquine, gardez vos secrets, cela ne me concerne pas… passez de bonnes vacances… et attention aux UV !
Sonia sort dans le couloir en sautillant… et hurle :
- M'sieur Rockiiiin', M'sieur Claude l'a trouvé super mon maillot, on a bien choisi…

Ottorino Respighi (à gauche) et son élève Carlo Alberto Pizzini
C'est par son triptyque romain (Les pins de Rome, Fontaines de Rome et fêtes romaines) que le compositeur postromantique italien Ottorino Respighi reste le plus connu. Quel chef d'orchestre n'a pas un jour ou l'autre désiré s'éclater en dirigeant ces trois suites symphoniques brillantes et à l'orchestration luxuriante, placé à la tête d'un orchestre de prestige répondant au doigt et à l'œil ?
Il y a trois ans, nous avions visité Rome en compagnie de Respighi et du chef italien Guiseppe Sinopoli qui avait su conjuguer dans son enregistrement la grandeur parfois exacerbée des partitions et la poésie des évocations de la ville éternelle, de sa douceur nocturne à son prestige antique (Clic).
Cela dit, la production de Ottorino Respighi ne se limite pas cette trilogie archi rabâchée et sur-engistrée depuis les gravures de Toscanini. Ainsi, nous avions découvert un Respighi amateur de musique orientalisante (genre très à la mode à l'époque) dans le Poème automnale pour violon et orchestre, une œuvre faisant partie d'un récital de la jeune  Julia Fischer (Clic).
Même si Ottorino Respighi fut l'élève du rigoureux Rimski-Korsakov, l'article de 2012 mettait l'accent sur la modernité de l'écriture du compositeur italien. Ce dernier n'a pourtant jamais appartenu à une courant précis, comme l'école de Vienne ou adopté les recherches tonales de Bartók. Il va plutôt subir les influences expressionnistes d'un Debussy et le sens de l'orchestration expansive d'un Richard Strauss. Et puis, comment ne pas penser à Stravinsky en écoutant la dernière fête romaine et son instrumentation exaltée, une bacchanale passionnée ? Respighi est un peintre, un coloriste de la musique par sonorités instrumentales rutilantes interposées. Les impressions brésiliennes, petite suite en trois tableaux, en sont une nouvelle preuve.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Geoffrey Simon
Le chef australien Geoffrey Simon est né en 1946 à Adélaïde mais vit à Londres. Ses maîtres ont été : Herbert von Karajan, Igor Markevitch, Hans Swarovsky et Rudolf Kempe, excusez du peu. Le maestro a dirigé de nombreux orchestres américains comme celui de Sacramento, mais aussi la  plupart des phalanges anglaises de renom. Aujourd'hui, pour ce CD, il dirige le Phiharmonia, à l'instar de Sinopoli dans l'album évoqué ci-dessus.
La jaquette présentée en titre est celle d'une compilation parue en 2013, des enregistrements réalisés de 1984 à 1991 par Yan Pascal Tortelier (Clic) et Geoffrey Simon : un double album vraiment intéressant dans le sens où il réunit les œuvres les plus passionnantes de Respighi (manque juste la suite "les oiseaux", mais… il n'y avait pas la place). L'illustration sans rapport avec le Brésil a été suggérée au graphiste par la suite "vitraux d'église". Bien entendu, on peut entendre le triptyque romain dans une interprétation de belle facture avec une prise de son de grande qualité… Il existe d'autres gravures dédiées à Respighi sous la baguette de Geoffrey Simon mais en albums séparés à la durée plutôt chiche, toujours pour le label CHANDOS.

XXXX
Mai 1927 : Ottorino Respighi est un auteur reconnu dans son pays. Il a 48 ans. Il décide de faire un voyage au Brésil. La musique latino passionne les compositeurs occidentaux en ce début du XXème siècle. Il en a été ainsi pour le français Darius Milhaud - secrétaire de Paul Claudel nommé diplomate à Rio de Janeiro - et qui écrira une suite de danses intitulée Saudades do Brasil (1920-1921). Respighi s'enthousiasme pour les rythmes et mélodies locales et, à l'instar de Bartók, va collecter tout un répertoire de musique propre à la culture sud-américaine. Ce travail ethnologique va se concrétiser par cette suite des Impressions brésiliennes qui comporte trois parties. Respighi compose une jolie suite de 18 minutes environ. L'homme n'était pas très à l'aise dans les ouvrages trop longs. Sa boursouflée Sinfonia drammatica de 1914, qui dépasse l'heure, n'intéressera que les fans absolus. Donc, comme nous sommes en été, saison des voyages, voici pour les amateurs de chaleur tropicales le court carnet de voyage brésilien de Respighi.

1 – Nuit tropicale (vidéo 1) : Ah la belle nuit étoilée dans la torpeur tropicale. Quelques bruissements de cordes, des arpèges de harpes, et puis des notes de vibraphones qui scintillent. Un italien dans la force de l'âge, plongé dans les chaudes nuits brésiliennes, ne peut-être insensible aux charmes des belles métisses couleur café comme chantait Gainsbourg. Quelle lascivité dans ses glissandi (oui Rockin ! il y avait déjà des jolies et voluptueuses danseuses en ces années là).
Respighi construit ce bel adagio à partir de thèmes locaux entendus à Rio. Plus avant dans cette introduction, de lointains échos de samba ou d'autres danses folks se font entendre… Une musique qui s'étire, se love, et fait penser à l'impressionnisme du Debussy de la Mer ou des Nocturnes. On pense à Milhaud aussi. Une orchestration chatoyante et un flot érotisant et moite que met en valeur avec délice Geoffrey Simon et son orchestre au phrasé si délié. Les mélodies ensorcelantes du hautbois peuvent symboliser un noctambule qui s'attarde dans la tiédeur nocturne… Une page aux mille feux et finement exotique.

2 – Butantan : (vidéo 2)  (Butantan est un centre d'étude des reptiles près de São Paulo). Il fallait y penser ! M. et Mme Respighi rendent visite aux serpents amazoniens : les gros flegmatiques comme l'anaconda où les plus petits aux couleurs attrayantes mais qui vous tue en 5 secondes… Requiem Aeternam ! Brrr, quelques accords des cordes aiguës font froid dans le dos surtout quand s'invite le contrebasson qui intervient pour accentuer le climat flippant de la visite.
Respighi s'amuse, Mme ? Je ne sais pas… Le compositeur montre son habilité par nombre de métaphores musicales : sifflements des cordes simulant les crachouillis des reptiles dérangés dans leur sommeil, cliquetis du tambourin accroché à la queue d'un crotale… Respighi sort la carte de l'humour noir en intégrant de le Dis Irae du final de la Symphonie Fantastique de Berlioz : le thème glaçant et funèbre qui annonce le sabbat de sorcières. Celles-ci n'utilisent-elles pas dans leurs potions le venin de ces créatures diaboliques condamnées à la reptation par le Très Haut ? Geoffrey Simon dirige un orchestre ondulant et inquiétant, contorsionne avec satanisme bon enfant les enroulements des mélodies serpentines. Aucun exotisme de pacotille. Respighi est un farceur… et un génie de l'orchestration. Oui, je me répète...

3 – Chant et danse (vidéo 2 - [4:50]) : Après les affres face aux serpents, retour aux joies de la danse et de la chaude musique latino. Geoffrey Simon dirige avec retenue ces thèmes populaires, une direction poétique en opposition avec les possibles déferlements frénétiques du célèbre carnaval de Rio. L'écriture fantasque et bariolée déjà présente dans les deux premières parties conduit cette œuvre pleine de vie, d'ombres et de lumières, à sa conclusion.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


1 commentaire:

  1. Comme tu l'écris si bien, il est vrai que la première partie fait penser a Debussy matinée Darius Milhaud (Je découvre l'oeuvre !) , mais dans la deuxième partie, je n' entend pas des serpents, mais des oiseaux (1:30) avec ce son de flûte traversière et de clarinette qui s'entrecroise. Le final ? un mélange du boeuf sur le toit de Milhaud et de l'ouverture du Corsaire de Berlioz, voila comment j'entend Respighi dans les Impressions Brésiliennes alors que je ne connaissais que le Pins de Rome, les Fontaines de Rome et les Fêtes Romaines, cela n'empêche pas que j'aime beaucoup cette oeuvres.

    RépondreSupprimer