- Tiens M'sieur Claude, Vivaldi n'a pas écrit que des concertos en tout
      genre (600 je crois) ?
  - Point du tout, ma douce Sonia, Vivaldi a composé pour la voix : des
      opéras et en tant que prêtre (roux) de la musique religieuse…
  - Des œuvres un peu sinistres et graves, des requiem, etc. ?
  - Non, la musique de Vivaldi est toujours gorgée de vie et de soleil,
      exemple ce Gloria, sujet du jour…
  - Oui, un gloria comme son nom l'indique se doit d'être joyeux, c'est
      vrai... Qui est Michel Corboz ? Vous n'en avez jamais parlé…
  - Un chef d'orchestre Suisse qui a merveilleusement servi la musique
      baroque mais sur instruments modernes. Un choix qui n'est pas trop à la
      mode, mais quelle vitalité !
         
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| Michel Corboz (né en 1934) | 
  Eh oui,
    Antonio Vivaldi
    avait d'autres cordes musicales à son arc que les innombrables et savoureux
    concertos qu'il a composés pour les formations les plus variées par
    centaines (600 est le chiffre avancé par Sonia, il est exact).
    Vivaldi
    a pénétré dans le blog par la porte des célèbres 4 concertos du cycle "les quatre saisons" en mars 2012
    (Clic). Un second article explorait l'univers des
    concertos pour mandolines
    accompagnées par une flopée d'instruments les plus fantaisistes
    (Clic).
  
  Retour en deux mots sur ce contemporain italien de
    Bach, donc de l'époque du baroque tardif. Virtuose du violon, le prêtre Roux
    (surnom dû à ces cheveux) a vécu de 1678 à 1741. (1785-1750
    pour
    Bach). Il excellera dans tous les genres et sa production sera pour le moins
    abondante. Un seul bémol, sa musique sera oubliée pendant deux siècles et ce
    n'est guère que depuis la seconde guerre mondiale qu'il a retrouvé une
    gloire passée, surtout grâce à ses concertos.
  Pourtant
    Vivaldi
    a écrit des dizaines d'opéras (de 50 à 94, on ne sait guère). Les partitions
    (beaucoup sont perdues) proposaient des livrets un peu indigents
    essentiellement destinés à mettre en valeur les prouesses des chanteurs,
    notamment des castrats. La mode
    était aux vocalises virtuoses plus qu'au fond de l'histoire, mais la musique
    colorée vaut que l'on redécouvre les manuscrits encore existants et que des
    enregistrements voient le jour. Ce qui est le cas…
    Orlando Furioso
    est le plus connu de ce corpus lyrique.
  Et la musique religieuse dans tout ça ?
  Pour répondre à des commandes,
    Vivaldi
    aurait composé une cinquantaine d'œuvres religieuses de toute nature. La
    plupart agrémentait les offices de l'église de la Pietà ou de la
    basilique Saint-Marc de
    Venise, ville dans laquelle
    Vivaldi
    a passé la plus grande partie de son existence. L'intérêt est varié. Deux
    œuvres à double chœur ont marqué l'histoire de la musique : le
    Stabat Mater
    et le
    Gloria
    écouté ce jour. Je ne peux faire l'impasse sur l'oratorio
    Judith Triomphante, œuvre à la fois sacrée et dramatique, qui concentre la quintessence de
    l'art du musicien et dont nous parlerons un jour…
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          La place Saint-Marc et la Basilique au temps de Vivaldi -
                    Canaletto (1697-1768)
          
         
       | 
    
  Michel Corboz
    dit de lui-même qu'il est né dans un trou de gruyère. Le chef suisse est de
    tous les artistes de sa génération d'une discrétion proche de la timidité.
    Ce jeu de mot vient de son lieu de naissance en
    1934 : la bourgade de
    Marsens dans le comté de
    Gruyère en plein pays vaudois.
  
  Il suit toutes ses études à
    Fribourg et très tôt, en
    1961, il crée son propre
    ensemble destiné à l'exécution de la musique baroque : l'ensemble instrumental et vocal de Lausanne.
  Michel Corboz
    est avant tout un amoureux de la musique vocale. Cela peut expliquer qu'il
    n'est pas suivi les traces d'un
    Harnoncourt en faisant jouer ses musiciens sur des instruments d'époque, en transposant
    le diapason, etc. La voix est moins sensible que le son des instruments à
    cette révolution de l'interprétation baroque lancée dans les années 50. Je
    ne connais pas d'enregistrement de
    Corboz
    pour une œuvre simplement symphonique, ou alors on me cache tout… La firme
    Erato qui cherche dès
    1964 à créer un catalogue
    d'œuvres baroques fait appel à son talent, une association qui durera des
    décennies, jusqu'en 2001, date
    à laquelle la firme jette l'éponge. Cela ne mettra pas fin à la carrière
    discographique du maestro.
  Pour
    Corboz, la ferveur et la spiritualité doivent prendre le pas sur les
    préoccupations musicologiques formelles chères aux baroqueux. Attention, sa
    direction ne reflète en rien la majesté un soupçon sulpicienne que l'on
    pouvait déplorer parfois chez les grands anciens comme
    Klemperer, malgré la grandeur indéniable de leur conception. Avec des ensembles
    réduits,
    Corboz
    a apporté tant au concert qu'au disque une approche d'une grande fidélité au
    texte.
  Le baroque est omniprésent dans la discographie de
    Michel Corboz
    comme
    Bach, avec plusieurs gravures de la
    Messe en si
    ou des
    Passions. On trouve également moult exécutions des œuvres de compositeurs du
    baroque primitif :
    Monteverdi,
    Gabrielli, ou encore des français comme
    Delalande.
    Michel Corboz a bien entendu élargi son répertoire jusqu'à la musique classique :
    Mozart
    ; romantique :
    Mendelssohn
    et ses oratorios
    Paulus
    et
    Elias
    ;
    Fauré
    et
    Duruflé
    et leurs
    Requiem, et même des œuvres contemporaines de ses compatriotes :
    Arthur Honegger
    ou
    Frank Martin. Une seule constante : des motets, des cantates, des pièces religieuses de
    tous les styles, bref et en un mot conclusif : de la musique vocale a
    capella ou avec accompagnement orchestral… Liste non exhaustive.
  À 81 ans,
    Michel Corboz
    n'a jamais 
    été aussi actif. Il est fréquemment invité à des festivals à vocation
    pédagogique comme les Folles journées de Nantes.
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       | 
    
| Chœur et Ensemble instrumental de Lausanne | 
  Révision pour les athées pratiquants et les mécréants, ou pour nos amis de
    diverses religions, tous ouverts à l'histoire religieuse. Le
    gloria est la seconde grande
    prière de l'ordinaire d'une messe catholique. Elle comprend 22 versets +
    l'amen conclusif. Elle est en principe réservée aux messes un peu
    solennelles, mais les règles exactes m'ont toujours échappées. C'est un
    article musical, pas un cours de catéchisme… hi hi !
  
  Le Gloria se veut un Hymne à la gloire du Très haut et de Jésus-Christ. Il
    se prête donc bien à une mise en musique à la fois reconnaissante, extatique
    et radieuse.
  Vivaldi
    a composé plusieurs
    Gloria
    mais celui-ci catalogué
    RV 589, de par ses proportions, sa beauté musicale et sa célébrité est appelé
    "par défaut"
    Gloria
    de
    Vivaldi. Il date de 1714-1716.
  Le compositeur a regroupé en 12 parties les 23 versets de manière
    thématique : notamment le
    Laudamus qui en réunit quatre
    et le Qui tollis qui
    fusionne deux implorations.
  Au-delà de ces considérations de regroupement des textes liturgiques qui
    permettent d'apporter un climat particulier de douceur ou de glorification
    dans la composition suivant le sens du texte,
    Vivaldi
    a fait preuve d'une belle imagination dans la distribution vocale et
    l'effectif orchestral propres à chaque passage. Pour ceux qui souhaiteraient
    découvrir la pertinence des choix de
    Vivaldi, voici le texte que l'on trouve rarement dans les pochettes.
  
  Deux sopranos et un(e) contralto constituent le groupe des solistes vocaux.
    On les entend seuls ou en duo avec le Chœur. Le chœur peut chanter seul. Par
    ailleurs l'orchestre comporte des cordes mais également un hautbois, des
    trompettes, un clavecin et un orgue. Inutile d'apporter un commentaire à
    chaque passage, mais s'intéresser à chacune des combinaisons voulues par
    Vivaldi
    met en évidence la richesse de l'ouvrage, ce qui n'est pas une limpide lors
    d'une première écoute…
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          1
         
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          Gloria in excelsis Deo,
         
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          Gloire à Dieu, au plus haut des cieux,
         
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          Et in terra pax hominibus bonae voluntatis.
         
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          Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
         
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       | 
      
         
          Laudamus te. Benedicimus te. Adoramus te. Glorificamus
                  te.
         
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          Nous te louons, nous te bénissons, nous t’adorons, nous te
                  glorifions,
         
       | 
      
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          Gratias agimus tibi
         
       | 
      
         
          Nous te rendons grâce,
         
       | 
      
         | 
    
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          5
         
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          Propter magnam gloriam tuam
         
       | 
      
         
          Pour ton immense gloire, 
         
       | 
      
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          (5)
         
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          Domine Deus, rex caelestis
         
       | 
      
         
          Seigneur Dieu, Roi du ciel,
         
       | 
      
         | 
    
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          6
         
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          Domine Fili unigenite, Jesu Christe
         
       | 
      
         
          Seigneur, Fils unique, Jésus Christ,
         
       | 
      
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          7
         
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          Domine Deus, Agnus Dei, Filius Patris,
         
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          Seigneur Dieu, Agneau de Dieu,le Fils du Père.
         
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         | 
    
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          8
         
       | 
      
         
          Qui tollis peccata mundi, miserere nobis.
         
       | 
      
         
          Toi qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous 
      Toi qui enlèves le péché du monde, reçois notre prière ;  | 
      
         | 
    
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          9
         
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          Qui sedes ad dexteram Patris, miserere nobis.
         
       | 
      
         
          Toi qui es assis à la droite du Père, prends pitié de
                  nous.
         
       | 
      
         | 
    
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          10
         
       | 
      
         
          Quoniam tu solus sanctus, tu solus Dominus, tu solus
                  Altissimus, Jesu Christe
         
       | 
      
         
          Car toi seul es saint, Toi seul es Seigneur, Toi seul es le
                  Très-Haut, Jésus Christ,
         
       | 
      
         | 
    
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          11
         
       | 
      
         
          Cum Sancto Spiritu in gloria Dei Patris. Amen.
         
       | 
      
         
          avec le Saint-Esprit. Dans la gloire de Dieu le Père.
                  Amen.
         
       | 
      
         
       | 
    
| 
        Antonio Vivaldi
             XX XX  | 
    
  1 - Gloria in excelsis
    : Vous avez tous dans l'oreille les premières notes pétulantes du "Printemps" des
    quatre saisons. Le début du
    Gloria
    s'y réfère par son rythme saccadé des cordes. Et puis : sur le mot Gloria,
    Gloire, Glorieux, le chœur ne chante pas du bout des lèvres, non, il
    proclame avec énergie et fougue le Gloria, ce qui s'applique aussi aux
    instrumentistes.
    Vivaldi survolte le discours, mêle le staccato trépidant des cordes aux appels
    virulents des trompettes.
    Michel Corboz
    module avec agilité et contraste la ligne de chant. Aucune gravité
    sulpicienne comme l'on en entendra à l'époque romantique, mais un chant
    coloré par les lumières féériques venues des vitraux de la Basilique
    chauffée à blanc par le soleil vénitien.
  2 - Et in terra pax
    (2':25") : Pax = Paix, recueillement dans l'esprit du compositeur.
    Vivaldi
    propose une somptueuse psalmodie du chœur avec un accompagnement des cordes
    seules qui scandent avec un délicat legato cet hymne à la sérénité entre les
    hommes exigée par les Écritures. Le chef suisse équilibre de manière
    émouvante le flot orchestral et la polyphonie vocale de ce long passage en
    forme de prière.
  
  3 – Laudamus te
    (8':35") : La réunion de quatre versets en une suite de quatre verbes de
    louange offre à Vivaldi la possibilité d'écrire un air très lyrique pour duo
    de soprano, ici deux chanteuses :
    Jennifer Smith
    et
    Wally Staempfli
    (à l'époque, on recourait à des enfants). Tour à tour ou ensemble, les
    louanges sont chantées de manière réjouissante. Seul le latin permet
    d'affirmer que nous entendons une mélodie religieuse et non un air d'opéra.
     Les cordes assurent quelques
    intermèdes gracieux entre les interventions vocales. Nous sommes bien après
    l'écoute de ce troisième passage en présence d'une œuvre dans laquelle
    Vivaldi
    explore toutes les fantaisies possibles dans le choix des combinaisons
    vocales et instrumentales.
  6 – Domine Deus
    (12':15") : Encore un air, mais pour voix d'alto. L'introduction est une
    merveille avec un solo débonnaire du hautbois. Un simple continuo avec
    cordes graves et clavecin ajoute une touche de couleur à l'instrumentation
    du morceau. La voix très limpide de l'alto apporte une quiétude à ce passage
    en forme de voyage astral (normal avec le mot caelestis-ciel).
  8 -
    Domine Deus, Agnus Dei (19':10") : Cette mélopée s'inscrit comme une œuvre dans l'œuvre.
    L'expression Agnus Dei fait
    référence à la dernière prière de la messe que l'on retrouve disséminée dans
    le Gloria, un chant de pitié et
    d'espoir. Rien d'étonnant que
    Vivaldi
    ait souhaité développer ce verset dédié à la miséricorde du Christ et
    proposer une nouvelle formation. Ce morceau méditatif commence par une
    sombre prière élégiaque du violoncelle soutenue par l'orgue positif. La
    partie vocale est de nouveau confiée à l'alto qui rencontre le chœur lors du
    développement. Encore un passage bouleversant avec un tempo favorisant la
    spiritualité inhérente au texte. Spiritualité ? La signature de la direction
    de
    Corboz… L'absence de l'ensemble des cordes renforce la priante intimité du
    propos.
    Vivaldi
    retrouve la profondeur cosmique du chant polyphonique de la
    Renaissance. 
  
Depuis 1974, ce disque n'a pris aucune ride par sa ferveur... Pour ceux qui recherche une interprétation sur instruments d'époque, à la limite de l'excitation opératique, le disque de Rinaldo Alessandrini est pour eux (Naïve - 5/6).
Depuis 1974, ce disque n'a pris aucune ride par sa ferveur... Pour ceux qui recherche une interprétation sur instruments d'époque, à la limite de l'excitation opératique, le disque de Rinaldo Alessandrini est pour eux (Naïve - 5/6).
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  L'enregistrement de
      Michel Corboz dans son intégralité suivi du du disque
      de
        Rinaldo Alessandrini.







Très belle version que celle de Michel Corboz. J'ai écouté la version de Riccardo Muti de 1990 avec Teresa Berganza et Lucia Valentini, tu n'est plus dans la musique religieuse, tu te retrouve dans dans l'opéra pas comique ! Mais l'interpretation n'en est pas moins magnifique.
RépondreSupprimerJ'aime bien la version d'Alessandrini que je ne connaissais avec son intérpretation du Stabat Mater de Pergolèse
Oui Muti, et ce qui est très curieux c'est qu'une étude comparée de 10 versions par le magazine Classica dudit Gloria ait placé cette version en premier !!!!! Je l'ai aussi écoutée, on pense à Cherubini ou à la grande messe en ut de Mozart jouée à la Scala de Milan............ Certes les musiciens sont excellents (techniquement) mais Vivaldi est un homme du baroque. Enfin je crois :o)
SupprimerCorboz est éliminé parce que trop "pâteux" alors de Vittorio Negri (excellent au demeurant) l'est vraiment plus et obtient le 2ème place...
Quant à Alessandrini, il a un train à prendre ou quoi... ???? C'est de la musique sacrée bordel (pardon mon Dieu).
Cette fois je te tiens claude toon et pour mon bonheur j'ai retrouvé ta critique du Gloria de Vivaldi !
SupprimerJe ne suis pas d'accord : Alessandrini n'a pas de train à prendre et puis j'aime tellement la musique sacrée surtout italienne que j'aurais du mal à critiquer quoi que ce soit. Pour moi, rapide ou pas, on est dans le merveilleux. Et le merveilleux, c'est sacré. Continue...
Pour la remarque "Quant à Alessandrini, il a un train à prendre ou quoi", elle ne s'applique que pour l'introduction. Les tempos de toutes les autres parties sont tout à fait dans le ton de l'ouvrage...
SupprimerVivaldi ! Même ceux qui ont les oreilles bouchées (comment ça comme les miennes ??) aiment. La grande classe. On voyage.
RépondreSupprimerOui ! Il faut écouter le concerto pour mandoline et sont très connu Allegro
SupprimerSi vous voulez toutes la magie de Vivaldi (chant, instruments concertants en tout genre, etc.) en une seule partition : Judith Triomphante. Un oratorio d'une incroyable diversité... La gentille Judih y coupe la tête de Holophèrne... Une affaire biblique dans l’ancien testament.
RépondreSupprimerJe n'ai jamais entendu mieux que l’enregistrement de Vittorio Negri à la fin des années 70.....
Dispo sur Deezer : http://www.deezer.com/album/6492706
Pas édité pour le moment mais plein d'occases à pris décent !!!! Que fait donc Decca qui réédite le must du catalogue Phillips.... ????