LE Dracula de la hammer |
On pensait Christopher Lee immortel, capacité acquise par
la participation à une vingtaine de films où il apparaissait en Dracula
hautain et grand seigneur, drapé dans sa cape noire, doublure carmin, la
classe !
J'avais dix ans au début des années 60 quand les
cinémas de quartier affichaient régulièrement un nouvel épisode des méfaits
(qui tournent toujours à sa défaite) du vampire transylvanien, en alternance
avec les Frankenstein
dans lesquels son comparse Peter Cushing s'adonnait à la vivisection
approximative. J'étais trop jeune pour pouvoir voir ces films pourtant softs par
rapport à maintenant. (De nos jours, on peut se délecter de boucheries infâmes
dès 12 ans)… Et en ces années là, l'acteur portait déjà son âge… Mais revenons
au début en… 1922
Christopher
Lee voit le jour après la Grande Guerre à Londres. Il est
le cousin par alliance de Ian Fleming (1908-1964),
le père de James
Bond. (Il jouera le "méchant" dans l'homme au pistolet d'or en 1974
de Guy
Hamilton. Il est opposé au Bond
de Roger
Moore.) Jeune
homme brillant, il tente d'intégrer Oxford, mais la crise
économique des années 30 et les problèmes familiaux auront raison de ses
ambitions. Il survit de petits jobs jusqu'à la seconde guerre mondiale. La
R.A.F. l'accepte, mais pas comme pilote à cause d'un problème de vue. Il
témoignera lors des procès des crimes nazis des horreurs rencontrées dans les
camps.
En 1946 il
commence une carrière d'acteur mais sa grande taille (1,96 m) se révèle un
handicap, les autres comédiens estimant que le géant peut leur faire de l'ombre
à l'écran par sa stature. Il doit pendant près de dix ans se contenter de jouer
les seconds rôles dans des nanars. Quelques films échappent à ce sobriquet : Capitaine sans peur de Raoul Walsh
en 1951, Le Corsaire rouge de Robert Siodmak en 1952, Les Quatre Plumes
blanches de Zoltan
Korda en 1955.
Christopher Lee-Momie affronte Peter Cushing... |
En
1957, la société de production
british Hammer souhaite tourner des
remakes des Frankenstein
et Dracula immortalisés
dans les années 30 par Boris
Karloff et Bela Lugosi aux USA. Lee incarne la
créature créée par le Baron Frankenstein.
Cette fois-ci, sa haute taille est un atout. Peter Cushing incarne le
savant fou. Christopher Lee
devient un acteur mondialement connu et populaire en incarnant dix fois le
comte à la résurrection facile… Terence Fischer
en réalisera un certain nombre.
En
parallèle, il tourne d'autres productions horrifiques, et incarne Henry
Baskerville
confronté au détective Sherlock Holmes
dans Le Chien des Baskerville (1959, avec, on pourrait dire évidement :
Peter Cushing dans le rôle
de Holmes). En 1963, il
obtient le rôle du détective dans un nouvel opus de Terence Fischer : Sherlock Holmes et le Collier de la mort.
Il interprétera aussi le rôle de Mycroft,
frère de Holmes dans le chef
d’œuvre de Billy Wilder
La Vie privée de Sherlock Holmes (1970). Doué au-delà de l'imaginable
pour les langues (il parle anglais, allemand, italien, français, russe,
espagnol, suédois, hébreu et grec !!!!!!), il tourne dans d'autres
pays, notamment en Italie avec Mario Bava (auteur du Masque du démon), dans un long métrage
au climat gothique : Le Corps et le
Fouet… 1970 : La Hammer commence à jeter l'éponge ayant
usé jusqu'à la corde ces thématiques fantastiques récurrentes.
Dans
les années 1970 à 1995, l'acteur continue
de tourner régulièrement. Pourtant, il ne retrouve pas de premiers rôles comme
lors de l'incarnation de Dracula. Un film pourtant sort du lot, The Wicker Man (1973, produit par une Hammer
en fin de course). Christopher Lee
y joue un gourou païen au milieu
d’une cohorte de jeunes filles nues dévouées à son culte. Culte, comme ce film,
invisible depuis des décennies, mais dont on vous a parlé ici (Clic).
Il sera aussi l’ignoble Comte de Rochefort dans Les Trois
Mousquetaires (1973). En 1995, la carrière de Christopher Lee semble
terminée, il 73 ans. Mais comme le comte vampirique, il va connaître une
fabuleuse renaissance…
Dentiste "pointilleux" dans Charlie et La Chocolaterie de Tim Burton |
De 1999
jusqu'à son dernier jour, Christopher Lee va retrouver un succès
planétaire inattendu dans des blockbusters de qualité. En 1999, Tim Burton
lui propose un rôle dans Sleepy Hollow où
il incarne un bourgmestre
fanatique et cruel qui enferme ses victimes dans une Vierge de Nuremberg !!! Lee
renoue avec les personnages diaboliques. Dans Charlie et la Chocolaterie, il campe un inquiétant dentiste
qui martyrise son fils Willy "Wonka" (Johnny Depp) à coup
d'appareils d'orthodontie déments, engins fantasmagoriques comme le réalisateur
les aime tant. (Clic).
Un père plus paranoïaque que cruel, obsédé par les dégâts dentaires potentiels causés
par les bonbons. Une vigilance excessive qui amènera Willy "Wonka" à
devenir magnat de la confiserie féérique…
En 2002, Christopher
Lee
s'envole dans le cosmos, il a 80 ans. Il va incarner dans les nouveaux épisodes
de la saga de la guerre des étoiles le rôle du Comte Dooku pour deux films : épisode
II : L'Attaque des clones et épisode
III : La Revanche des Sith. Encore
un personnage a priori de grande noblesse. Il campe avec autorité un Jedi renégat
qui va se révéler un traître et un apprenti tyran… Diable, on ne se refait pas…
Saroumane et sa boule de cristal maléfique |
En 2001, Peter Jackson
lui demande d'incarner le magicien Saroumane dans le cycle du Seigneur des anneaux inspiré des romans
de Tolkien. Une fois de plus, ce
magicien à longue barbe blanche abjurera sa déontologie pour se mettre au
service du mal absolu incarné par l'entité des ténèbres Sauron. Dans son repère
transformé en fabrique de monstres : gobelins et orques, le magicien sera
l'ennemi juré de la communauté de l'anneau et du magicien clairvoyant Gandalf
(Ian
McKellen). Dans la version définitive du montage, il meurt empalé, mais
dans le dos, au début du troisième volet… et pour de bon ! En 2012 et 2014, Il reprendra son rôle de Saroumane dans les suites proposées par Jackson
à partir du petit roman de Tolkien
en forme de préquelle : Bilbo Le Hobitt.
Christopher
Lee seulement acteur ? Non ! Il était également : producteur, récitant, musicien, chanteur (de Heavy metal), et même photographe. Il prêta sa
voix dans des films d'animations : Les Noces
Funèbres encore de Tim Burton.
Christopher
Lee n'a en fait incarné que des monstres de légendes ou
presque dans 225 films. Son jeu reposait sur une prestance, sur le regard glacé
qu'il posait de toute sa hauteur sur les autres personnages, souvent des
victimes en puissance. Il a cependant incarné de temps à autres d'autres
personnages plus créatifs comme celui de Sherlock Holmes ou un passager héroïque dans Les naufragés du 747 (1977), pas un chef-d'œuvre, mais Lee
assurera lui-même ses cascades en apnée à la grande surprise de l'équipe de
tournage. Il avait su donné une dimension aristocratique à Dracula, La Créature de Frankenstein, Fu Manchu,
des sorciers,
des bourreaux
tendance dure(*) et même la Momie, comme disait Audiard : des malfaisants
! Et pourtant, l'homme rencontrait un accueil sympathique du public.
(*) Dans le film "La
Révolution française" de Robert Enrico en 1989. Christopher Lee incarnait
le bourreau officiant place de la Concorde : Charles Henri Sanson, membre de la célèbre lignée d'exécuteurs des
basses œuvres en France.
L'acteur est mort quelques heures après son admission
dans un hôpital londonien. Un record de longévité pour un homme né à l'époque
du cinéma muet…
Christopher
Lee cultivait allègrement l'humour anglais, il ne m'en aurait pas voulu de
lui dire adieu en écrivant "Dracula est mort dans son pieu".
Quelques bandes-annonces et vidéo : Dracula, prince des ténèbres et Saroumane et ses légions de monstres dans Le seigneur des anneaux épisode 2.
Puis : Poilant : Sir Christopher Lee dans un clip de hard
rock lorgnant sur le moyen âge en 2010 (Il nous aura tout fait), et même en
2014 "Darkest Carols, Faithful Sing", une version heavy metal de
chants de Noël (Bruno, Vincent, vous en pensez quoi ????!!!!!
"Dracula est mort dans son pieu" !!! excellent !!!! Le saigneur des Carpates nous a quitté ! Des Dracula, je ne retiendrais que "Dracula Prince des ténèbres" et "Les cauchemars de Dracula" mais surtout pas le "Dracula père et fils" de Molinaro en 1976 avec Bernard Menez. Il est vrai que Peter Cushing et Christopher Lee se sont souvent croisés dans les films, même dans la guerre des étoiles, Lee dans l'épisode II et III et Cushing dans le IV. DracuLee est-il vraiment mort ?
RépondreSupprimerUn très bel hommage à un grand monsieur ! Merci à vous !
RépondreSupprimerSamedi soir, Arte a rediffusé un documentaire datant de 2010 qui lui était consacré. On y apprend qu'il a assuré le doublage en anglais des "Vacances de Monsieur Hulot" de Jacques Tati ;)
Le doublage de Hulot ? Quand tu sais que le personnage ne parle pratiquement pas et que les trois quart du temps il a sa pipe dans la bouche et ses paroles sont pratiquement incompréhensibles, il n'a pas du avoir beaucoup de travail
SupprimerNan, il s'est chargé de l'intégralité du doublage :) Source ici http://www.allocine.fr/film/fichefilm-2615/secrets-tournage/
SupprimerIntéressant ! Merci du tuyau et du lien.
Supprimer'tain, qu'est ce qu'il me faisait flipper quand j'étais môme!...Pour un acteur, c'est le plus bel hommage que je peux lui rendre.
RépondreSupprimerSympa les contines de Noël...
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