Aristide Bruant un enfant de la butte ?
Je dois l’avouer, je voulais titrer cette
chronique : «Aristide Bruant un fils de butte»(*), mais pour
ne pas être vulgaire et respecter ce monstre de la chanson populaire française
qu’était Aristide
Bruant, je me suis ravisé au plus vite pour ne pas avoir à subir les
foudres de la censure et le mécontentement de certains lecteurs (Ce qui aurait été compréhensible et justifié).
De toute manière cela aurait été faux puisque Aristide Bruant est né à
Courtenay dans le Loiret en 1851 et
non à Paris et plus précisément sur la butte Montmartre, l’endroit qui fera sa
célébrité. Issue d’une famille bourgeoise, il fera des études jusqu’à 17
ans, ce qui était assez exceptionnel pour
l’époque. Il décrochera des premiers de prix de Grec, de Latin, d’histoire et de
musique vocale (le chant ?).
- Enfin M'sieur Pat, un homme comme vous, aussi cultivé, aussi raffiné, quelle idée !!!
- C'est bien pour cela, ma petite Sonia, que j'ai changé mon titre, par souci de raffinement en effet...
- Enfin M'sieur Pat, un homme comme vous, aussi cultivé, aussi raffiné, quelle idée !!!
- C'est bien pour cela, ma petite Sonia, que j'ai changé mon titre, par souci de raffinement en effet...
XXXX |
En 1870, à l’âge de 19 ans, il est engagé
comme franc-tireur dans l’armée de Napoléon III. Démobilisé un an plus tard, il
entre au service de la compagnie des chemins de fer du Nord. Tout en regardant
vivre ses compagnons de labeur, il
approfondit ses connaissances de l’argot, fait des recherches sur les origines de ce langage en remontant jusqu’à François Villon. Dès
lors, il se met à composer des chansons, mais ses premier vers seront tendres et l’argot n’aura pas encore sa place. Vers 1873, il s’essaie à la scène des
cafés-concerts à Nogent, mais si vous l’aviez croisé à cette époque, vous ne
l’auriez pas reconnu. Il joue sur la carte du dandysme, jaquette noire,
pantalon «bois de rose», gilet à ramages, souliers vernis et chapeau tube. Sa
voix forte, sa verve, son allure ne passe pas inaperçu, il commence à écrire
des chansons dans un style que le peuple de la rue et la classe
laborieuse comprendra. Le style Bruant est lancé ! Je tenais à préciser qu'Aristide Bruand
s’écrivait avec un D et c’est à cette époque qu’il remplacera cette lettre
par un T.
Il démissionne des chemins de fer pour se consacrer à
la chanson. Il fait un service militaire express au 113e de ligne à Melun
qui ne durera que... 28 jours. Il en profite pour écrire quelques textes comme «V’là l’cent
treizième qui passe !» tout en continuant à se produire
dans divers caf’conc’ avec succès. Il change d'allure : le sombrero, les
bottes et l’écharpe sur l’épaule, et en guise de manteau une immense cape noir. Son apparence sera aussi son fond de commerce. En 1881, il rentre au cabaret du
«Chat Noir»
au 84 boulevard Rochechouart tenu par Rodolphe Salis. Il crée ses chansons les plus populaires, mais ce n’est pas encore la fortune,
c’est plutôt la vie d’artiste, de bohème. Le «Chat Noir» n’est pas un couvent de bonnes sœurs ; un
soir, au cour d’une rixe, des voyous tuent un serveur et blessent Salis qui ira chercher
protection dans un quartier plus sûr. Bruant en profite pour reprendre l’ancien local
et monter sa propre affaire «Le Mirliton». Il confiera la décoration à ses
amies Théophile
Steinlen (à qui on doit
l’affiche du Chat Noir) et à Henri de Toulouse Lautrec (un nain connu !).
Le soir
de l’inauguration il n’y a que… trois clients ! Complètement dépité, Bruant
leur envoie une volée de bois vert à sa manière et ce sera de cette
manière qu’il accueillera les clients, un style très particulier qui fera sa renommée. Tous les soirs,
cela devient une règle : les spectateurs sont accueillis par des épithètes
ordurières et des plaisanteries scabreuses débitées par Bruant.
A croire que les snobs,
les bourgeois et certains grands de ce monde, comme un grand duc russe ou le
prince de Galles en personne, qui viennent s’encanailler dans son cabaret
prennent plaisir à ce faire houspiller par le maître de céans : «Tas de cochons ! Gueules de miteux !
Tachez de brailler en mesure. Sinon fermez vos
gueules». Tout le monde en prend pour son grade et les dames en
crinoline n’étaient pas non plus oubliées quand il les
traitait de «Pimbêche» ou de «Vieille vache». Il se donne le titre de chansonnier populaire
et financièrement les choses s’arrangent. Il rencontre un certain Georges Moineaux, plus connu sous le nom de Courteline. Il crée un journal qui portera le même nom
que son cabaret «Le
Mirliton». Ce dernier paraîtra entre 1885 et 1894, un
bimensuel qui deviendra un hebdomadaire illustré par Tréclau et Jean Caillou
qui ne sont autres, respectivement, que Toulouse Lautrec
et Théophile Steinlen. Parmi les pigistes et collaborateurs
du journal, on peut trouver les noms de Courteline
et Alphonse Allais.
Avec
la gloire, la fortune le récompense de ses efforts ! Rien qu’avec ses cachets et
les droits d’auteurs de «Nini Peau d’Chien», il peut s’offrir un
château à Courtenay, la ville qui l’a vu naître. En 1895, il cède la direction du «Mirliton» à son pianiste Marius Hervochon en se réservant la moitié des
bénéfices. Ce dernier changera alors de nom et deviendra «Cabaret Bruant» qui vivra quelques temps
sur sa lancée, mais l’insuffisance du spectacle et surtout un "faux" Bruant
qui n’a du vrai que le costume, n’attire plus que les provinciaux et les
étrangers. Une affaire commerciale qui tiendra tout de même jusqu’en 1958.
L’agilité du lapin
Aristide Bruant
part en tournée en France et à l’étranger (en
Afrique notamment). Il se retire peu à
peu de la chanson pour se consacrer à l’écriture et à la fructification de son
capital. En 1899, il prend la
direction de la salle «Le Grand Concert de l’Epoque»
qui plus tard deviendra le «Concert Pacra», il revendra la salle agrandie
et transformée en théâtre en 1905.
Il retourne à Courtenay ou il achètera domaine, ferme et hectares de terre, et
élèvera son fils dans le culte de la religion et de l’armée, ce qui est
surprenant de la part de l’auteur de «Biribi» avec ses couplets franchement
anticléricaux. Il écrit 11 romans populaires ou patriotiques comme «Les bas fonds de
Paris» ou «L’Alsacienne».
Le Père Frédé |
A Paris, il était un client
régulier d’un cabaret de Montmartre nommé «Le Lapin Agile» tenue par une certaine Berthe
Sébource et sa fille Marguerite (future
épouse de Pierre Mac Orlan). Elles sont
rejointes par Frédéric Gérard dit «Le père Frédé» une figure pittoresque de
Montmartre, vendeur de produits de quatre saisons avec son âne Lolo. La
ménagerie du «Père
Frédé» suit au «Lapin Agile» ; soit : un singe, un chien, un
corbeau et des souris blanche.
Lorsque
le bâtiment est promis à la démolition en 1913,
Aristide
Bruant
le rachète et en laisse la gérance à «Frédé». «Le Lapin Agile» devient rapidement une institution
Montmartroise et cela jusqu’à aujourd’hui.
La
mort de son fils en 1917 à l’attaque
de Craonne, laisse Bruant dans un profond désarroi. Il sortira de
sa retraite pour une série de concerts au théâtre de l’Empire du 21 novembre au
4 décembre 1924. Sa santé se détériore
rapidement et il décède deux mois plus tard le 10 février 1925 à Paris d’une angine de poitrine. Il a 74 ans.
Aristide Bruant le poète de l’Argot, sa
présence sur scène et sa voix rauque en font un monument de la chanson française
populaire, une chose qui n’existe plus de nos jour.
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