vendredi 7 novembre 2014

MAGIC IN THE MOONLIGHT de Woody Allen (2014) par Luc B.


Et c’est parti pour le générique, avec la typographie habituelle, la Windsor Condensed, crée y’a plus d’un siècle, caractères blancs sur fond noir, la musique de jazz année 20 (du Cole Porter), le casting dans l’ordre alphabétique, et le Written and Directed by Woody Allen. Mais on remarque que pour la seconde fois consécutive, Woody Allen filme en scope. Ce qui est rare. Après le très beau et sombre BLUE JASMINE, on sent que le plus célèbre clarinettiste du dimanche a eu besoin d’une petite récréation. Un film plus léger, où il est question de magie (un thème récurrent), ce qui n’empêche pas la réflexion.

L’histoire débute à Berlin, en 1928. Stanley, célèbre magicien, est sollicité par un ami, pour démasquer les agissements d’une jeune voyante. Stanley, cartésien invétéré, misanthrope jusqu'à l'os, s’est fait une spécialité de mettre à jour les escroqueries au spiritisme. Il accepte de se rendre dans le sud de la France, vers Antibes, dans une riche famille où agit l’ennemi à abattre : Sophie, une très charmante jeune femme. 

La Côte d’Azur, les années folles, le jazz New Orléans, vous pensez bien que Woody Allen s’en donne à coeur joie. Il a rappelé le célèbre directeur photo Darius Khondji (4 collaborations, et qui a travaillé aussi pour Wong Kar Wai, James Gray, David Fincher, Bertolucci…) pour filmer les paysages au soleil couchant, les chromes rutilants des vieilles Bugatti, les frous-frous des robes légère. Oui, il s’est fait plaisir, et disons-le : formellement, le film est superbe. On sent le plaisir de renouer avec un cinéma plus académique, avec mouvements de grue, et décor ad-hoc. Le départ est brillant, l’histoire est lancée en quelques scènes, sans temps mort.

On admirera une fois de plus le sens du dialogue, brillant, spirituel. Le personnage de Stanley, arrogant, débite les vacheries et les sarcasmes aux kilomètre. Et c’est l’excellent Colin Firth qui joue le rôle, digne héritier des James Mason ou Michael Caine. Face à lui, Emma Stones, fraîche et pétulante, parfaite aussi. Comme d’ailleurs toute la distribution. Il y est question de croyance, de foi, de raisonnement, un affrontement philosophique, le monde des esprits contre celui de la science. Est-il plus rassurant de vivre dans les certitudes, ou l'illusion est-elle nécessaire au bon équilibre ? Une scène drôle : lorsque la tante de Stanley a un accident de voiture, qu'elle risque de mourir, il se console en se disant qu'avec les pouvoirs extralucides de Sophie, il pourra continuer à communiquer avec sa défunte tante ! 

MAGIC IN THE MOONLIGHT se double d’un marivaudage, drôle, cocasse, poétique (la panne de voiture, qui finit dans un observatoire) un peu prévisible, ce dit-on pendant une bonne heure, mais la fin réserve des surprises. Mais cette romance s'inscrit dans le thème du film. Dans une scène, la tante de Stanley lui prouve par a + b qu'il ne peut aimer que sa femme, car ils sont en tous points "assortis". Il en convient. L'observation stricte des faits le confirme. Et pourtant, Stanley doit l'admettre : il est amoureux de l'extralucide Sophie ! Comme quoi, ses règles, ses principes, ses croyances s'effondrent quand il s'agit d'amour.   

Pourtant, au bout du compte, on reste sur sa faim. Trop simple. Au sens où l’intrigue ne repose que sur une idée, mais n’en développe pas d’autre. On sait que Woody Allen écrit ses idées sur plein de petits papiers, les assemble, et lorsque ça donne une histoire qui se complète, il écrit et développe. Là, on a l’impression qu’il n’a pas développé. Il est resté au stade du bout à bout. On n’est sans doute pas assez proches des personnages, on reste un peu à l’extérieur. 

Et je soupçonne même Woody Allen d’avoir fait ce film uniquement pour le dernier plan, qui est merveilleux. Superbe ! Fameux ! On a l’impression que tout conduit à ça. Une vraie belle fin, à l’ancienne, avec le The End en deux secondes. Le problème est sans doute qu’il n’y avait pas matière à remplir 1h40. La plupart de ses (grands) films font 1h25, ce n’est sans doute pas un hasard. 

MAGIC IN THE MOONLIGHT est une comédie sophistiquée, intelligente certainement, comme toujours avec Woody Allen dont les films moins bons se comptent sur les doigts de la main de Django Reinhardt, mais ce n’est pas un film majeur, qui manque d’un peu de fantaisie (un comble pour le thème abordé) et de rythme.    

   


o

7 commentaires:

  1. Je déteste ce type et toute sa production (le même film depuis des lustres): cinéaste falot qui s'est mis dans la poche la critique européenne (aux Etats-Unis, tout le monde l'ignore) en jouant sur une fausse auto-dérision et une "intellectualité" de pacotille. Dans quelques décennies, il ne restera rien de Woody Allen.

    RépondreSupprimer
  2. J'adore ce mec et toute sa production ( sachant se renouveler sans cesse): cinéaste brillant qui a mis toute l’Europe à genoux ( aux States, tous les crétins l'ignorent) en jouant sur une vraie auto dérision et une intellectualité jalousée par les râleurs psycho rigides. Ce qu'il en restera dans quelques décennies j'en ai rien à branler car on sera plus là ( et pour la plupart c'est tant mieux).

    RépondreSupprimer
  3. Tu détestes par idéologie (mal placée) , ou parce que tu ne connais pas. "Manhattan" , "Anny Hall", "Intérieur", "la Rose pourpre", "Crime et délit", "Maris et femmes" , "Crime mystérieux à Manhattan", "Une autre femme", "Match Point", "Blue Jasmine" .. etc.. et j'en oublie... Non, Shuffle, même avec la plus mauvaise foi du monde, si tu connaissais un peu Woody Allen , tu ne dirais pas ça ! La critique européenne... Quoi la critique européenne ? Ce serait uniquement au box office hollywoodien qu'on mesurerait la qualité d'un film ? Là, tu m'épates !! Dans quelques décennies il n'en restera rien ? Trop tard ! Il en reste déjà quelque chose.. beaucoup ! Et ça fait déjà quelques décennies qu'il est là ! C'est un "auteur"... Horreur !!! Un intello !!! Alors, oui, il raconte les même choses (comme Monet a peint le même jardin pendant 30 ans...), mais sous des angles un peu différents. Il approfondit à chaque fois, développe, creuse le sillon. Comme j'aimerais que seulement 10% de la production cinéma ait la même qualité d'écriture... Même dans un film mineur, il surpasse tous les tâcherons. Le pire (pour abonder dans ton sens) c'est qu'il serait d'accord avec toi. Il a toujours considéré qu'il n'était pas grand chose, comparé à Bergman, Rosselini, Kubrick, Truffaut... Et son regret est de n'avoir jamais tourner de chef d’œuvre... Qu'il se rassure. Chef d’œuvre ou pas, ses films se reverront dans 150 ans, parce qu'il parlent de nous, les humains. Et je me dis (connaissant pas trop mal "l'oeuvre" du monsieur) que tu ferais un parfait personnage dans un de ses films !!

    RépondreSupprimer
  4. J'en ai quand même vu quelques-uns...mais assez peu jusqu'au bout j'avoue, tellement c'est soporifique. Il aurait dû se cantonner aux chroniques du type "Dieu, Shakespeare et moi" (que j'ai lues). Woody Allen, c'est le Popa Chubby, mutatis mutandis, du cinéma intimiste (déjà, cinéma intimiste, c'est une aberration). Et puis, comment aimer un type qui se promène avec des pantalons velours à grosses raies? Psycho-rigide ou dupe/victime de toutes les modes: j'ai choisi. Bon, c'est bien de mettre un peu d'ambiance, ça ronronnait depuis quelque temps.

    RépondreSupprimer
  5. Woody Allen ? Peuh !! Fait pas l'poids face aux Roland Emmerich, Walter Hill, Michael Bay et James Wong. Voilà, ça c'est du film.

    RépondreSupprimer
  6. Farpaitement.

    RépondreSupprimer
  7. Le Popa Chubby du cinéma intimiste ! J'adore ! Ce n'est pas faux... Le boucan en moins.

    RépondreSupprimer