Le voici donc le film du petit prodige Xavier Dolan qui a mis en émoi la Croisette au dernier festival de Cannes, au point que son auteur s’est déclaré (en toute modestie) déçu de ne pas repartir avec la Palme, mais seulement le Prix du Jury…
Un
intertitre nous apprend que l’histoire se passe en 2015, après que le
gouvernement canadien ait voté une loi permettant aux parents d’abandonner
leurs enfants difficiles, dont ils ne peuvent plus assurer la garde. Ce
matin-là, Diane Desprès est convoquée dans le pensionnat de son fils Steve, pour le
récupérer. Trop turbulent. Elle refuse de l’abandonner à l’Etat, et le ramène
chez elle.
Cette
première scène au pensionnat est épatante, on est dans le tragi-comique, avec
cette mère, Diane, qui semble ne pas comprendre la gravité des évènements. Elle
n’a pas trop la tête à ça, elle vient de se faire emboutir sa bagnole…
Habilement, Xavier Dolan nous donne un aperçu de l’état de Steve, en voix-off,
par l’intermédiaire d’un talkie-walkie, on entend des surveillants aux prises
avec le gamin, qui lance une bordée d’injures. Dolan est donc directement dans
son sujet, dès le départ.
Ce
qui frappe d’entrée, c’est le format du cadre, 1:1, autrement dit, un format
carré. Ce qui pourrait être une coquetterie, s’avère intéressant, car ce format
enferme les personnages dans un cadre restreint, donc filmés au plus près, sans
arrière-plan. Par deux fois, le format va s’agrandir (en 1:85), une ouverture
parfaitement justifiée par le contexte, idée toute simple et poétique. Rappelons juste au passage, que déjà
François Truffaut utilisait cette technique dans JULES ET JIM, sans parler de
Buster Keaton, qui en fonction de ce qu’il avait à montrer, jouait sur le
format de ses images…
On
est immédiatement pris dans cette histoire, parce que ce film respire la vie,
dans de petites scènes du quotidien, très justes, qu’elles soient dramatiques
ou truculentes. Parce que les acteurs sont absolument épatants, et parce qu’il
y a ce langage fleuri, un argot québécois, si incompréhensible parfois que
l’ensemble du film est sous-titré.
Xavier
Dolan ne centre pas son film sur la seule relation mère/fils. Un troisième
personnage entre en jeu, Kyla, la voisine. Y’a un truc qui cloche chez elle,
elle bégaie, depuis deux ans. Un plan rapide nous montrera, chez elle, des
cadres photos, avec deux gamins, une fillette et un garçon. La fillette est
présente dans le film, comme le père, mais pas le garçon. On peut supposer donc que cet enfant
est mort, que la mère reste traumatisée, atteint si fort qu’elle en perd le
sens de la communication.
Pourtant, au contact de Diane, et de Steve (dont elle va finalement assurer les cours à la maison) Kyla va revenir à la vie, au bonheur. Dolan laisse absent le père, que l’on entrevoit parfois, un ou deux mots, c’est tout. Les hommes sont absents du film, et quand ils sont là, comme le Paul, le voisin, ils n’affichent pas une conduite des plus exemplaires…
Pourtant, au contact de Diane, et de Steve (dont elle va finalement assurer les cours à la maison) Kyla va revenir à la vie, au bonheur. Dolan laisse absent le père, que l’on entrevoit parfois, un ou deux mots, c’est tout. Les hommes sont absents du film, et quand ils sont là, comme le Paul, le voisin, ils n’affichent pas une conduite des plus exemplaires…
On
pourra regretter que la relation entre les deux femmes ne soit pas plus
creusée. Dolan laisse des questions sans réponse, ou alors, il atteint ses
limites dans l’art du portrait psychologique. MOMMY est un film simple, viscéral plus qu'intellectuel (les
frères Dardennes en auraient tiré une matière plus riche).
Le film est moins déchirant qu’on ne l’imagine, aussi parce que certaines scènes
sont attendues. Autant je chiale à chaque fois devant THE KID de Chaplin,
autant ici, on reste parfois à l’écart du drame, du malheur. Je pense à la scène au centre de détention, filmée de manière finalement convenue.
Xavier Dolan est un
excellent filmeur, et il ne se prive pas de le montrer. J’aime les
mises en scène "visibles", celles d’Ophüls, Hitchcock, Kubrick,
Scorsese… J’aime quand un cinéaste ne cherche pas à faire oublier sa caméra.
Après tout, c’est son outil, le cinéma est affaire de caméra (mais pas que).
Dolan joue avec ces images, ce qu’elles nous transmettent comme émotions,
sensations. Comme le travelling latéral, avec le caddie, scène aérienne, moment de
bonheur suspendu, qui prend son sens par la rupture de ton qui suit : la
(très) violente altercation entre Steve et sa mère.
Le
film est bâti sur les ruptures. Un peu too much dans l’hystérie ? Parfois,
ça peut lasser, mais c’est équilibré. Il y a aussi des scènes plus tendres,
conviviales, comme la séquence sur une chanson de Céline Dion. Des scènes comme ça, on en a vu pas mal, mais celle-ci
est troublante, ambiguë, inquiétante même. Steve est une bombe à retardement,
on ne sait jamais comment il va réagir. Contrairement à la scène du karaoké, où
dès le départ, on sait (hélas) exactement comment ça va finir, parce que c’est
une scène… attendue.
La
musique tient un grand rôle, les chansons qu’on entend, pop, rock, variété (Oasis, Lana Del Rey, Dido...).
Très malin la scène de Steve chantant à tue-tête sur son skate, les écouteurs
sur les oreilles, on entend vaguement un groove de rap s'échapper de son casque, sauf que par-dessus,
Xavier Dolan mixe une chanson des Counting Crows.
MOMMY
mérite les éloges. Xavier Dolan donne beaucoup à voir, à entendre,
les personnages sont entiers, c’est inventif, plein de vie, de bruit, de fureur,
ça déborde de sentiments !
Son film n’est pourtant pas exempt de petites maladresses, redondances, un tout
petit peu long (2h10). Le dernier film à avoir fait l’unanimité, c'était LA VIE D'ADELE. Même si les deux œuvres ne sont pas comparables dans la forme et leur conception, je pense qu'il y a eu un "choc" Kechiche, mais qu'il n'y a pas - pour moi - de "choc" Dolan. Mais ne chipotons pas, Xavier Dolan a 25 ans, il est
auteur, réalisateur, producteur, monteur, costumier, et comédien (dans Mommy on ne le voit que 3 minutes) ! N’en
jetez plus !
MOMMY
(2014) avec Anne Dorval, Antoine-Olivier Pilon, Suzanne Clément.
Couleurs -
2h10 - format 1:1
o
Des excités et des excitées comme ça, j'en vois tous les ans au collège, et je suis obligé de faire avec, ou plutôt contre. C'est pas pour aller les voir au cinéma. Je laisse ça aux autres. L'avantage, c'est que ça dure qu'un peu plus de 2h.
RépondreSupprimerMais ce n'est pas pour de vrai, c'est de la science fiction... ça se passe en 2015...
RépondreSupprimerAh bon.
RépondreSupprimerIl existe un tel site où vous pouvez facilement trouver et regarder des films https://fullfilmstream.net/ J'ai vraiment aimé le site, vous pouvez vous familiariser avec cette question vous-même
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