Dimanche, dans un mail notre ami Luc remarquait que contrairement à l'an
passé nous n'avions pas eu de R.I.P. cet été. Aurait-il jeté ainsi un
anathème sur l'univers du cinéma et de la musique. Après
Robin Williams et
Lauren Bacall et tandis que je
rédige un solide hommage à
Lorin Maazel, j'apprends que le flûtiste et chef d'Orchestre
Frans Brüggen
est mort hier à l'âge de 79 ans ! Une disparition totalement occultée dans
les médias par celle de l'actrice mythique.
Cet artiste néerlandais ne faisait plus trop le devant de la scène pour
deux raisons. La maladie en premier lieu, et depuis longtemps. Je me
rappelle du chef en 2001 à Paris à la cité de la musique dirigeant la
messe en si
de
Bach. Un spectre maintenu en vie par son frac, assis sur un siège de
contrebassiste. Un beau concert même si les critiques avait assassiné
l'orchestre de Paris
qui officiait en se référant à l'enregistrement légendaire réalisé avec son
orchestre du XVIIIème siècle. Autre chose, déjà éloigné de la scène par sa fragilité, le patrimoine
discographique gravé pour le malheur du musicien chez Philips avait
disparu du catalogue. J'ai souvent souligné la trahison de cette firme
vis-à-vis des artistes de génie qui firent sa réputation, l'âge du "trésor Classique" pour les mélomanes aguerris.
Pour l'histoire
Frans Brüggen
restera l'inventeur de la flûte à bec moderne, instrument autrefois
synonyme de désuétude ou de cacophonie dans les classes de collège.
Né en 1934 à Amsterdam,
Brüggen
étudie la flûte traversière et redécouvre les sonorités allègres de la flûte
à bec dans ses différentes formes. Particulièrement doué, il est nommé
professeur pour ces instruments au conservatoire de la Haye à seulement 21
ans ! Nous sommes en 1955, la
révolution de l'interprétation baroque est en marche sous la houlette de
Nikolaus Harnoncourt
et de
Gustav Leonhardt…
Frans Brüggen
va se passionner pour ce renouveau et va fonder en
1981 son propre orchestre :
l'orchestre du XVIIIème siècle réunissant des instrumentistes jouant sur instruments d'époque ou des
copies, avec un effectif suffisamment
important pour ne pas limiter son répertoire au baroque originel :
Bach,
Haendel,
Rameau, mais permettant de revisiter l'époque classique :
Haydn
et
Mozart
et même le début du romantisme :
Beethoven. Je me rappelle d'un très beau concert au TCE avec au programme
La
Création
de
Haydn
en 1993, un temps où
Brüggen
montrait une pêche communicative…
Frans Brüggen
était un invité actif de formations illustres comme l'Orchestre de l'âge des Lumières
ou encore le
Concertgebouw d'Amsterdam.
Sa discographie était passionnante.
Brüggen
avait remis au goût du jour voire exhumé des œuvres pour la flûte de
Telemann ou
Corelli. Pour l'orchestre son intégrale des
symphonies londoniennes
de
Haydn
sur instruments d'époque reste incontournable mais quasi introuvable (clic). Lors de sa publication, les critiques parlaient de "grandeur et verve colorée" ou encore "…
direction confondante d'intelligence et d'inventivité". On peut encore citer une
messe en si
de
Bach
"décapante", et bien d'autres disques que l'on trouve au gré du marché neuf
ou d'occasion. DECCA se devrait
de rééditer, comme c'est la mode, une anthologie de ces gravures
Philips dont il semble avoir
acquis les droits de publication à des prix réjouissants…
3 témoignages : la
symphonie Héroïque
de
Beethoven
par
l'orchestre du XVIIIème siècle
avec des flûtes à bec et des cuivres naturels sans piston. Un plongeon à
l'époque napoléonienne. Puis de
1967, une vidéo de
l'interprétation de la 3ème fantaisie
pour flûte de
Telemann. Enfin avec un joli son, une sonate de
Corelli
réunissant :
Frans
Brüggen, flûte à bec,
Anner Bylsma
au violoncelle et
Gustav Leonhardt
au clavecin. Un trio de choc !
L'interprétation de la Messe en si a été commentée ultérieurement
(Clic).
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