René Manzor |
En
commençant un thriller policier, je me pose l'éternelle question, à savoir :
est-ce que je ne vais pas avoir l'impression de lire pour la nième fois la même
histoire de serial-killer ? En résumé, un taré qui découpe, éviscère, crucifie
ses victimes ou, plus sophistiqué, change de MO (mode opératoire) à chaque
meurtre. Pour compléter le tableau classique : un flic désabusé, un rien alcoolo,
divorcé ou veuf, usé jusqu'à l'os par les planques dans des lieux putrides et blabla.
Ah, j'oubliais : la minette sortie de l'école de police qui sera prise en otage
mais libérée quelques nanosecondes avant d'expirer. Bref le train train du
sordide. Ok, je caricature. Le livre de René Manzor
suit à la lettre ces schémas mais tisse une intrigue suffisamment originale
pour que je me fende d'un petit billet pour allécher les amateurs du genre qui aiment
les romans palpitants, mais pas trop sophistiqués, les bouquins dits "pour
l'été".
J'ai
été surpris de voir que le cinéaste et réalisateur de téléfilms était aussi
homme de plume. J'avais aimé son film Dédales
avec Sylvie Testud et Lambert
Wilson, film qui nous entraînait dans les arcanes des
personnalités multiples et des faux semblants. Un film à la Cronenberg avec une mise en scène et une
photographie moins abouties que son homologue canadien, mais un bon moment
d'univers mental tortueux.
- Vous savez que René Manzor est le
frère de Francis Lalanne M'sieur Claude ?
- Ah non ma petite Sonia, je dormirai
mieux ce soir…
Je
résume l'intrigue. Londres, de nos
jours. On découvre toutes les 24 heures un cadavre éventré dont tous les organes
ont été soigneusement prélevés, mais pas dans un bloc opératoire aseptisé par un
chirurgien de talent. Non, les crimes ont lieu au domicile du défunt et chaque
meurtrier est vite identifié : un quidam que l'on retrouve errant, couvert du
sang de sa victime, la mémoire en vrac et qui… aimait par-dessus tout SA
victime !? Les bourreaux sont ravagés de chagrin par ce qu'ils ont commis, et sont
devenus amnésiques sur la période des faits. Le moins que l'on puisse dire
c'est qu'ils n'ont rien fait pour effacer les indices et échapper aux forces de
l'ordre. On les interne en psychiatrie… pour démarrer l'enquête...
L'inspecteur
Mc Kenna de Scotland Yard et le Dr Dahlia Rhymes, profileuse du FBI,
spécialiste des crimes rituels, imposée par l'ambassade US qui n'apprécie pas
que la seconde victime soit un ressortissant yankee doublé d'une personnalité
en vue, commencent une enquête difficile où les tueurs semblent autant victimes
que leurs proies de par leurs esprits défaillants. Et puis question évidente :
que sont devenus les organes prélevés. Un troisième personnage entre en scène :
l'avocat haut en couleur Nils Blake
qui va défendre ces assassins étranges et reprendre du service quelques mois
après avoir subi une transplantation cardiaque… Décidément…
Je
ne peux évidement pas vous racontez la suite, mais je dois dire que cette
affaire m'a rappelé l'expression "mais où les auteurs vont-ils chercher tout cela ?".
Les pistes sont étranges : trafic d'organes ? Mais pourquoi un
"voleur" intermédiaire dans des conditions médicales aussi précaires
? Crimes rituels ? Possible, car chaque meurtre est sujet à une mise en scène
en lien avec des rites funéraires différents : chrétiens, juifs, égyptiens, chinois !!
D'une trame classique, René Manzor
nous entraîne-t-il dans le paranormal ? Oui et non. Et s'il y avait un unique
instigateur derrière tout cela, un monstre qui aurait vu Le
Sortilège du scorpion de Jade de Woody
Allen pour concocter une adaptation diabolique… Tss Tss, j'en
dis trop.
Contrairement
à ce que l'on pourrait imaginer en lisant ces quelques lignes, ce n'est pas un
livre gore. C'est moins violent et tarabiscoté qu'un livre de Tilliez et moins malsain que certains Grangé. L'écriture est simple, directe,
chronologique. Oh ce n'est pas non plus la vivacité empreinte d'humour noir
d'un Lemaitre (Alex). Bref, c'est assez
agréable à lire et un beau sujet d'adaptation cinématographique…
René Manzor, comme dans son film Dédales, semble maître des coups de
théâtre les plus inattendus. Comme on dit de nos jours, il nous ballade
jusqu'à l'avant dernière page. Et pour finir, contrairement à mes pochades
introductives, pas de médailles ou de promotions pour la plupart des héros qui
dénoueront l'affaire, mais plutôt la vie éternelle. Petit regret : l'amourette entre Dahlia et Nils pour épicer l'histoire d'une pincée de sexe m'a paru assez inutile. Quoique...
- Mais pourquoi vous avez mis une
gravure d'Osiris M'sieur Claude ?
- Eh bien lisez le livre Sonia, sur
la plage, les doigts de pieds en éventail… Et n'oubliez pas la glacière…
- Heuu oui… pourquoi ?
- Une simple association d'idées…
Le résumé du 1er paragraphe n'est pas si caricatural que ça. C'est une des raisons qui me font délaisser le polar/policier.
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