vendredi 27 juin 2014

THE HOMESMAN de Tommy Lee Jones (2014) par Luc B.



THE HOMESMAN est le deuxième film comme réalisateur du comédien Tommy Lee Jones, dont on avait vu la trogne plissée et renfrognée dans MEN IN BLACK, SPACE COWBOY, DANS LES BRUMES ELECTRIQUES, NO COUNTRY FOR OLD MEN… Son précédent film, TROIS ENTERREMENTS (2005) avait fait sensation, et le Tommy était reparti de Cannes avec une palme pour son interprétation.

Il plante son décor dans les espaces du Nebraska. Et quel décor ! Le générique donne tout de suite le ton, par une succession d’images grands formats absolument somptueuses, magnifiquement composées, à la manière de tableaux contemporains, abstraits, avec des lignes géométriques, des aplats de couleurs. On est en 1855, dans une communauté de fermiers. La vie est rude, pour Mary Bee Cuddy notamment, 30 ans, célibataire, fervente chrétienne, au caractère bien trempée, qui élève ses chèvres, et reçoit parfois la visite d’un voisin. Qu’elle demande en mariage. Pas par amour, mais par nécessité.

L’histoire de ce film est celle des pionniers qui tentent d’investir des territoires. Il faut des terres, mais surtout des familles, des enfants, donc des femmes. Mais trois femmes de la communauté ont sombré depuis peu dans la folie. Les enfants meurent prématurément, ou sont éliminés sur ordre du géniteur parce que sont des filles… Ces femmes ne peuvent rester vivre ici, elles sont un fardeau, et par tirage au sort, Mary Bee sera chargée de les escorter jusqu’en Iowa. 

Alors qu’elle revient de la ville proche, pour emprunter un chariot blindé, elle tombe sur un vieux type en caleçon, pendu à un arbre… George Briggs. Qui la supplie de l’aider. A une condition, qu’il accepte de faire le voyage de 6 semaines avec elle, où il devra la seconder.

On pense assez vite à AFRICAN QUEEN (John Huston) parce que le fond du film sera l’équipage mal assorti de cette femme de principes, et de cet ectoplasme bourru et roublard. Tommy Lee Jones détend l’atmosphère lourde et violente par ses apparitions presque burlesques, ses répliques. Lorsque sa baraque explose, on se croirait presque dans Tom et Jerry, George s’extirpe des décombres le visage noir de suie, comme un clown. Le duo mal assorti part sur les pistes désertiques, et devra affronter la tempête, les indiens, d’autres colons, et surtout, devra maintenir la mission dans une certaine dignité. Les trois femmes, hystériques, ficelées à l’arrière du chariot, deviennent incontrôlables.

Le film se déroule lentement, on pense aux westerns d’Eastwood, et IMPITOYABLE en particulier, mais le rythme ne faiblit pas, et chaque scène, chaque plan est à sa juste place. Aucun remplissage. C’est grâce au montage que Tommy Lee Jones perturbe son récit. L’apparition des quatre fermiers qui veulent le dézinguer, ou des indiens se fait en montage cut, sans transition. On ne sait jamais de quoi la journée sera faite, ni celle du lendemain. C’est ce qui entretient le suspense, la tension tout au long du film.

George Briggs joue son rôle d’homme, éloigne les menaces, veille au feu, uniquement motivé par la prime de 300 dollars. Il est roublard, et Tommy Lee Jones sait y faire en termes de jeu, cynique, désabusé. On pourrait penser qu’il admirerait Mary Bee Cuddy, qu’il l’aimerait même. Mais non. Il y a la scène où Mary Bee remet une fillette dans sa tombe, que les indiens ont profanée pour récupérer les vêtements de la morte (Briggs avait fait la même chose plus tôt, en passant sur une sépulture indienne). Briggs ne peut pas l’attendre, la nuit tombe, il l’a laissée avec un cheval et un peu d’eau, et se tire avec le fourgon. Elle mettra des jours à le retrouver, dans la tempête, vexée, apeurée, affamée, terrorisée par l’expérience. Lui boit son whisky au coin du feu, attendant qu’elle se calme.

Mary Bee Cuddy avait demandé son voisin en mariage, il avait refusé. Elle fait la même proposition à Briggs, pour les mêmes raisons, ne pas vivre seule, mettre en commun les savoirs faire, les économies, les terres. Mais Briggs n’a rien d’un fermier, et une fois les 300 dollars en poche, il compte bien déguerpir au plus vite de ce pays inhospitalier. Briggs est un déraciné, qui ne trouve sa place nulle part, ni dans ce pays, ni sur un lopin terre, ni dans un couple. Un soir Mary Bee elle se glisse dans la couche de Briggs, nue, le suppliant. Pour savoir, pour vivre ça une fois, être une femme aimée au moins quelques minutes. Il accepte, non sans lui faire répéter que hein, c’est elle qui a eu l’idée !!

La suite, je n’en dirai rien, mais un évènement va bouleverser le récit, et contraindre Briggs à s’occuper seule des trois femmes, maintenant dociles, éteintes, ne lui lâchant plus les basques. Il va y avoir cette séquence dans un bel hôtel bleu planté au milieu du désert (image surréaliste), où Briggs demande l’hospitalité, mais sera chassé comme un malpropre. La vie ne vaut guère face à la rapacité d’investisseurs.

Briggs voit l’Ouest changer, l’argent arrive, et Briggs le refuse. La vengeance sera terrible, mais est-ce de la vengeance, ou une manière de stopper ce qu’il n’accepte pas, ou le caractère de Mary Bee Cuddy qui a déteint sur lui. Briggs a repris le flambeau, mais le destin se jouera de lui. Son argent ne vaut rien (dévaluation locale) et ses largesses ne le mèneront nulle part. Le dernier plan, le coup de pied dans la pancarte en bois, sur le bateau, refuse le happy end.

THE HOMESMAN est un grand film de cinéma (à voir en salle, si possible…), un film de grands espaces, de visages, de regards et de silence. Un film où les femmes ont le premiers rôle, c'est rare, et ce n'est que justice, dans un genre souvent machiste. Mais le reflet aussi d'une réalité historique. Certains dialogues auraient pu être supprimés, tant les images parlent d'elles mêmes. Un film truculent et amusant parfois, tragique et violent à d’autres, mais jamais larmoyant (et pourtant y'a de quoi !), lorsqu’il s’attache aux destins domestiques des femmes. Comme ce travelling de nuit, sous la neige, avec cette femme qui marche vers des toilettes un nourrisson dans les bras. La scène où une des femmes s’échappe, est aussi pleine de tension sourde. Tommy Lee Jones et Hilary Swank sont impeccables, elle, très habitée par le rôle, on croise aussi James Spader (avec 100 kg de plus…) et John Lithgow (habitué de chez De Palma) et Meryl Streep. Et ce grand et beau film est produit par… Luc Besson. Ah bon sang, ça m'a plu ! Ca fait plaisir, du cinoche, du vrai !

THE HOMESMAN (2014)
Couleurs  -  1h55  -  scope 2:35 
      


3 commentaires:

  1. Tuco ne méritait-il pas une petite nécro?...

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  2. Oh oui, elle d'ailleurs elle est prête, programmée en fin d'après midi !

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  3. J'ai récemment lu le livre qui a servi à Tommy Lee Jones pour faire son film, "Homesman" de Glendon Swarthout , superbe ouvrage et je me dis que si le film est à la hauteur du bouquin...!!

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