© Jean-Baptiste Millot pour Qobuz.com
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- Mais… M'sieur Claude, il n'y a pas de nom d'œuvre indiqué dans le titre
de cette chronique ?!
- Non Sonia, en effet je commente toujours une partition dans une
interprétation de référence, ce qui exclut de parler de certains grands
artistes…
- Mais M'sieur Claude, s'ils n'ont pas signé de référence, c'est qu'ils
ne sont pas si grands que ça… je ne vous suis pas bien…
- Si, mais moins médiatisés, exemple Jean-Claude Casadesus, une vie
dédiée à servir un orchestre de qualité mais absent du star system !
- Ah, j'y suis, vous allez nous parler d'un homme et de son travail à
travers sa discographie en général…
- Vous voyez quand vous voulez… hihihi...
L'industrie du disque est impitoyable ! Il semble parfois que seuls les
orchestres allemands et américains ont droit de cité chez les grands labels
comme Dgg ou
DECCA. Il en est de même pour
certains chefs d'orchestre qui monopolisent la une des discographies, qu'ils
soient morts et devenus légendes, de
Furtwängler
à
Reiner
en passant par
Karajan, ou vivants comme le français
Pierre Boulez
ou le jeune vénézuélien
Gustavo Dudamel. Loin de moi de contester le talent, voire le génie de ces musiciens,
mais… et les autres ?
Il y a quelques semaines j'avais parlé du discret chef français
Jacques Mercier
à propos de ses enregistrements passionnants des symphonies de
Théodore Gouvy
avec divers orchestres peu connus mais de grande qualité. Cette semaine, ce
billet sera dédié à
Jean-Claude Casadesus
pour l'ensemble de sa carrière et de ses disques…
Sonia a donc raison de s'interroger. Pourquoi toujours entrer dans une
chronique par la porte de l'œuvre d'un compositeur, et ne parler d'un grand
interprète que le jour de sa disparition, dans un RIP un peu bref ? Et c'est
en voyant la comédienne
Giselle Casadesus l'autre soir
sur A2 fêter ses 100 ans que j'ai eu l'idée d'écrire un article sur son
grand chef d'orchestre de fils :
Jean-Claude Casadesus, son fiston de… 78 ans. Et c'est important d'en parler maintenant, car cet
homme qui a tant fait pour la musique à Lille et en France quittera la
direction de
l'Orchestre National de Lille
en 2015, après près de 40 ans
de bons et loyaux services.
Jean-Claude Casadesus
est né en 1935. Il est membre
d'une lignée d'artistes si nombreux que je vous renvoie à un article
spécialisé (clic). Une lignée qui remonte au XIXème siècle. Pour les mélomanes,
signalons qu'il est ainsi parent du célèbre pianiste
Robert
Casadesus. La vocation de chef d'orchestre semble avoir été tardive et ne se réalise
que par l'apprentissage initial d'un instrument. Un peu tard pour le piano
ou le violon… ce sera les percussions. Un percussionniste fort doué, premier
prix du Conservatoire de Paris puis timbalier solo dans divers orchestres et
surtout au
Domaine
Musical
de
Pierre Boulez. Et les timbales, ça paraît simple, et ce ne l'est pas ! Il se fera
remarqué dans la
9ème de
Beethoven
à ce pupitre, et ceux qui ont le scherzo en tête verront ce que je veux
dire. La direction d'orchestre
sera étudiée avec
Pierre Dervaux
et
Pierre Boulez.
Dès 1965, il dirige les
orchestres de l'opéra comique et de l'opéra de Paris. Sa carrière de chef
est lancée. C'est en 1976 que
Jean-Claude Casadesus
crée
l'Orchestre National de Lille
dont il assure toujours la direction. Il fait de cet orchestre ch'ti une des
meilleurs phalanges de France avec un répertoire étendu et parfois difficile
(Mahler). Je l'ai entendu vers
1980 au Festival de Saint-Denis
dans le
Requiem Allemand
de
Brahms, un bon souvenir, une direction aérée dans un ouvrage qui peut paraître
parfois trop romantique. Parallèlement à ce travail de fond à Lille, il est
invité à diriger des orchestres de rang international prestigieux :
Londres,
Vienne,
Dresde,
Leipzig,
Philadelphie,
Berlin… n'en jetez plus !
Pour faire connaissance d'un artiste, découvrir ses péchés mignons, il
devrait suffire de parcourir sa discographie. Avec
Jean-Claude Casadesus
ce n'est pas évident car le maestro a surtout enregistré pour des labels qui
ne maintiennent pas très longtemps leurs parutions au catalogue. Ainsi
Forlane pour
Mahler.
Jean-Claude Casadesus
et
Mahler
: réussir à se distinguer dans la pléthore et le best of des enregistrements
mahlériens enregistrés à
Vienne,
Berlin,
Chicago, etc… n'est pas simple. Et pourtant à l'écoute des albums gravés pour
Forlane, on sera surpris du souci de mise en place, de la clarté du
discours. Bon ok, c'est ni la folie de
Bernstein
ni la poésie de
Giulini
dans la
1ère symphonie, mais celui ou celle qui découvrirait cette grande symphonie par cette
gravure ne serait pas piégé ou trahi et pourra découvrir et aimer les
étrangetés sonores du compositeur viennois ! Même dans le tonitruant et
dionysiaque second mouvement de la
5ème, on est surpris par l'aisance de l'orchestre de Lille, la chaleur du solo
des cors.
Jean-Claude Casadesus
et
Debussy
: j'ai basculé du vinyle aux CD seulement dans l'année 1993 ! Mon
premier disque
Debussy
fut
La Mer et les Nocturnes
par
l'orchestre National de Lille paru en 1994. Un enregistrement
Harmonia Mundi plébiscité par
la critique alors que la concurrence était rude du fait d'une discographie
établie (Monteux,
Munch,
Tilson
Thomas,
Boulez
I & II, et tant d'autres). La musique expressionniste de
Debussy, l'usage des sons diaphanes des gammes tonales, la subtilité de
l'orchestration permettent d'évaluer sans ambiguïté l'investissement d'un
orchestre et la rigueur de son chef. Les couleurs de l'orchestre de Lille
sont franches et soyeuses, la mise en place parfaite et le discours bien
délié. De plus ce disque bénéficie d'une prise de son transparente. La
réédition s'impose ! Cet album proposait en complément
la damoiselle élue, un poème lyrique rarement enregistrée, ce qui m'offre sur un plateau mon
enchaînement…
Jean-Claude Casadesus
et les découvertes :
Jean-Claude Casadesus
aborde tout les répertoires : classiques, romantiques et contemporains. Il
n'hésite pas à exhumer des ouvrages oubliés. Et de citer sa gravure de
Clovis et Clotilde, la cantate du Prix de Rome d'un jeune
Bizet
de 19 ans (1857). Souvent les cantates du prix de Rome ont le même
avenir que les copies de Bac : la poubelle ! Ici, le sujet "la reine Clotilde va réussir à convertir son époux Clovis au
christianisme" a tout pour confirmer un tel avenir. Pourtant au-delà du livret
académique fourni au candidat, le
Bizet
des
Pêcheurs de Perles
et de
Carmen
est déjà présent par la fougue et l'originalité de l'orchestration.
D'ailleurs, le compositeur reprendra des éléments dans ses œuvres
ultérieures.
Jean-Claude Casadesus
ressuscite avec brio cette œuvrette qui mérite plus que l'oubli. Un CD
Naxos pour les amateurs d'art
lyrique. Également chez Naxos,
Jean-Claude Casadesus
a enregistré des œuvres concertantes de
Francis Poulenc et c'est un concert en live proposant le
Gloria de ce compositeur avec
Barbara Hendrix que je vous propose d'écouter avant la
symphonie N°2
de
Mahler. Une gravure de 2015.
Et en complément des compléments :
La mer
de
Claude Debussy
dans une interprétation bien accueillie au sein d'une discographie
pléthorique !
Une rareté, pour le moins : La cantate Clovis et Clotilde du Prix de Rome. Comment une certaine Clotide convertit au
christianisme le roi Clovis.
pour l'ensemble de la carrière de Jean-Claude Casadesus
Clovis et Clotilde |
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Gloria |
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pour l'ensemble de la carrière de Jean-Claude Casadesus
Eh bien ça y est. La transmission de baguette a eu lieu durant les concerts du 29 et du 30 septembre. J'étais à celui du 30. Alexandre Bloch, 30 ans a repris les rênes de l'ONL. Il nous a gratifié d'une intégrale de l'Oiseau de feu absolument superbe après avoir mis le feu au Nouveau Siècle en interprétant avec Radulovic, le concerto de Katchatourian, qui n'est pourtant pas mon compositeur de chevet.
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