Mince alors ! J'ai failli passer à côté. Si seulement j'avais su plus tôt que ce S.U.N. là, avec sa pochette à l'artwork ambiance Stoner, était en fait le nouveau groupe de Sass Jordan. Pourtant, Sonia me l'avait bien déposé sur le bureau... mais je ne sais pourquoi je ne l'ai pas écouté (j'me méfie des choix de Sonia). J'avais bien prêté une oreille distraite à un de leurs titres, "Nomad", que j'avais trouvé sympathique mais sans plus, et je n'avais alors pas poussé plus loin la curiosité. Grosse erreur, car après de longues errances dans des terres plus soft, Sass Jordan - Gagnante du prix Billboard pour la meilleure chanteuse rock - est revenue à un Rock franchement bien plus mordant et coriace. Depuis "Rats", elle avait progressivement édulcoré sa musique qui baignait à l'origine dans un Blues-rock épais, groovy et viril (ben oui). L'absence de plus en plus prononcée de Stevie Salas n'ayant fait que renforcer cet état. Toutefois, il convient de préciser qu'elle ne s'est jamais enlisée dans le sirupeux, son rock soft ayant toujours gardé du caractère. Mais, franchement, cette voix, éraillée et volontaire, coincée entre Kim Carnes, Sammy Hagar, Maggie Bell, Nicoletta et Paul Rodgers, ne paraît jamais autant s'épanouir qu'avec du dirty Rock'n'Roll. Non, objectivement, elle s'en sort aisément quelque soit le registre abordé, mais ne plus l'entendre se lâcher dans de saines vibrations purement Heavy, cela relève du gâchis, comme pour un don inexploité.
La voilà donc de retour avec du rustaud, du couillu, du velu, du trépignant, du lourd comme jamais auparavant. Et cela, grâce à l'impulsion du jeune batteur qui l'accompagnait déjà lors des albums "Rats" et "Racine" - ses deux meilleures réussites commerciales et les deux plus sincèrement Rock ; d'un Rock plutôt Heavy, largement teinté de Hard-Blues et de dirty Funk estampillé Stevie Salas ou Richie Kotzen -.
Ce batteur n'est autre que Brian Thomas Tichy. Oui, le Brian Tichy qui a participé au come back inespéré de Billy Idol, qui a accompagné Stevie Salas pendant près de 7 ans (ou plus), Nicklebag y compris (1), ainsi que Gilby Clarke, George Lynch, Derek Sherinian, et même Kenny Wayne Sheperd (2), à l'éphémère et néanmoins excellent Pride & Glory (avec Zakk Wylde), à Foreigner, à Slash's Snake Pit, et, Whitesnake qu'il a quitté pour ce nouveau projet.
(Et Tichy tient à préciser que son départ n'a rien à voir son accident - de vélo en montagne - , ou avec l'opération qui en résulta).
Brian Tichy avait sous le coude de la matière brute à exploiter. Afin de la concrétiser, il lui fallait monter un groupe qui correspondrait à ses attentes. En ce sens, on peut subodorer qu'au regard de sa carrière, qui l'a amené à côtoyer des musiciens réputés et talentueux, le gaillard doit être exigeant.
L'opportunité commence à se concrétiser en 2010, lorsqu'il retrouve Sass Jordan, et qu'ils composent ensemble quelques chansons (certainement pour un disque solo de Sass). En 2011 l'expérience se renouvelle et, d'après lui, les nouvelles compositions sont tellement imprégnées de leur personnalité respective qu'il était désormais évident de fonder un groupe.
Ainsi Sass et lui-même partent pour une nouvelle aventure qui baignerait dans un Heavy-Rock écartelé entre un Revival 70's brutalisé et d'autres choses plus groovy ; quelque chose que Brian définit comme un avorton de Led Zeppelin, James Brown et Meshuggah. Mouais... il y va un peu fort là, quoi qu'il y ait un peu de ça. Mais bon, sincèrement c'est un peu pousser dans les extrêmes et les comparatifs racoleurs.
S'il a quitté un certain confort que lui offrait Whitesnake, ce n'est pas pour se cacher à nouveau derrière son kit de batterie. Non, désormais, il arpente fièrement la scène, guitare en bandoulière, libre de se déplacer où bon lui semble (ou presque) ! Et attention, il n'a rien d'un apprenti. En fait, parallèlement à la batterie, il a toujours joué de la guitare (depuis l'âge de douze ans), de même qu'il a toujours composé (3), et il a toujours souhaité avoir son groupe. Donc, il ne s'agit nullement d'un caprice ou d'une lubie, mais bien d'un projet mûrement réfléchi. Quelque chose de latent qui devait bien finir par prendre forme un jour ou l'autre.
Toutefois, si Brian a troqué son rôle de batteur contre celui de guitariste, foulant désormais les planches armé d'une pelle du genre Gibson (4), en studio il n'est pas question qu'il laisse quelqu'un d'autre le faire ce qu'il sait si bien faire lui-même. Donc, la batterie sur disque, c'est lui. Et cela s'entend, ça cogne dur.
Sur scène, c'est Tommy Stewart (5) qui gère les tambours, caisses, cymbales et autres percussions.
Le groupe est fondé dans le courant de l'année 2011, en récupérant au passage Michael Devin, l'actuel bassiste de Whitesnake, déjà présent pour Forevermore. (clic) (Devin par contre joue la sécurité en restant lié avec le groupe de Coverdale). Le collectif ne précipite pas les choses, et il faudra un petit peu plus d'une année pour qu'une première galette soit dans les bacs, au début de l'année 2013.
S.U.N. décide de ne pas ménager l'auditeur en le saisissant à la gorge dès le premier tir, le surprenant par un uppercut avec "Burned". Un titre burné (ouais, je sais, facile), un boulet de canon chauffé à blanc, fracassant tout sur son passage. Sass chante à gorge déployée enterrant les Doro, Mia Coldheart, Cherie Currie, Lee Aaron, Bonnie Tyler, et autres Courtney Love. Bien que sa voix se casse dorénavant lorsqu'elle la pousse trop dans les aigus, échappant parfois in extremis à la fausse note, elle a gardé toute sa morgue, son assurance et une rugosité naturelle qui la rapprocherait plus des chanteurs mâles à la voix légèrement râpeuse. A cette voix d'acier brut, répond un riff issu d'une messe noire entre Deep-Purple, Black Sabbath et Led Zep, soutenu par une batterie bestiale et une basse lourde et agile. C'est "in your face" ! Et Brian Tichy balance un bon solo de guitare wah-wah -certes court et concis - mais parfaitement exécuté (ben alors, il ne sait pas que frapper comme un sourd sur des peaux ?). Sass conclut par un rugissement à faire perdre ses poils à Shere Khan. Comme ça c'est clair, on sait d'entrée où on va : Sass & Brian ne sont pas là pour faire les choses à moitié. Ils se donnent à donf ! Un titre que l'on rapprocher du "Still of the Night" de Whitesnake.
"Crazy Head" maintient un régime moteur élevé, dans le rouge, avec un chant conquérant et péremptoire qui compense une légère perte d'agressivité. Une composition qui devrait faire saliver d'envie l'ogre Leslie West.
"Nomad"... de prime abord, ce titre m'avait laissé une impression mitigée, me dissuadant même d'aller voir plus loin... Alors que dorénavant, il me semble faire partie des moments forts (qui sont nombreux d'ailleurs). Un mixte de Budgie et de Buffalo mis à la tonalité musicale du XXIème siècle. Un tempo lent et lourd porté par un riff tournant et omnipotent pré-Stoner, nimbé de relents psyché Blues sulfureux biberonné à la fuzz Big Muff. Avec un break furieux intronisé par une basse sonnant la charge, entraînant à sa suite une horde frénétique et galvanisée. Le genre de titre qui vous transporte dans des dimensions parallèles dès que vous montez le son de façon conséquente - ça vibre -.
"Did Me no Good" envoie direct dans le Heavy-Funk en mode "rentre-dedans" estampillé Stevie Salas ! Brian en profite pour démonter son kit de batterie à coup de patterns appuyés et diaboliques. Cotte de maille plutôt que dentelle. Quelle frappe ! C'est la souplesse de Brian Downey alliée à la frappe de John Bonham. Par contre, le chant de Sass ne se présente pas sous ses meilleurs jours (bien qu'il reste au dessus du lot) en essayant de marcher sur les traces de Glenn Hughes,
Jusqu'alors, irrévocablement, S.U.N. mérite largement les chaudes couleurs affichées sur la pochette. Néanmoins, "Mobile Again" tempère l'expansion d'un Rock cinglant en retrouvant les ambiances propres aux précédents disques de la dame ; surtout celui de "Present". C'est une bien sympathique chanson Pop-rock, un peu paresseuse, portée à bras-le-corps par une basse et une guitare funky. Tiens !? Là ! Ce bref solo... il l'a piqué à Rick Nielsen (sur Special One) !
"I'm The One" flirte sans pudeur avec Aerosmith, et plus précisément celui de la période "Pump !". Brian double, triple même ses pistes de guitare. Cette chanson a été classé 29ème dans le classement des 50 meilleures chansons de 2013 par le magazine anglais Classic Rock.
"If I Was You" est une pièce pop-rock, alternant entre des mouvements évanescents et d'autres plus propices à un Rock-héroïque (oui le terme est plutôt ronflant et désuet, mais cela permet de mieux situer). Alors que les quatre premières salves donnent l'image d'un collectif d'hargneux prenant un sadique et malin plaisir à envoyer les watts sans se soucier des dommages collatéraux, on découvre par la suite qu'il sait varier les plaisirs, qu'il ne s'enferme pas dans un moule. Et apparemment, il est autant à l'aise dans le brutal que dans le soft (et sans laisser place à une quelconque mièvrerie).
Brian s'offre un petit plaisir solitaire en succombant à la tentation de l'instrumental, ou plutôt du pur solo épique, sans aucun soutien (le complexe "Eruption" perdure). Exercice amusant qui semble essentiellement être là pour permettre à Brian de démontrer l'étendue de ses capacités (un exercice qui généralement passe bien mieux en concert qu'en studio). Toutefois, il s'en tire assez bien, même s'il ne peut rivaliser avec les maîtres du genre. Certainement la partie la plus dispensable de la galette.
"Razed"... mouais... en dépit d'un bon début, cela paraît ramer ; Sass s'évertue à chanter un peu hors du temps et est à la limite d'en faire un peu trop par rapport à l'instrumentation ; à moins que cela ne soit l'orchestration qui ne soit pas en total symbiose avec le chant.
"Wide Ocean" débute dans une ambiance folk dépouillée, mais se pare doucement de sensations plus rugueuses et électriques.
Ces trois précédents titres représentent le creux de la vague, le maillon faible ; sans être mauvais pour autant, c'est quelque peu éculé et sans éclat. Cela se laisse écouter mais c'est vite oublié.
"No Way Home" redresse promptement la barre. Un harmonica qui peine à retrouver son souffle, une batterie qui trébuche ? Brian balance un riff et tout reprend sa place. L'harmonica, joué par Michael Devin (il nous avait bien caché ça, le garnement), pourrait avoir fait ses classes auprès de Robert Plant (avec un solo qui pique quelques phrases à "When the Leeve Breaks"). Mais plutôt que de faire totalement référence au Dirigeable, cela baigne gaiement dans la potion d'un Sammy Hagar en pleine jeunesse (période "Danger Zone", "Street Machine" et "Live 1980").
"Something Unto Nothing", la chanson-titre, paradoxalement, n'a rien à voir avec le Rock dur des premières pièces ou de la précédente. Au contraire, ce serait un subtil mélange entre Heart et America, avec un penchant plus marqué pour ce dernier dans la première partie. Le ton durcit progressivement sans jamais passer la limite qui le transformerait alors en torride Hard-Rock. Même si, un instant, Brian, fébrile, ne peut s'empêcher d'envoyer un riff carré (100% power-chord), plus, à la batterie, quelques patterns de psychopathe à la Keith Moon. Le solo est joué dans la pure tradition de la power-ballade de Heavy-rock avec les bends larmoyants de rigueur. Une franche réussite, la pièce maîtresse. Assez amusant dans le sens où c'est la composition la plus calme qui baptise le groupe, alors que la grande majorité des chansons présenterait S.U.N. plutôt comme un pur rejeton des forges d'un Heavy-Rock torride et belliqueux.
En final, "Goodbye" ("I don't wanna leave, but I got to say good bye. If I could give you the world than I would certainly try."), courte chanson de fin, de clôture, d'"au-revoir". Confirmation du retour au calme confirmé par la piste précédente.
Certaines compositions auraient pu aisément squatter les ondes nord-américaines si ces dernières n'étaient pas infectées par la muzak et le Rock convenu. Quelques années en arrière, leur succès aurait été assuré, mais aujourd'hui, cela est bien moins sûr.
(1) le duo formé par Stevie Salas et Bernard Fowler.
(2) sur le disque le plus Rock et le moins intéressant du blondinet : "The Place You're In"
(3) ce qui a bien servi Billy Idol pour son album du retour, l'excellent "Devil's Playground" où Brian a co-écrit neuf pièces sur quatorze ! Et non des moindres
(4) Le matos de Brian : Gibson SG, LesPaul et Explorer, Dean ML et amplis Marshall JCM 800 et tête Peavey 5150.
(5) Tommy Stewart est plus généralement assimilé à la scène de Metal Alternatif avec des groupes comme Helloween, Lo-Pro et Godsmack Il a aussi joué avec Lilian Axe, Fuel et Rusty Wright Blues.
Sacrée voix, en effet. Bien aimé la vidéo où le batteur joue avec des branches...C'est parce qu'il est dur de la feuille, sûrement.
RépondreSupprimerNon, je ne suis pas un robot, non, je ne suis pas un robot, non...
RépondreSupprimerBon Ok : tu n'es pas un robot, Nonyme.
SupprimerMais quel-est donc alors ton petit nom, heingue ? Ne sois pas timide.
Ça y est, j'ai trouvé comment mettre mon nom!
RépondreSupprimerHa ! Shuffle ! Je m'en doutais !
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