- B'jour M'sieur Claude… je suis curieuse… Tiens, de nouveau des quatuors
après celui de Dvořák
il y a quelques semaines…
- Oui Sonia, un trio de quatuors français (je suis content de cette
figure de style), mais j'ai un petit regret…
- Ah !!!! Lequel ?
- l'Arcanto Quartett est un quatuor composé de solistes de renommée
internationale qui aiment jouer ensemble, et on trouve peu d'exemple sur
Deezer…
- Oh, là, je vous fais confiance pour votre choix, et puis vous nous
donnerez surement quelques exemples par d'autres bons artistes…
- Bien entendu, les amateurs de cordes devraient apprécier, enfin
j'espère… Ce disque a reçu un diapason d'or, un choc Classica, un ffff
Télérama, le must !
Parlons tout d'abord de l'Arcanto Quartett.
- Heuuu oui Sonia… une question ?
- La jeune femme à droite, avec un alto, me dit quelques choses, vous
n'en auriez pas déjà parlée ?
- Bravo mon petit, c'est Tabea Zimmermann, une altiste qui tenait la
partie soliste d'Harold en Italie de Berlioz dans le CD de Colin Davis
commenté le mois dernier (clic).
Cette remarque pertinente me permet de présenter cet ensemble et ce qui le
caractérise. Les quatre artistes qui le composent sont de grands solistes
qui mènent des carrières indépendantes, tant dans des ensembles de chambre,
que lors de concerts comportant des concertos pour leurs instruments
respectifs. La création de
l'Arcanto quartett
est le fruit d'une décision collective de 2002, date à laquelle ces
musiciens ont décidé de se réunir pour former ce quatuor. Je ne présente pas
Tabea Zimmermann, l'altiste, qui a déjà fait la une du blog.
Antje weithaas, premier violon, est d'origine allemande. Comme ses camarades, elle
pratique le grand répertoire concertant accompagné par les meilleurs
orchestres de la planète. Par ailleurs, elle s'est érigée en ardent
défenseur de la musique contemporaine, notamment de
Schnittke,
Gubaidulina
et l'anglais
Michael Tippett.
De la même génération que ses complices, le français
Daniel Sepec
est un spécialiste du violon baroque. Une passion qui lui a permis d'obtenir
le poste de premier violon de l'ensemble
Balthasar-Neumann
dirigé par
Thomas Hengelbrock. Je vous reparlerai un de ces jours de ce chef qui a gravé à mon sens la
meilleure
Messe en
si de
Bach
sur instruments anciens. (J'en vois qui sourcillent, mais ce n'est pas le
sujet du jour.)
Canadien d'origine et également jeune quadra, le violoncelliste
Jean-Guihen Queyras
est le prince de l'éclectisme : soliste de l'ensemble intercontemporain créé
par
Pierre Boulez, interprète talentueux du répertoire baroque, et enfin professeur au
conservatoire de Stuttgart ! Dans sa très belle discographie, son
enregistrement des suites de
Bach
a fait un tabac mérité !
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À la grande joie de Rockin' et Luc, le nombre d'articles "classiques" déjà
écrits permet de limiter la biographie des compositeurs retenus pour ce
disque. Donc RDV avec :
Maurice Ravel
:
Le boléro et autres danses
(clic) ;
Daphnis et Chloé
publié il y deux semaines (clic).
Henri Dutilleux. Le compositeur français nous a quittés cette année à un âge plus que
vénérable, et je vous renvoie au
RIP
qui lui a été consacré (clic).
Claude Debussy
:
La Mer
dirigé par
Michael Tilson Thomas
(clic) et le
premier cahier des préludes
sous les doigts du pianiste
Nelson Freire
(clic).
Ce qui est assez étrange, c'est que ces trois grands composteurs français
ont composé un, et un seul quatuor pour cordes. Il y a en France comme une
timidité à composer pour cette forme face à la prolifique et géniale
production germanique et slave ; et de citer :
Haydn,
Mozart,
Beethoven,
Dvořák,
Chostakovitch
et j'en oublie surement… D'ailleurs à ces trois compositeurs français
majeurs, on peut ajouter le quatrième :
Gabriel Fauré
qui lui aussi a conclu sa carrière par un ultime et unique quatuor (1923)
!
Trois œuvres, trois enfants uniques, mais quelle perfection dans ces
partitions…
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Claude Debussy : Quatuor
Comme je l'avais écrit dans les articles précédents, le style de
Debussy
épouse les courants symbolistes et impressionnistes de son époque. Son
quatuor composé en 1893 à
l'intention du célèbre
quatuor Ysaïe
montre aussi le souci de
Debussy
de moderniser la forme. Certes on trouve les quatre mouvements usuels mais
les notations des tempos ne font pas appel au vocabulaire italien de mise.
Non !
Debussy
préfère suggérer les climats à respecter : 1 - Animé et très décidé ; 2-
Assez vif et bien rythmé ; 3 - Andantino, doucement expressif ; 4 - Très
modéré - Très mouvementé.
Quant à forme sonate et à la tonalité,
Debussy
n'en a cure. Dès le premier mouvement, le musicien nous éblouit
à l'aide d'une lanterne magique "sonore" aux mouvements lestes et aux
couleurs chatoyantes. Les facéties du vent ? Le jeu des feuilles mortes ?
Ou… mystère. Les gammes tonales et pentatoniques et leurs sonorités étranges
sont à l'honneur. Les paysages, les personnages et les sentiments
s'entremêlent comme dans un tableau de
Manet ou de
Renoir. [5'20] Quelques notes
de sensualité que seul
Debussy
semblait savoir nous faire partager. Pas de thèmes ni de forme sonate, non
plutôt le recours à un leitmotiv voluptueux qui nous enveloppe, nous guide
dans ce dédale musical à la fois poétique et couillu. Loin de tout effet
vaporeux et maniéré,
Arcanto
virilise et enchante cette page avec jeunesse et passion.
Le second mouvement et ses pizzicatos violents suggère des jeux
d'adolescents, une soirée festive.
Arcanto
avec un staccato précis nous invite à ces flirts ludiques (vision très
personnelle du Toon, à chacun de rêver). Les longues et douces phrases de
l'andantino nous caressent.
Arcanto
avec son jeu pur et sans fioriture trouve le ton parfait de
l'onirisme.
"Le calme avant la tempête", une expression idéale pour définir le
final. Encore une écriture épique et virevoltante qui nous rappelle
les fantaisies de
la Mer
ou de
Jeux. Un modernisme qui dérouta à l'époque. Une interprétation
vibrante...
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Dutilleux : Quatuor "Ainsi la Nuit"
Dutilleux
qui travaillait très longuement à murir ses œuvres a composé son quatuor
entre 1971 et
1976 pour répondre à une
commande de la Fondation
Koussevitzky.
Les musiques de
Debussy
et
Ravel
appartiennent à la musique "pure", les images ou émotions qui en surgiront
dans notre psyché dépendront de nos sensibilités et fantasmes les plus
intimes. Avec
Dutileux, Nous quittons totalement le monde classique encore en filigrane chez
Ravel
et
Debussy.
"Ainsi la Nuit"
pour quatuor à cordes comporte 7 parties dont 4 d'entre-elles sont
subdivisées en une "parenthèse" de quelques mesures, parenthèse suivie d'un court mouvement. C'est une musique à programme inspirée par le
thème de la nuit, des constellations, de la méditation face à un ciel étoilé
ou de l'angoisse de l'obscurité… Il émane une fascinante poésie de la
partition bien que celle-ci repose sur des recherches autour des relations
entre les timbres et d'autres notions de solfèges qui me dépassent
complètement. (La
théorie des Unités Sémiotiques Temporelles, ça vous dit quelque chose !? -
Clic) Dutilleux était un chercheur, un visionnaire, mais avant tout
un musicien.
On reconnait le compositeur symphoniste dans le traitement très particulier
appliqué au tissu sonore du quatuor. Là où habituellement les cordes
fusionnent dans des mélodies complices,
Dutilleux
impose un discours orchestral concertant quasi conflictuel. L'œuvre est
d'une exécution difficile dans le sens où chaque protagoniste semble jouer
sa partition soliste, en concurrence avec les autres instrumentistes.
Bien au-delà de la complexité sous-jacente de l'écriture, dès les premières
mesures, un climat étrange et animé, plutôt joyeux se dégage. La richesse
polyphonique est amusante : des pizzicati par ci, des glissandi par là. Le
premier mouvement s'appelle Nocturne. Et il est vrai que l'ambiance rêveuse
et secrète obtenue peut faire penser à une promenade dans la fraîcheur de la
nuit où, le visage relevé et interrogateur, on cherche à identifier telle
planète ou étoile, telle constellation… L'interprétation au scalpel
(techniquement indispensable) trouve sa réelle beauté dans la qualité des
timbres des quatre instrumentistes du
quatuor Arcanto. Il y a la fois une compétition et une complicité d'une extrême clarté.
Dutilleux
à trouvé ses interprètes, c'est évident… L'œuvre comporte 7 mouvements (7
vidéos enchaînées).
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Maurice Ravel : Quatuor
Le compositeur basque écrit son quatuor en
1902. C'est jeune (27 ans) par
rapport à une règle non écrite qui consiste à penser que la forme quatuor
demeure un exercice difficile à maîtriser avant la maturité. Il est dédié à
Gabriel Fauré
qui fut presque irrité que le jeune homme s'écarte des conventions dans
l'écriture de son œuvre.
Ravel
pensa apporter des retouches mais
Debussy
enthousiasmé par la hardiesse de
Ravel
l'abjura de n'en rien faire…
On l'aura compris, comme tout génie avant-gardiste,
Ravel, à l'instar de
Debussy, a innové dans cette œuvre. La musique de chambre de Ravel est restreinte
contrairement à son travail sur l'orchestre (les ballets) et bien sûr le
piano. On retrouve aussi ici des indications très claires pour les tempos :
1 - Allegro moderato ; 2 -
Assez vif. Très rythmé ; 3 -
Très lent ; 4 - Vif et agité.
Hormis le premier mouvement qui fait songer à une forme sonate, l'écriture
est tout à fait originale par l'usage de thèmes cycliques qui structurent le
flot musical, flot très libre, plutôt lent et tendre. Seul le final
apportera une certaine vigueur. Bien qu'il s'agisse d'une œuvre de musique
pure, plus moderne encore que
le quatuor de
Debussy, il n'est pas interdit d'évoquer images et émotions.
L'écoute de l'œuvre m'a toujours inspiré la chaleur et les lumières d'un
été. Le premier mouvement échange des sensations estivales, des
senteurs de fleurs, une torpeur favorable à la détente. Le développement,
plus fougueux ne ferait-il pas songer à un vent descendant des monts
pyrénéens. (Je vais faire marrer les musicologues officiels.) Ce mouvement
comporte une reprise, ultime lien avec la tradition. Le quatuor
Arcanto
équilibre les quatre voix avec lyrisme, c'est très subtil et fouillé.
Le "scherzo" est placé en seconde position. Les pizzicati se ruent
dans une danse exaltée. Le trio est une cantilène voluptueuse.
Le 3ème mouvement fait songer à un après-midi de repos, le
regard errant dans le clair-obscur des lumières méridionales, l'âme
somnolant dans la sereine moiteur quasi charnelle apportée par les rayons du
soleil. Le quatuor
Arcanto
évite toute langueur sirupeuse, c'est divin avec un soupçon de
nostalgie…
Le final nous sort avec furie de ce passage paisible. Le quatuor danse.
C'est là que l'on mesure tout le talent des quatre instrumentistes. Le
legato est parfait de lisibilité à la limite du staccato mais sans jamais
risquer la dureté. La dynamique n'est pas en reste pour énergiser ces trois
quatuors "haut de gamme". Un disque d'anthologie dans ce répertoire !
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Quelques extraits des quatuors de
Debussy
et de
Ravel
par le jeune
Quatuor Ebène
créé en 1999 et qui a obtenu une victoire de la musique en 2010. C'est
élégant mais je préfère, notamment dans
Debussy
la fougue et la clarté du phrasé de
Arcanto Quartett. L'album du
quatuor Ébène comporte également le quatuor de
Gabriel Fauré. Un disque de très grande valeur et qui permet de nous quitter en musique…
(5,5 /6)
Je vous propose pour faire connaissance avec
Dutilleux
une interprétation en vidéo du , un ensemble de qualité. Bon, j'aurai aimé plus de nerf et d'élégie, mais
pour une découverte, c'est de bon aloi… C'est tout à la fin de
l'article...
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Les trois quatuors :
Quatuor de Dutilleux :
- Nocturne I
- Miroir d'espace
- Litanies I
- Litanies II
- Constellations
- Nocturne II
- Temps suspendu
Debussy et Ravel bien sur ! Mais associé à Dutilleux, je ne pense pas que le choix soit judicieux; Tu as collé un Bartok après, Voila un compositeur qu'il faudrait parler, "Le mandarin merveilleux", le "Concerto pour orchestre" ect .. ! Sinon le quatuor de Debussy est magnifique !
RépondreSupprimerC'est vrai Pat que le quatuor de Fauré aurait pu être un choix plus cohérent mais le timing d'un CD ne le permettait pas. Et puis cela permet d'intercalé une œuvre dans un registre différent, un entracte...
RépondreSupprimerHeuuu dis donc !
J'ai consacré deux articles à un album Bartok par Solti l'an passé... 7500 mots en deux épisodes pour un seul CD : le "concerto pour orchestre" en premier et "la musique pour cordes percussions et célesta" en deuxième semaine. Et contre toute attente une audience exceptionnelle pour ces deux articles...
Facile à retrouver via google "Deblocnot Bartok Solti Toon"
"Le mandarin merveilleux", oui tiens c'est une bonne idée ; par le père Boulez par exemple............
je vais allez voir ça !!!!
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