vendredi 27 septembre 2013

DEEP PURPLE "BURN" (1974) par Luc B.




Résumé des épisodes précédents en peu de mots : c’est le bordel intégral ! 1973 voit toujours les ventes de disques du groupe tutoyer les sommets (bien que la maison de disque ait très mal géré la sortie de WHO DO YOU THINK WE ARE éclipsé par MADE IN JAPAN), mais au sein de la maison pourpre, y’a le feu ! Plus de chanteur ni de bassiste, Ian Gillan et Roger Glover ayant perdu leur bras de fer contre Ritchie Blackmore (enfin, dans le cas de Glover, c’est un dommage collatéral, les deux hommes n’avaient pas spécialement de différents).

Pour tenir la basse, le choix se porte assez rapidement sur Glenn Hughes, bassiste du groupe TRAPEZE (sur le point de passer chanteur lead) qui marche terrible en ce moment, et jouit d’une très bonne réputation dans le milieu. On sait Glenn Hughes amateur de Soul, de Funk, capable de composer, et d’apporter une touche personnelle à DEEP PURPLE, dont le moteur créatif est un peu rouillé. Glenn Hughes accepte, mais il sait qu’on lui adjoindra un camarade de jeu, au micro.  L’idée avait germé d’utiliser non pas un, mais deux chanteurs, avec des tessitures et des styles différents, et, espérons-le, complémentaires. Une petite annonce est passée dans presse, et comme beaucoup d’autres, un certain David Coverdale envoie sa petite cassette démo. Jon Lord, on s’en souvient, avait déjà auditionné Coverdale en 1969, et avait gardé son numéro de téléphone au cas où…  Coverdale n’a pas un grand passé de show man, il chante dans des groupes, mais rien de professionnel. Par contre, il écrit aussi (« Soldier of fortune » slow qu’il trainera toute sa vie !). On n’attaque pas le physique, je sais… mais le brave David était, comment dire, pas spécialement favorisé par la nature, avec notamment un œil qui regardait à gauche de la scène, et l’autre à droite… Trois coups de bistouri, un sparadrap, et hop, le frontman est désormais présentable !
   
La question est de savoir si la nouvelle équipe va s’entendre (réponse, oui au début, mais rapidement Blackmore va refoutre sa merde) et composer de bonnes chansons. Cette réponse-ci se trouve sur l’album BURN, enregistré à l’hiver 1973 à Montreux (tiens tiens…), et sorti en février 1974. Y’a qu’à poser la galette sur une platine, monter le volume, et attendre. Pas longtemps. La réponse arrive vite.

L’album commence par le titre éponyme. Ce n’est pas une chanson, c’est un manifeste pour les 15 ans à venir dans le petit monde du heavy métal, notamment la NWOBHM (qui n'est pas un ex-service secret soviétique dissout par Gorbatchev, mais la New Wave Of British Heavy Métal... ouf...). Coverdale suit les consignes de Blackmore et oriente son écriture vers des textes plus symboliques, voire ésotériques (ce que Gillan avait le bon goût de ne pas faire…) relatant une histoire de sorcellerie : « I didn't believe she was devil's sperm /She said : Curse you all, you'll never learn! ». La construction du morceau reste fidèle au principe de DEEP PURPLE, couplet/chorus/couplet/chorus... typique pour ouvrir un concert (on remarquera la similitude de construction, et de fonction de « Highway Star »). Les chorus se terminent sur des arpèges d'obédience classique (écoutez celles de Jon Lord), ce que les guitaristes peroxydés du hard 80’s se feront un plaisir de ressasser, et généralement à deux. Autre caractéristique du morceau, un Ian Paice déchainé à la batterie, qui remplit les couplets de fills non-stop. On trouve d’ailleurs sur Youtube la piste batterie seule, c’est assez impressionnant…

David Coverdale et Ritchie Blackmore
On quitte le hard rock (pour ne pratiquement plus y revenir) avec le mid-tempo « Might just take your life » qui fleure bon le Rythm’n’Blues, avec riff d’orgue Hammond bien lourdingue, et un Coverdale jamais plus à l’aise que dans ce registre, Glenn Hughes prend le 3ème couplet après le changement de tonalité. Ca swing, ça roll, c’est poisseux, et c’est Jon Lord qui conclut par un solo. On poursuit dans la même veine, mais on pousse le tempo avec « Lay down stay down »Coverdale et Hughes se partagent le micro, y’a du piano boogie au fond, Ian Paice pousse son monde au cul, il multiplie encore les fills (qui ne sont pas des break, hein, un break au contraire, c’est un arrêt…). Cette fois c’est Ritchie Blackmore qui officie au solo, dont j’adore la fausse fin et la reprise. La face A se termine par « Sail away » qu’il convient de trouver moins intéressant, plus bateau (sic), plus pop et mélodique aussi (ce n’est pas une tare) mais qui annonce les morceaux FM. Jon Lord s’y amuse avec ses nouveaux synthés tout justes déballés du carton, et Blackmore brille par son absence…

La suite vous claque à la gueule comme on aime « You fool no one » et son intro à la batterie, pattern syncopée de folie, des couplets chantés à la mode Progressif (un vieux reste ?). Un titre qui gagne sur tous les tableaux, la pêche, l’originalité, le solo de Blackmore. Cette chanson sera amenée à remplacer « Mandrake Root » en concert comme laboratoire d’improvisations (« Space Truckin’ » reste au programme et fait donc doublon), Blackmore y incluant son thème « blues », Paice y glissant un solo et des mesures de « The Mule ». Sans doute la vraie prise de risque de ce disque. Retour au R’n’B classique avec « What’s goin’ on here » et sa pulsation ternaire, son piano bastringue, rien de révolutionnaire, ça rappelle « Demon’s Eyes » ou quelques futurs WHISTESNAKE, mais sacrément bien exécuté. Malheureusement écarté par Blackmore des set-list, ce qui nous prive de versions live qui auraient surement valu leur pesant de chorus. Manque que l’harmonica qui chiale.

Et on aborde le sommet absolu de cet album, avec « Mistreated », un faux-blues, mais une vraie tuerie !! Ce titre est chanté par David Coverdale seul. Pas un hasard, il y déploie tout son talent et son cabotinage, ce qui revient au même. Philou nous fera remarquer que le motif rappelle furieusement celui de « Heartbreaker » de FREE. Blackmore ne s’en défend pas, et déclare volontiers s’en être inspiré, comme à chaque fois qu’il aime une chanson, il essaie d’en écrire une dans le même genre. Y souffre le beau David, y se les gèle même... « I’ve been lonely, Ive been cold, I’ve been looking for a woman to have and hold ». Ecoutez-le sur la fin, paroxysmique, ces râles, ces grognements, ce dernier souffle dans le micro à la toute fin. Vous comprenez pourquoi on l'appelle aussi David Cover-Plant ?!!! (pour Elodie : cover ça veut dire reprise, et Plant c’est le nom du chanteur de Led Zeppelin… Bref, une vacherie !). Ritchie Blackmore nous régale d'un premier long chorus aérien (Gilmourien ?), le morceau s’emballe sur la fin, Ian Paice double le tempo une première fois, puis une seconde, les chœurs discrets enflent, Blackmore fait chauffer le médiator. Immense. Et ça peut prendre encore plus de dimension sur scène si Glenn Hughes ne fait pas son mariole en y incorporant « Georgia on my mind »
  
Glenn Hughes
Voilà, le disque est fini. Ah non, reste un truc, un objet musical non identifié, « A-200 », un truc à peine digne d’une démo de Pink Flyod sous LSD à Pompéi, un Ian Paice lourdaud (c’est vraiment lui qui joue ?), et Jon Lord qui a encore sorti ses nouveaux synthé sauf qu’il n’a visiblement pas eu le temps de lire les notices. Les albums précédents de DEEP PURPLE contiennent tous 7 morceaux. Celui-là en aligne 8. Cherchez l’erreur.
  
« Might just take your life » sort en single, et il fallait vite fait avoir une face B. Vite fait, c’est le mot. « Coronarias Redig » heureusement absente sur le 33 tours, est une compo vaguement funky mais mollassonne. David Coverdale, victime d’une panne de réveil, n’enregistre pas son texte à temps, et le morceau restera donc un instrumental, avec visiblement un overdub de guitare histoire d’améliorer le quotidien. Pas grand intérêt.
 
BURN rassure tout le monde. Le public (il y a donc une vie après Ian Gillan), les investisseurs (l’album se classe en haut des hits, et y reste de longs mois) et les musiciens eux-mêmes, sur leur capacité à rebondir, changer de formation et de style musical, virage accentué avec STORMBRINGER. Les anciens (Lord, Blackmore et Paice) sont soulagés de voir leur idée d’embaucher deux chanteurs porter ses fruits, notamment de la part du novice David Coverdale, qui prend vite goût à la scène et aux tournées mondiales (même si les débuts sont encore hésitants, on le voit sur certaines vidéos). Le très bon "LIVE IN LONDON" sorti en 1982 propose un set enregistré en mai 74, avec ces nouveaux morceaux.

La plaisanterie n'est pas fine, désolé, mais Rockin' m'en aurait voulu de la manquer : BURN, c'est le retour bien burné de Deep Purple. 


1.       Burn (6:05)
2.       Might Just Take Your Life (4:36)
3.       Lay Down, Stay Down (4:15)
4.       Sail Away (5:48)
5.       You Fool No One (4:47)
6.       What's Goin' on Here (4:55)
7.       Mistreated (7:25)
8.       "A" 200 (3:51)


,5
  


On regarde "Lay down, stay down" enregistré au California Jam. Une tuerie. Coverdale est un tee-shirt blanc, et la boule de poil, c'est Glenn Hughes (qui abat un de ces boulots à la basse !!). Regardez comment Blackmore tient les p'tits nouveaux à l'oeil, geste de la main, et sa classe intégrale pendant son chorus, décontracte, presque souriant, y'a que les doigts qui tricotent. Et à la fin, petit déhanché rageur, comme pour évacuer tout ce qui avait été contenu. Y z'étaient bons tout même, merde ! 


6 commentaires:

  1. "A-200", la truc joué au Korg Mini-moog et qui ressemble à une bande sonore d'un western spaghetti, une grosse blague !

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  2. J'aimais bien ce "A-200" qui a fait couler tant d'encre, notamment parce que cela changeait totalement avec le répertoire habituel, comme "Sail Away". Peut-être que "A-200" a passablement vieilli ; pas écouté ça depuis une éternité.

    Deux bruits courent sur ce "Burn" :
    - le riff de "Mistreated" serait de David Coverdale. Ce serait lorsque ce dernier s'amusait à riffer, se croyant seul dans le studio, que Ritchie serait intervenue et lui aurait demandé, à sa grande surprise, de rejouer son riff qu'il trouvait bon.
    - Leslie West a réclamé la paternité d'un riff de l'album (je pense à "Lay Down, Stay Down", mais je n'en suis plus sûr) que Ritchie lui a toujours refusé. Leslie l'a longtemps eut mauvaise, en parlant parfois dans des interviews, toutefois il n'en a pas fait un procès.

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  3. J'ai réécouté "heartbreaker" à l'occasion de la chronique de Philou l'autre jour, et la parenté avec "Mistreated" est palpable. Là où chez Free ce n'est qu'un motif rythmique, en fond, un gimmick, il devient avec Blackmore l'ossature du morceau, joué par tous les instruments. Cela ne m'étonne pas que Coverdale l'ait trouvé en premier, et que Blackmore l'ait refait à sa sauce, dans le bouquin sur le groupe, il est précisé plusieurs fois que Roger Glover en son temps, avait trouvé pas mal de riffs, soumis à Blackmore qui prenait ou pas. Mais une chose est certaine, lorsqu'il y a emprunt, généralement Blackmore le dit, ne s'en défend pas (les exemples sont nombreux dans le livre, de "black night" à "child in time"...) comme de nombreux musiciens de l'époque, quand des mecs d'un autre groupe trouvaient un truc bien, les autres allaient dans le même sens, sans arrières pensées, mais parce que l'idée était bonne !!

    "A.200"... Non franchement, on est à deux doigts de la honte là...

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    1. "Sans arrières pensées", je ne sais pas...
      peut-être pas dans le sens où l'on penserait que cela va générer du fric.
      Mais effectivement, je me remémore de vieilles interviews de Blackmore où il disait s'être inspiré de telle ou telle pièce de musique pour composer (ce n'est pas comme les 1D qui ont été plagié par les Who, ou même la comédie musicale Grease, mais bon... hum ! hum !).
      Ritchie révélait bien volontiers avoir pioché dans le classique pour jouer un solo, un chorus, au lieu de s'auto-proclamer génie (et la grande majorité n'y aurait rien trouvé à y redire).
      Cela me rappelle également l'époque où il avouait n'écouter non plus du Rock à la maison, mais, en plus du classique évidemment, ABBA (sic!) - à fonds les manettes ! -. Un sens de l'humour "pince sans rire" ou tout simplement le souci d'être honnête ?

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    2. Après le bouquin, un disque ... c'est le mois Deep Purple.
      Bon tu sais que le Deep, comment dire, euh, hum, ... ça me gave plus souvent que ça me ravit ...
      Mais Burn, c'est un des dix premiers vinyles que j'ai acheté quand il est sorti, alors forcément, y'a un peu le côté nostalgico-sentimental qui revient, et je le trouve toujours très bon, dans les trois meilleurs de Purple ... A 200 ? Bof, aujourd'hui on appellerait ça un bonus track ou un hidden track ...

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  4. super grouper
    la preuve combien de ces chansons on été cover(dale) ha ha ha
    càd repris par d'autres groupes

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