J'adore les "merdias" ! Il m'aura fallu presque un mois et la réception de
la revue Diapason pour apprendre que
Marie-Claire Alain, organiste des plus marquant(e)s, nous avait quittés le
26 février 2013 à 86 ans
! Il est vrai qu'à ce moment-là, les lasagnes à la viande de cheval
occupaient tout l'espace médiatique. Pourtant je suis de près l'actualité
musicale… Enfin passons…
Le nom de
Marie-Claire Alain
est intimement lié à la musique pour orgue de la seconde moitié du XXème
siècle. Elle fut avec
Pierre Cochereau, l'une des figures emblématiques des artistes voués à cet instrument que
l'on ne trouve en général que… dans les églises et cathédrales, même si le
répertoire échappe assez souvent à la religiosité. En effet, il y a
l'organiste de service pour la messe du dimanche, et le ou la virtuose pour
magnifier, de manière toute autre, la musique au sens large avec cet
instrument…
Ainsi, la plupart des œuvres de
Bach
ne sont pas forcément purement religieuses. On trouve des
fugues,
chorals, concertos
et
fantaisies
permettant d'explorer de manière ludique ou méditative un monde sonore aux
possibilités infinies de sonorités et combinaisons tonales proposées par
l'instrument qui peut atteindre le gigantisme ; les célèbres
Cavaillé-Coll
de nos cathédrales possèdent jusqu'à 5 claviers et 150 jeux. C'est sur ces
"monstres" que naîtra le répertoire des symphonies pour orgue de
Louis Vierne
ou
Charles-Marie Widor
au XIXème siècle.
Marie-Claire Alain
était la fille d'Albert Alain, organiste et compositeur et avait pour frère
Jehan Alain, qui avait suivi les traces de son père mais mourra à 29 ans en 1940 tué
lors de la bataille de France.
Marie-Claire
sera une fervente défenseur de l'œuvre de son frère. En fait l'artiste
excellait dans tous les répertoires, du baroque à la musique
contemporaine. Elle avait un don exceptionnel dans le choix des
instruments en fonction de l'époque de composition des œuvres. Pour
Bach, elle préférait les orgues à traction mécanique de facture baroque comme
celui de la collégiale de Saint-Donat dans la Drôme. Et
inversement, pour interpréter
César Franck
(vidéo) et tous les maitres de l'école française, elle allait dominer de
sa frêle stature les géants des cathédrales
d'Orléans,
Saint-Germain des Prés et
bien d'autres encore. J'ai habité
Neauphle le Château près de
vingt ans. Fréquemment
Marie-Claire Alain
venait donner un récital sur l'orgue de la petite église qui pouvait
s'enorgueillir d'un instrument exceptionnel pour le lieu, avec sa
quarantaine de jeux mais seulement 2 claviers. Cette fidélité à un
instrument excellent mais modeste montre que
Marie-Claire Alain
était une antistar bien qu'elle ait vendu plus de 3 millions de disques,
un record pour un artiste "classique".
Le jeu de
Marie-Claire Alain
reposait sur la précision, la subtilité du doigté, la noblesse, l'humilité
face à la partition.
Il y avait une belle complicité entre l'organiste et le disque. En dehors
de
Bach
(trois fois),
Marie-Claire Alain
ne dédaignait pas enregistrer des intégrales :
Buxtehude,
Bruhns,
Georg Böhm,
Couperin,
Grigny,
Daquin,
Pachelbel,
Mendelssohn,
Alain,
Franck, et une quasi intégrale de
Widor. Elle jouera fréquemment des concertos avec l'orchestre
Jean-François Paillard
et des duos avec le célèbre trompettiste
Maurice André. Et comme si toute cette activité de concertiste n'avait pas suffi,
Marie-Claire Alain
sera aussi une pédagogue réputée et participera activement à préserver et
moderniser le patrimoine français des orgues nationaux.
Je n'en dirais pas plus, de nombreux disques sont encore au catalogue et
j'envisage d'écrire une chronique qui prolongera cet hommage bien court en
regard d'une vie aussi riche. À Neauphle, on racontait une petite histoire :
à la fin de chaque concert, l'artiste fatiguée souhaitait, dans la bonne
humeur, un petit geste important, que l'on lui serve un verre de bon
bordeaux ! Légende, réalité ? Il y avait sans nul doute une grande humanité
et joie de vivre chez
Marie-Claire Alain.
L'orgue est un instrument qui ne passe pas très bien sur le matériel audio
: la tessiture couvre tout le spectre audible et sa puissance nécessite
plutôt du matériel audiophile qu'un lecteur MP3. Mais un hommage sans
musique n'aurait pas de sens. Je vous propose tout d'abord 4 extraits Deezer
qui nous offrent une assez bonne qualité d'écoute au casque : La
Toccata et Fugue en ré mineur
de
Bach, puis de
Charles-Marie Widor,
l'andante
féérique de la
symphonie N°9 "Gothique"
suivie de la joyeuse et virevoltante
Toccata
de
la symphonie N°5
(tout sauf de la musique religieuse !). Cela dit, la musique d'inspiration
spirituelle peut aussi être très belle. Donc extrait de
la Nativité du Seigneur
d'Olivier Messiaen
:
les anges…
Enfin une œuvre que j'aime beaucoup,
le Prélude, Fugue et variation
de
César Franck, dix minutes de pur bonheur…
Encore une grande concertiste qui nous quittes ! Rien que d"écouter son interprétation du toccata de la symphonie n°5 de Charles Marie Widor, je vais replonger dans son intégral de Bach ou même de Louis Vierne l'organiste aveugle.
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