jeudi 21 mars 2013

R.I.P. L'organiste MARIE-CLAIRE ALAIN nous a quittés fin février



J'adore les "merdias" ! Il m'aura fallu presque un mois et la réception de la revue Diapason pour apprendre que Marie-Claire Alain, organiste des plus marquant(e)s, nous avait quittés le 26 février 2013 à 86 ans ! Il est vrai qu'à ce moment-là, les lasagnes à la viande de cheval occupaient tout l'espace médiatique. Pourtant je suis de près l'actualité musicale… Enfin passons…
Le nom de Marie-Claire Alain est intimement lié à la musique pour orgue de la seconde moitié du XXème siècle. Elle fut avec Pierre Cochereau, l'une des figures emblématiques des artistes voués à cet instrument que l'on ne trouve en général que… dans les églises et cathédrales, même si le répertoire échappe assez souvent à la religiosité. En effet, il y a l'organiste de service pour la messe du dimanche, et le ou la virtuose pour magnifier, de manière toute autre, la musique au sens large avec cet instrument…
Ainsi, la plupart des œuvres de Bach ne sont pas forcément purement religieuses. On trouve des fugues, chorals, concertos et fantaisies permettant d'explorer de manière ludique ou méditative un monde sonore aux possibilités infinies de sonorités et combinaisons tonales proposées par l'instrument qui peut atteindre le gigantisme ; les célèbres Cavaillé-Coll de nos cathédrales possèdent jusqu'à 5 claviers et 150 jeux. C'est sur ces "monstres" que naîtra le répertoire des symphonies pour orgue de Louis Vierne ou Charles-Marie Widor au XIXème siècle.
Marie-Claire Alain était la fille d'Albert Alain, organiste et compositeur et avait pour frère Jehan Alain, qui avait suivi les traces de son père mais mourra à 29 ans en 1940 tué lors de la bataille de France. Marie-Claire sera une fervente défenseur de l'œuvre de son frère. En fait l'artiste excellait dans tous les répertoires, du baroque à la musique contemporaine. Elle avait un don exceptionnel dans le choix des instruments en fonction de l'époque de composition des œuvres. Pour Bach, elle préférait les orgues à traction mécanique de facture baroque comme celui de la collégiale de Saint-Donat dans la Drôme. Et inversement, pour interpréter César Franck (vidéo) et tous les maitres de l'école française, elle allait dominer de sa frêle stature les géants des cathédrales d'Orléans, Saint-Germain des Prés et bien d'autres encore. J'ai habité Neauphle le Château près de vingt ans. Fréquemment Marie-Claire Alain venait donner un récital sur l'orgue de la petite église qui pouvait s'enorgueillir d'un instrument exceptionnel pour le lieu, avec sa quarantaine de jeux mais seulement 2 claviers. Cette fidélité à un instrument excellent mais modeste montre que Marie-Claire Alain était une antistar bien qu'elle ait vendu plus de 3 millions de disques, un record pour un artiste "classique". Le jeu de Marie-Claire Alain reposait sur la précision, la subtilité du doigté, la noblesse, l'humilité face à la partition.
Il y avait une belle complicité entre l'organiste et le disque. En dehors de Bach (trois fois), Marie-Claire Alain ne dédaignait pas enregistrer des intégrales : Buxtehude, Bruhns, Georg Böhm, Couperin, Grigny, Daquin, Pachelbel, Mendelssohn, Alain, Franck, et une quasi intégrale de Widor. Elle jouera fréquemment des concertos avec l'orchestre Jean-François Paillard et des duos avec le célèbre trompettiste Maurice André. Et comme si toute cette activité de concertiste n'avait pas suffi, Marie-Claire Alain sera aussi une pédagogue réputée et participera activement à préserver et moderniser le patrimoine français des orgues nationaux.
Je n'en dirais pas plus, de nombreux disques sont encore au catalogue et j'envisage d'écrire une chronique qui prolongera cet hommage bien court en regard d'une vie aussi riche. À Neauphle, on racontait une petite histoire : à la fin de chaque concert, l'artiste fatiguée souhaitait, dans la bonne humeur, un petit geste important, que l'on lui serve un verre de bon bordeaux ! Légende, réalité ? Il y avait sans nul doute une grande humanité et joie de vivre chez Marie-Claire Alain.
L'orgue est un instrument qui ne passe pas très bien sur le matériel audio : la tessiture couvre tout le spectre audible et sa puissance nécessite plutôt du matériel audiophile qu'un lecteur MP3. Mais un hommage sans musique n'aurait pas de sens. Je vous propose tout d'abord 4 extraits Deezer qui nous offrent une assez bonne qualité d'écoute au casque : La Toccata et Fugue en ré mineur de Bach, puis de Charles-Marie Widor, l'andante féérique de la symphonie N°9 "Gothique" suivie de la joyeuse et virevoltante Toccata de la symphonie N°5 (tout sauf de la musique religieuse !). Cela dit, la musique d'inspiration spirituelle peut aussi être très belle. Donc extrait de la Nativité du Seigneur d'Olivier Messiaen : les anges…






Enfin une œuvre que j'aime beaucoup, le Prélude, Fugue et variation de César Franck, dix minutes de pur bonheur…


1 commentaire:

  1. pat slade21/3/13 23:25

    Encore une grande concertiste qui nous quittes ! Rien que d"écouter son interprétation du toccata de la symphonie n°5 de Charles Marie Widor, je vais replonger dans son intégral de Bach ou même de Louis Vierne l'organiste aveugle.

    RépondreSupprimer