- Bonjour M'sieur Claude, c'est plein d'énergie ce que vous écoutez,
c'est bien pour décoller ce matin…. C'est quoi ?
- La symphonie "Rhénane" de Robert Schumann, un compositeur allemand,
romantique à mort, dont je n'ai pas encore parlé dans le blog ?
- Tiens, je croyais que c'était un homme politique actif lors de la
création de l'union Européenne dans les années 50…
- Deux homonymes mon petit chat… Le musicien est lui un personnage
balzacien, hyper tourmenté, il finira sa vie complètement fou…
- Il a dû écrire une musique bien sombre alors…
- Et bien justement non, une musique très contrastée, instinctive, celle
d'un homme qui court après la vie…
- Bon je verrai tout cela… Ah cool, une fois de plus vous proposez
l'intégrale via You Tube… Une référence discographique vous
connaissant…
Robert Schumann
Il est assez difficile
d'écrire la biographie de
Robert Schumann, le compositeur romantique le plus passionné qui soit. Je n'ai pas la
plume de Dumas, et ce n'est pas
la vocation du blog de réécrire les ouvrages très documentés existants. Le
jeune Robert voit le jour en Allemagne en
1810. Contemporain de
Mendelssohn
(clic) et
Chopin
(clic), il est donc destiné à suivre le mouvement romantique déclenché par
Beethoven
avec sa 3ème symphonie en
1804 (clic).
Il commence assez tôt son apprentissage musical même si ses parents le
destinent à suivre des études de droit à
Leipzig. C'est à Leipzig que le
jeune homme va s'intéresser à un personnage un peu fat,
Friedrich Wieck, facteur de
piano de son état et auteur d'une méthode d'apprentissage du clavier soit
disant révolutionnaire… Robert se passionne encore plus pour la toute jeune
Clara Wieck, la fille du bonhomme.
Clara
promet à la mère de Robert de faire de son fils l'un des premiers virtuoses
de son temps. La suite est connue et mystérieuse. Robert va tout tenter pour
y parvenir mais des tendinites des doigts vont briser ses rêves. On a évoqué
les conséquences funestes d'un gadget conçu par le jeune pianiste pour
gagner en dextérité, une maladie génétique, ou encore les premiers symptômes
de la syphilis contractée lors d'une de ses liaisons passagères.
Cet échec dramatique n'arrange en rien le caractère hypocondriaque et
dépressif de Schumann. Il se consacre pourtant à l'écriture de pièces qui
constitueront par ses innovations le début d'un legs pianistique majeur du romantisme.
Davidsbündlertänze,
Carnaval
et
Études
symphoniques, datent de cette époque.
En 1834, il retrouve
Clara, devenue une jeune femme adulée pour ses talents pianistiques. C'est la
romance puis l'amour fou.
Clara
devient aussi "les mains" du compositeur, génie mais pianiste handicapé.
Elle est presque majeure. Il veut l'épouser mais va se heurter des années
durant au refus du père
Wieck (jusqu'en
1840 quand un tribunal lui
donnera raison).
En 1839, il fait créer par
Mendelssohn
la
Grande Symphonie N°9
de
Schubert
redécouverte dans les papiers du père de
Franz. Car
Schumann
sera aussi un musicologue et critique avisé. Jusqu'en
1852,
tant à Leipzig qu'à Dresde, Schumann
crée sans cesse. Voient le jour : les
premières symphonies, de la
musique de chambre
fougueuse, et toujours des
œuvres
pour
le
piano. Mais vers la fin de cette période, sa santé se dégrade, il subit le
complexe du "mari de la pianiste". Angoisse, vertiges et mille autres maux l'assaillent…
Chef médiocre, il crée pourtant avec succès sa
symphonie N° 3 Rhénane
en 1851, puis en
1853 la
quatrième
avec le même accueil favorable. Dès
1854, il souffre d'acouphènes,
d'hallucinations, s'enfonce dans la folie pour utiliser un mot simple, et
traduire ainsi la souffrance d'un homme torturé et désespéré, plutôt que
spéculer sur un diagnostic. En
1856, il semblerait qu'il ait
fait une tentative de suicide en se jetant dans le Rhin. Réalité ou légende
?
Clara
prend peur et se réfugie chez des amis. L'asile sera la dernière demeure de
Robert.
Schumann
se laisse mourir de faim en
juillet 1856 après de bien
rares visites de
Brahms
(clic) et de…
Clara, dont
Robert
avait brûlé toutes les lettres…
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Wolfgang Sawallisch
En ébauchant une chronique sur une grande œuvre du répertoire, se pose
inlassablement la même question : quel interprète(s) choisir ? J'essaye,
dans la mesure du possible, et en visant toujours un excellent niveau
d'inspiration, de présenter des artistes les plus divers, de ne pas tourner
en rond sur les mêmes chefs ou solistes, si illustres soient-ils. Pour
Schumann, plusieurs évidences se présentaient, dont
Wolfgang Sawallisch
encore absent du Deblocnot'. Un choix d'autant plus évident que cet immense
directeur d'orchestre approchant les 90 ans méritait un retour sur une
carrière exemplaire. Et entre temps, le destin frappait et me conduisait à
écrire le RIP paru la semaine passée. Concours de circonstances douloureux
qui justifie d'autant cette chronique en hommage à cette figure
incontournable parmi les maestro de la seconde moitié du XXème
siècle. J'écrivais donc :
Né en 1923, pianiste de
formation, brillant accompagnateur, puis chef d'orchestre,
Sawallisch
a parcouru 60 ans de carrière avec un style très personnel dans ces années
de star système inaugurées par
Karajan
et
Bernstein. Son style se voulait résolument clair et dru, en respect absolu du
texte.
Sawallisch
n'ajoute aucun hédonisme aux partitions. Il conduira la destinée des
orchestres parmi les plus brillants de la planète : Orchestre de
Philadelphie,
Opéra d'État
de Bavière, Orchestre
symphonique de Vienne, Orchestre
philharmonique de Hambourg, Orchestre de la
Suisse romande
et en tant qu'invité de marque, celui de la
Staatskapelle de Dresde
avec lequel il a signé des enregistrements remarquables, notamment le
cycle symphonique de
Schumann.
Sawallisch affectionnait en premier lieu le répertoire romantique :
Schubert,
Mendelssohn,
Schumann,
Bruckner,
Wagner
et
Richard Strauss.
L'homme était discret, ne faisait guère la une des tabloïds. Il inspirait
par contre un grand respect dans la presse musicale spécialisée.
J'avais complété ces lignes de quelques références discographiques
essentielles tant dans son parcours personnel que dans la discographie
d'œuvres du grand répertoire classique et romantique. (clic)
Et c'est précisément dans
Schumann, que nous allons retrouver ce goût pour la clarté et l'énergie dans son
style de direction.
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La symphonie N°3 Rhénane
Schumann
est le compositeur du début du romantisme dont les symphonies se détournent
assurément du classicisme, malgré des sous titres évocateurs. Chez
Mozart
et
Haydn, le discours ne se veut ni descriptif ni métaphysique, mais nourris
d'émois et de beautés sonores.
Beethoven, lui, se veut descriptif dans la symphonie "Pastorale" voire militant dans "l'héroique".
Schumann
échappe aux deux approches. Sa musique plonge ses racines dans ses pensées,
ses joies et angoisses, ses impressions face à un paysage ou un visage.
Schumann
est le peintre musical de ses sentiments les plus intimes. Il est pour ainsi
dire un impressionniste avant l'heure. La symphonie "Rhénane" porte ce nom du fait que le compositeur résidait alors à Düsseldorf, ville baigné par
un puissant fleuve, le "Rhin".
La symphonie ne se réclame pas d'une inspiration "à la
Moldau
de
Smetana". Peut-on imaginer que Schumann tisse des liens dans son inspiration
entre les caprices du fleuve aux eaux boueuses et les affres dont il
souffre déjà en 1851 ?
Et bien… pas du tout !
Autre innovation, la symphonie ne suit pas le schéma classique en 4
mouvements : vif, lent, vif (menuet, scherzo), vif pour le final. Non, elle
en comporte 5, notés avec des
tempos en allemand et non en italien, et intègre ainsi deux mouvements
lents. Ce découpage préfigure donc l'éclatement du plan académique opéré par
Mahler
50 ans plus tard. L'orchestration est assez brillante : 2/2/2/2, 4 cors, 2
trompettes et 3 trombones dans le célèbre et élégiaque "Feierlich", et peu de cordes (souhait du compositeur pour ne pas "écraser"
l'harmonie ; un désir pas toujours respecté…). C'est
Schumann
qui asusra la création à
Düsseldorf en
février 1851.
Clara
avait convaincu son mari d'écrire cette œuvre pour tenter de lui faire
retrouver confiance en son talent. Cette initiative d'une épouse psychologue
nous a donné un chef-d'œuvre…
1 – Lebhaft (Vivement)
: La symphonie Rhénane fait partie d'un style d'œuvres particulières, celles
qui donnent l'impression de prendre le train en marche… Pas d'introduction
interrogative avec des thrènes énigmatiques aux cordes (Symphonie "Passionne" de
Haydn), ou de groupes d'accords énergiques (le thème de la cinquième de
Beethoven, au hasard). Le flot sonore ondoyant et puissant semble avoir toujours
existé avant la première mesure. Est-ce une vision musicale du courant du
Rhin qui nous emporte depuis
toujours ? De toute évidence la contemplation de l'eau réconforte le
compositeur qui se remettait d'une longue dépression et luttait contre les
acouphènes. Cette symphonie commence en effet d'une manière enjouée.
L'écriture est très novatrice. Comme l'introduction le laissait envisager,
la forme sonate ne s'impose pas avec la rigueur habituelle. De longues
phrases tumultueuses s'entrelacent. L'utilisation de motifs thématiques en
leitmotive suggère un flot houleux, un discours musical indiscipliné.
Sawallisch
assure une direction nerveuse, précise et tendue. Le chef nous entraîne à la
suite d'un compositeur qui renoue avec la vie. L'orchestre est clair, les
cuivres de Dresde éclatants, les cordes chantent et le chef retient les
contrebasses souvent promptes à alourdir l'orchestration de
Schumann. Sonia avait parfaitement raison de dire "c'est plein d'énergie".
2 - Scherzo : Sehr Mässig (Très modéré)
: Oui, comme je l'ai mentionné,
Schumann privilégie l'impression à la description et donc, très logiquement, nous
fait partager les atmosphères de ses promenades au bord du Rhin, dans la
ville ou les campagnes qu'il découvre. Le délicieux scherzo est écrit dans
la droite ligne de cette recherche. La mélodie se fait balade. Une jolie
romance aux cordes appuyée par un orchestre aux accents staccatos et
bucoliques évoque le plaisir de vivre dans cette verdoyante Rhénanie dans
laquelle serpente le Rhin.
Sawallisch
joue la carte de l'élégance avec un tempo modéré mais aucunement traînant.
Dans le trio, on pourrait percevoir l'allégresse de danses
villageoises.
3 - Nicht schnell (peu rapide)
: La petite harmonie introduit ce petit mouvement lent et secret. À quoi
songe Schumann en imprimant un rythme si doux à ce passage si calme et sans
mélancolie. Les clarinettes entonnent un chant d'une grande simplicité. Les
violons relancent sans relâche leurs arpèges qui nous montrent un homme
tranquille qui avance le long du fleuve, s'arrêtant pour contempler les
lumières et les couleurs de la vallée. Là encore, avec une battue, disons
une caresse, le chef nous éblouit par la délicate pudeur imprimée à
cette page.
4 : Feierlich (Solennel)
: Ce passage empreint de gravité est très connu (pub, films). Gravité ou
méditation ? La gravité surgit de l'orchestration, notamment de traits
violents des contrebasses et des accords de trombones. À quoi songe
Schumann
en écrivant ce poignant et nostalgique mouvement ? Cette musique ne
serait-elle pas le reflet de l'âme tourmentée de
Schumann, ses craintes, le regret d'imposer ses souffrances récurrentes à
Clara
? Là est le mystère de cette musique hypnotique ! En allégeant le trait,
évitant ainsi toute grandiloquence pathétique, le chef ouvre les portes à un
songe plutôt qu'à une lamentation. Magnifique !
5 – Lebhaft (Vivement)
: les cordes joyeuses et sautillantes nous entraînent dans un final plein de
verve. Des thèmes très dansants s'entrecroisent, les cuivres interviennent
avec facéties. C'est d'autant plus guilleret voire épicurien que les
pupitres sont sous contrôle absolu. La lourdeur orchestrale souvent imputée
à
Schumann
est totalement absente dans le phrasé sans pathos de
Wolfgang Sawallisch. Vraiment une version idéale et sans une ride. La voici… en 5 épisodes, à
savoir les plages 16 à 20 (les autres symphonies sont également des "must"
de la discographie : et pour les non abonnés -
CLIC)
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Discographie alternative
Les symphonies de
Schumann
sont un passage obligé pour tous les chefs de renom. Si
Sawallisch
semble rester au top, il y a trois interprétations (surement parmi d'autres)
que j'aime et qui à mon sens ne peuvent décevoir.
Enregistrée à la fin des années 60, l'intégrale de
Rafael Kubelik
à la tête de la
philharmonie de Berlin
a été longtemps la concurrente de celle de
Sawallisch. On pourra trouver avec un demi-siècle de recul que la présence obsédante
des contrebasses nuit à la postérité de ce cycle. (Manie héritée de
Karajan
?) Le
Feierlich reste l'un des plus émouvants jamais enregistrés (5/6 – Dgg).
En 1960,
Leonard Bernstein
trouve à New-York un souffle
épique décoiffant qu'il ne saura pas reconquérir à
Vienne. C'est un peu fou (sans
figure de style par rapport à
Schumann). Difficile de trouver les CDs de cette version extravertie (CBS-Sony - 6/6).
Enfin, pour les curieux qui désireraient écouter l'orchestration "corrigée"
de
Mahler, a priori moins confuse sans trahir les couleurs de
Schumann, ils écouteront en priorité les enregistrements de
Riccardo Chailly
dirigeant le
Gewandhaus de Leipzig, l'une des rares versions récentes dignes d'intérêt ! (Decca – 5/6).
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Vidéos
La symphonie N° 3 de Schumann par Sawallisch
dans l'enregistrement commenté... En complément, l'interprétation volcanique
de
Leonard Bernstein à New-York.
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