samedi 15 décembre 2012

Tchaïkovski, Haydn et Vivaldi et leurs "Rêves d'Hiver" - par Claude Toon



- Tiens Monsieur Claude, vous nous parlez encore de Valery Gergiev, pourquoi pas, mais quel rapport avec l'hiver ?
- Parce que Valery Gergiev vient de publier un album des 3 premières symphonies de Tchaïkovski et que la 1ère s'appelle "Rêves d'hiver"…
- Ah je vois et à part vous ça intéresse qui ?
- Heuuu les mélomanes je pense, au moins Monsieur Pat Slade qui a un faible pour cette belle symphonie et m'a souvent demandé d'en parler…
- Tchaïkovski-Gergiev ont déjà eu un article consacré aux symphonies 4 à 6, comme cela vous aurez commenté les 6 qu'il a composées, vous serez débarrassé…
- Heuuuu oui… oui Sonia c'est celaaa… Allez donc bosser avant de dire une ânerie… je la sens venir…
- oui Monsieur Claude… j'ai dit une bêtise je crois… désolée…

Sonia est en verve ce matin, mais elle n'a pas tort sur le fond ! Un DVD de Valery Gergiev interprétant les trois dernières symphonies du "cycle du destin" de Tchaïkovski a déjà fait la une du Deblocnot, en compétition avec le même triptyque dans l'interprétation légendaire d'Evgeny Mravinsky (clic). Ce bel album consacré aux symphonies 1 à 3 vient de paraître et m'a donné l'idée de mettre une doudoune et des mitaines (les moufles sur le clavier, ça ne le fait pas) pour évoquer les frimas à travers les œuvres de trois compositeurs. Tout le monde pense déjà à "l'hiver" tiré des quatre saisons de Vivaldi


Tchaïkovski Symphonie N°1 "Rêves d'Hiver"


La biographie du compositeur russe a déjà été détaillée dans ces pages. Tchaïkovski se révèle sans conteste comme le symphoniste majeur en la fin du XIXème siècle en Russie. Si le groupe des symphonies 4 à 6, avec la "la Pathétique" en conclusion du cycle, s'est imposé comme un trio de chef d'œuvres du genre, on trouve déjà le grand talent de mélodiste et d'orchestrateur de Tchaïkovski dans les symphonies de jeunesse. Elles ont chacune un surnom. La première donc, "Rêves d'hiver", la seconde 'Ukrainienne" ou encore "petite Russie" qui est une œuvre rythmée et joyeuse, et enfin la troisième "Polonaise" qui ne m'a jamais vraiment séduit par sa longueur un peu vaine, et un manque de thèmes marquants (même si Gergiev ou Karajan ont su donner une savoureuse langueur dans l'adagio).
Tchaïkovski a 26 ans en 1866 quand il s'attaque d'arrache-pied à sa première symphonie. C'est une période de très grand stress voire de dépression qui sera soulagée et récompensée par un succès immédiat lors de la création en 1868. Curieusement et pour contredire son sous-titre, l'œuvre est composée du printemps à l'automne ! Il semble que ce sont les souvenirs d'un voyage hivernal de Saint-Pétersbourg à Moscou que Tchaïkovski essaye de peindre en musique. Elle comprend très classiquement 4 mouvements.
Des cordes qui frissonnent (c'est de saison) et un premier thème paisible introduisent l'allegro tranquillo. Tout l'art du grand mélodiste russe est déjà présent dans cette poétique introduction. La musique va se déployer dans sa tonalité de sol mineur aux accents mélancoliques et élégiaques. Tchaïkovski ne se répand jamais en pathétisme lascif et Valery Gergiev et son Symphonique de Londres encore moins. On rencontre une rythmique bien marquée et un jeu enchanteur des bois et des cuivres aux belles couleurs agrestes.
L'adagio est l'un des plus beaux écrits par Tchaïkovski. Peut-on imaginer d'immenses steppes enneigées et mordorées par un soleil nébuleux ? Pourquoi pas ! Le chant solitaire du hautbois après les longues phrases brumeuses des premières mesures peut y faire songer. Gergiev met en place ce tableau avec une grande subtilité. Cet adagio assure à lui seul la popularité de cette symphonie. C'est très émouvant et, même si la référence à l'hiver semble par trop imaginative, on ne peut qu'aimer cette musique en l'écoutant près d'un bon feu de bois… Ce doute quant à l'inspiration purement hivernale de l'œuvre se justifie à l'écoute des deux derniers mouvements, scherzo et andante-Allegro, vigoureux dans leur discours et le dramatisme sous-jacent : tempête de neige ? Flocons, glace craquante, blizzard, chacun créera ses images à l'écoute d'une cette belle version. Depuis la rédaction de ce billet, exit la vidéo ! Donc toujours à Londres, Igor Markevitch, éblouissant en 1963....




Ah ! J'oubliais, Tchaïkovski a également écrit une suite pour piano intitulée "les saisons" et comportant 12 pièces dédiés aux douze mois de l'année. Tchaïkovski n'est pas le seul à s'intéresser au calendrier. Vivaldi bien sûr et aussi Haydn (pour assurer l'enchaînement), et puis il existe une suite "les quatre saisons" une très belle musique issue de l'imagination fertile du prince du bandonéon Astor Piazzola. Elle a été enregistrée sur un beau disque chez Orféo qui rassemble cette suite de Piazzolla et une transcription pour cordes des "Saisons" de Tchaïkovski. Par ailleurs, Haydn et son oratorio "Les saisons" a marqué d'une pierre essentielle ce genre à l'époque classique.
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Haydn : Les Saisons : L'hiver


Vers la fin de sa longue et fructueuse carrière, Joseph Haydn écrit deux oratorios qui sont la quintessence de son art : "La création" sur les textes de la Genèse et sur un sujet plus profane, "les saisons". Ce vaste ouvrage est composé pour un trio de solistes (soprano, ténor et basse), un orchestre et un chœur mixte.
On retrouve chez le compositeur le goût de l'épicurisme, de la joie de vivre. L'œuvre présente un enchaînement des quatre parties avec une variété bluffante de climats. Haydn déjà très âgé va travailler deux ans sur l'ouvrage qui est terminé en 1801 (il a 70 ans). C'est une musique sans métaphysique. Des pièces bucoliques et folkloriques se succèdent avec, en filigrane, un hymne de reconnaissance au Divin pour la renaissance de la nature au printemps, les moissons, la venue de Jésus en hiver…
Cette grande et belle partition mérite sa chronique perso. Je vous propose l'hiver et notamment son ouverture orchestrale de l'hiver, sujet du jour. La musique très douce semble suggérer l'immobilisme de la nature en hiver, les arbres pétrifiés par le givre, le silence des animaux qui hibernent, la quiétude d'une famille rassemblée devant l'âtre. Une pièce sublime de moins de 3 minutes… Plus loin... un air de soprano chantée par Helen Donath accompagnée par le chœur…
Nous écoutons l'introduction de l'hiver lors d'un live de 2012.



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Antonio Vivaldi : les Quatre Saisons : L'hiver

Lors d'une chronique précédente, j'avais opposé (par le haut) les interprétations des "Quatre Saisons" du Prêtre Roux par Janine Jansen (une approche intimiste et chambriste) et par Giuliano Carmignola à Venise (une interprétation emprunte de folie).
Cet article avait été publié le jour du printemps 2012. Je parlais de mille et une versions discographiques. Bien entendu, à coté de ma sélection, il existe de très belles interprétations avec des options de sonorité et de rythme les plus variées, une possibilité qu'offre cette musique d'une grande richesse…
L'hiver comprend trois mouvements comme tous les concertos baroques avec un programme précis en forme de poème. Nous sommes dans un univers descriptif :

On écoute une version très vivante, celle de Fabio Biondi et de l'ensemble Europe Galante.


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Quelques disques au pied du sapin



Le nombre d'enregistrements des trois premières symphonies de Tchaïkovski est moindre que celui du cycle du destin avec la "pathétique" en point d'orgue. En dehors de l'album Gergiev récemment paru et de l'intégrale Mutti qui illustre cette chronique, on pourra acquérir sans arrière-pensée la compilation des œuvres symphoniques par Herbert von Karajan, excellent serviteur du compositeur russe (un coffret de 8 CD Dgg avec les concertos interprétés de mains de maître par Sviatoslav Richter et Christian Ferras 6/6). Pour la première symphonie seule, essayez de trouver d'occasion l'interprétation raffinée de Michael Tilson-Thomas avec le Symphonique de Boston (Dgg 5/6).
Comme souvent pour les œuvres de l'époque classique telles "Les Saisons" de Haydn, les conceptions "à l'ancienne", sur instruments modernes, s'opposent à un retour aux sources avec des instruments d'époque et une recherche d'authenticité historique. Pour la première approche, l'interprétation de Karl Böhm à Vienne avec Gundula Janowitz, Peter Schreir et Martti Talvela en 1967 me parait indémodable et de plus servie par un prise de son éblouissante (les galettes vinyles surpassent les CD !). René Jacobs offre une lecture enchantée, aux mille couleurs pour la conception dans le style début XIXème… (6/6 chacun, Dgg et HM).

X X X
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CDs Valery Gergiev et Fabio Biondi

3 commentaires:

  1. ha !!! Enfin la première de Tchaikovsky ! Merci Claude !

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  2. Sonia de Guéméné15/12/12 13:33

    z'avez bien fait d'insister M'ieur Pat, c'est beau!

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  3. Attention de ne pas prendre froid Sonia et Pat, une petite vodka c'est excellent dans ces contrées glaciales...
    Caaat.... 3 Vodka s'il te plaît !!!!!!!!!!

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