Que cela fait du bien de retrouver des enregistrements publics de cet acabit. Sans prétention, sans pathos, sans artifices, mais nullement dénués de bonnes et saines sensations. Une perception qui ramène à l'époque bénie où l'industrie musicale n'avait pas encore totalement mis la main sur la créativité des artistes, laissant ainsi le champ libre à leur inspiration.
Miller Anderson, certainement un parfait inconnu pour beaucoup malgré une riche carrière, a été considéré comme une valeur sûre du Blues-rock anglais, de la fin des 60's à une bonne partie des 70's.
Guitariste, chanteur et compositeur écossais, né le 24 avril 1945 à Houston (1), il enregistra ses premiers 45 tours dès 1965. En 66 et 67, il joue dans deux formations où Ian Hunter tient la basse, dont l'une avec Freddie Fingers Lee. Il se fait connaître en intégrant le groupe de Keef Hartley (2) en 1968, où il tient un rôle prédominant, au point que, lorsqu'il quitte cette formation en 71, après cinq disques dont un live, elle perd toute saveur, et s'arrête définitivement après un dernier disque. Il a par la suite une carrière chaotique en intégrant des groupes éphémères, ou ne faisant qu'un passage dans diverses formations, incapable de se fixer sur un projet à long terme. Le destin intervenant parfois de façon tragique. Jugez plutôt. En 1973, fondation du groupe Hemlock, un album éponyme et une tournée avec Savoy-Brown. L'année suivante il rejoint Savoy-Brown pour l'album « Boogie Brothers » avec Stan Webb (de Chicken Shack). En 1975, après un court passage chez « Blood, Sweat & Tears », il fonde Dog Soldier avec Keef Hartley (qui quitte le groupe après l'enregistrement de l'album) pour un Heavy-Rock bluesy penchant parfois vers un Progressif de bon aloi ; toutefois, on ne renoue pas avec la qualité de certains disques du Keef Hartley Band. Toujours la même année il rejoint Mick Taylor, avec d'anciens membres de Stone the Crows, mais Mick lui piquant la place de chanteur lead, il préfère s'éclipser.
De 1976 à 77, il accompagne Marc Bolan au sein de T.Rex, avec qui il enregistre « Dandy in the Underworld ». Après une parenthèse avec Donovan, il doit réintégrer T.Rex mais Bolan décède dans un accident de voiture. En 1978, il s'associe avec Jimmy McCullough (Stone the Crows, Wings, Small Faces) pour monter The Dukes. Malheureusement, Jimmy décède d'overdose le 27 septembre 79, quelques mois après la sortie du disque.
En 1982 et à nouveau en 84, il retrouve Stan Webb pour une nouvelle formation de Chicken Shack dans laquelle il joue de la basse. Instrument qu'il gardera pour la reformation de Mountain, en 1985, qu'il abandonne lors des sessions de « Go For Your Life ». Enfin, il se fixe avec la reformation du Spencer Davis Group mais seulement pour des concerts occasionnels. Tout récemment, il a joué sur le " Picture Within' " de Jon Lord, et participé au Jon Lord Blues Project aux côtés de la chanteuse écossaise Maggie Bell (Stone the Crows). Parallèlement, depuis 1998, il suit une carrière solo avec trois disques à son actif.
Lors de ses concerts sous son propre nom, Miller Anderson présente un échantillonnage judicieux de compositions qui ont émaillées sa longue carrière. En l'occurrence, il choisit principalement les plus fortement marquées par le Blues, celles qui s'adaptent le mieux à la scène pour un quatuor. C'est-à-dire qu'il privilégie les compositions foncièrement Blues-rock, au détriment de celles qui s'ornaient de couleurs jazz, soul et/ou fortement cuivrées.
Précédemment, un double live, « From Lizard Rock ! », plus complet, plus conséquent, a été édité. Néanmoins, ce « Live at Rockpalast » garde ma préférence car il va à l'essentiel. En effet, la durée du set, plus courte, force le groupe, pour convaincre et séduire dans un laps de temps réduit, à exclure la partie acoustique pour se recentrer sur une prestation plus énergique et directe. Sur le précédent, Miller se perdait parfois dans des explications nostalgiques de ses expériences passées, alors qu'ici, il réduit ses commentaires au strict minimum.
Le son est également plus cru et plus chaud. Et l'atmosphère nous ramène plus volontiers aux temps héroïques du « Recorded Live », du "Live '75" et du « Live in Boston ».
Si, hormis le batteur, les membres du groupe affichent un certain âge au compteur, le début du concert ne trahit pas moins une irrésistible envie de jouer avec
trois vrais-faux départs marqués par différents riffs assez costauds, avant d'enchaîner sur leur set qui trempe dans un Blues lesté de Rock dans la pure tradition des groupes émergeant du British-blues.
On pense parfois aussi au Mayall (ère Silvertone), à After Tea, à Andy Aledort, à James Gang, à Livin' Blues, à Savoy-Brown (avec une facette boogie bien moins prononcée), au Chicken Shack d' "Imagination Lady", et bien évidemment au Keef Hartley Band (sans les cuivres).
Les consonances évoquent parfois un Ten-Years-After comme on pouvait le retrouver en live, en 73 et 74.
Par contre, point de chorus échevelés à 100 à l'heure comparables à celui qui fût un temps considéré comme le guitariste le plus rapide de son temps, néanmoins on retrouve souvent un grain fort semblable à la fameuse ES-335 bardée d'autocollants (Miller joue parfois sur une demi-caisse Höfner d'inspiration Gibson demi-caisse - modèles Verythin Guitar et New President), avec un chouïa de sustain supplémentaire. Et surtout une wah-wah maîtrisée et bienvenue qui vient magnifier quelques chorus, soli et rythmiques.
Même les claviers sonne parfois comme Chuck Churchill (en plus présent), en penchant toutefois aussi vers un Jon Lord (en plus discret) ; probant sur l'improvisation de Boogie Brothers reflétant les vapeurs mauves nourries de classicisme de ce dernier.
Miller, en bon vieux briscard, sait ne pas trop en faire ; nonobstant la durée relativement longue des interprétations, ni lui-même, ni Frank Tischer, le claviériste, ne font preuve d'esbroufe en se lançant dans des envolées solitaires, ou des breaks déstructurants.
Anderson, en onze chansons, survole sa carrière. Du Keef Hartley Band dont il reprend trois titres du premier opus (avec « Sinnin' For You » joué à Woodstock lors de la deuxième journée, juste avant Santana, mais non filmé) à sa récente carrière sous son propre nom, avec deux arrêts rappelant son passage chez Savoy Brown et T.Rex.
Malgré toutes ses références au passé, la musique ne paraît jamais nostalgique ou surannée. Même « Spoonful », en dépit de son lourd passé, sa base simpliste et ses huit minutes, parvient aisément à convaincre.
Toutefois, les fers de lance sont représentés par les compostions récentes ; notamment le délicieux blues-rock baigné de wah-wah nonchalante "High Tide and High Water" et son petit frère, plus posé, "Fallin' Back into The Blues". "Boogie Brothers" dépote pas mal, enrichi pas son impro purplelienne et son avant-dernière mesure qui dérive vers ZZ-Top. A côté, la version originale, présente sur l'album du même nom, paraît presque timide.
On peut néanmoins regretter un « I Love to Boogie » qui, en comparaison du reste de la cargaison, semble un peu léger.
Miller et son groupe ont offert le 19 mars 2010 en toute simplicité, sans retenue et avec foi, un bon concert de Blues-Rock entre British-blues et Heavy-Rock naissant.
(1) Non, pas du Texas, d'Ecosse.
(2) Keef Hartley, personne riche en couleurs, passionné par les amérindiens, il s'habillait comme eux et vantait, à qui voulait bien l'entendre, les bienfaits de leur mode de vie. Il débuta avec The Artwoods, groupe dans lequel officiait un certain Jon Lord, puis avec John Mayall (on le retrouve sur les opus "Crusade" et "The Blues Alone") avec qui cela ne se passa pas très bien. Il décéda le 26 novembre 2011, à l'âge de 67 ans, dans l'indifférence générale.
- City Blues - 5:42 (Miller Anderson)
- Sinnin' For You - 7:29 (Dines, Finnegan, Hartley, Hewtson) sur Halfbreed de Keef Hartley Band
- Boogie Brothers - 6:47 (Miller Anderson) sur Boogie Brothers de Savoy Brown
- I Love to Boogie - 3:13 (Marc Bolan) sur Dandy in the Underworld de T-Rex (1ère carrière en single en 76)
- High Tide And High Water - 9:50 (Miller Anderson)
- Fallin' Back Into The Blues - 6:33 (Miller Anderson)
- Just To Cry - 6:43 (Dinnega, Lowther) sur Halfbreed de Keef Hartley Band
- Think It Over - 4:38 (BB King) sur Halfbreed de Keef Hartley Band
- Houston - 4:35 (Miller Anderson)
- Little Man Dancing - 8:02 (Miller Anderson)
- Spoonful - 8:07 (Willie Dixon)
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