mardi 27 décembre 2011

LES ETRENNES DE FREDDIE par FreddieJazz

Si vous avez raté le Noël de votre concierge, ne ratez pas ses étrennes ! Freddie a sélectionné pour vous la crème de la crème, que du six étoiles...





Miles Davis – Live in Europe
(Sony Columbia records, 2011)

Déjà chroniqué sur le déblocnot, nous vous invitons à suivre le guide... euh, le lien !
La chronique du "live" et l'hommage à Miles Davis


John Surman - Flashpoint : Ndr Jazz Workshop
(Cuneiform records, 2011)
Cuneiform records nous gratifie d’un inédit (cd + vidéo) du plus brillant saxophoniste anglais de la scène contemporaine : John Surman. Un enregistrement de 1969 dans les studios de l’Atelier NDR (période free du saxophoniste qui venait d’enregistrer un pianoless trio remarquable aux côtés de Barre Philips et Stu Martin). L'Atelier Jazz NDR était une émission hebdomadaire allemande mettant en vedette toutes sortes de jazzmen de l'époque. Pour cette occasion, Surman a conduit un ensemble de dix musiciens mettant en vedette la crème des musiciens modernes de la scène british : John Surman – au sax soprano et baryton, Kenny Wheeler – à la trompette et au bugle, Mike Osborne – au sax alto, Alan Skidmore au sax ténor et à la flûte, Ronnie Scott au sax ténor, Malcolm Griffiths au trombone, Harry Miller à la contrebasse et Alan Jackson à la batterie, ainsi que deux musiciens autrichiens, Fritz Pauer au piano (un jeu très inspiré par McCoy Tyner) et Erich Kleinschuster au trombone. Capté comme une session « live », le tentet nous offre une musique roborative, virile, avec des arrangements d’une beauté formelle exceptionnelle. Les musiciens sont tous impliqués dans ce projet, et jamais l’on ne sent un leadeur conduisant les autres musiciens. Discussions à bâtons rompus avant l’exécution de telle et telle pièce, débat sur l’improvisation. Bref, nous avons droit à la fois à une musique libertaire et au témoignage d’une époque (la fin des années 60) où un vent de liberté soufflait sur tous les participants. Images croustillantes en noir et blanc, son mono de qualité exceptionnelle, cette session est à couper le souffle.




Gary Burton – Common Ground 
(Mac Avenue records, 2011)

Entamant la sixième décennie de sa carrière (cf. son premier LP, New Vibe Man in Town, fut enregistré en juillet 1961), le vibraphoniste Gary Burton, qui a toujours su laisser mûrir en lui la musique comme un vieil Armagnac, nous convie à une superbe dégustation. Qu'on se le dise ici, cet album va vite faire figure d'événement et sera certainement à ranger parmi les grandes réussites jazz de l'année 2011. Et cet hiver, croyez-moi, il pourrait bien réchauffer les chaumières et mettre un peu de baume à nos cœurs. « Common Ground » annonce donc, pour notre plus grand plaisir, l'arrivée d'un nouveau quartette tout acoustique (le vibraphone associé à la guitare), et c'est carrément l'un des meilleurs que Gary Burton n'ait jamais eu, depuis son association avec le guitariste Mick Goodrick (cf. son album New Quartet chez ECM, 1973). Et la surprise est de taille avec Julian Lage qui possède un jeu d'une finesse et d'une profondeur à toute épreuve. Ce type a une imagination débordante, que c'en est exaltant. Le guitariste évoquera tantôt Jim Hall tantôt Joe Pass. Un sens de l'économie (Jim Hall) et une technicité pour ne pas dire une exubérance toute juvénile (Joe Pass). Soutenu par une rythmique à la fois souple et solide, les deux solistes peuvent s'en donner à coeur joie. Surtout que le répertoire est de premier choix.




John Lindberg – Tripolar
(Jazzwerkstatt records, 2011)

Tout d'abord, les musiciens de jazz sont une « race » de gens bien différents. Ils parlent de métaphores obscures et utiliser la logique asymétrique, ce qui est bien souvent. Cela dit, Tripolar du contrebassiste John Lindberg (l’un des musiciens les plus passionnants avec Mario Pavone et Jean-Jacques Avenel) est un ensemble iconoclaste (contrebasse, sax soprano et baryton et percussions ou vibraphone). Un disque enivrant que l’on ne manquera pas, si l’on est ouvert à ce genre de « musique créative » (terme mis en avant aux Etats-Unis par le trompettiste Wadada Leo Smith). Puissant et roboratif, nous avons droit à un album de free jazz, entre swing et modal, linéarités abstraites au niveau de la thématique, schizophrénie interne hallucinante, improvisation au sommet. Trois musiciens donc : Don Davis aux saxes, John Linberg à la contrebasse (quelle puissance), et Piertro Bandini aux percussions et vibraphone. Harmonies et phrasé sont dans la droite lignée de Steve Lacy (Skip). Le sax de Davis est lyrique et joue des riff allant progressivement vers les basses. Synchronisation et interaction au sommet (One For Ayler), ruptures de tempo à n’en plus finir, nos trois comparses ne sont pas dépourvus d’élégance non plus en terme d’arrangements harmonique (Zone 6). En conclusion, ces trois garçons jouent dans l’instant, avec une rage et une passion qui laissent pantois. Ils se nourrissent de l'intensité de chacun, et n’ont jamais peur d'être fantaisiste et encore moins de faire un virage serré. Composer en improvisant, improviser en composant, voilà leur adage. Pour moi, le choix est clair et évident : c’est ce disque qu’il faut d’abord se procurer.


François Carrier – Entrance 3
(Ayler records)

François Carrier, saxophoniste alto canadien n’est plus un inconnu dans la stratosphère du jazz. Le label Ayler records nous livre ici un enregistrement de toute beauté: quatre pièces captées « live » par un quartette exceptionnel. François Carrier au sax alto donc, Bobo Stenson au piano, Pierre Côté à la contrebasse et le fidèle Michel Lambert à la batterie. Un enregistrement exceptionnel pour une configuration et une intensité qui nous rappellera parfois celle du quartette classique de John Coltrane. Interactions au sommet, une puissance et un imaginaire inouïs, des explorations harmoniques à n’en plus finir, variations savoureuses sur un même thème. Nos quatre comparses s’en donnent à cœur joie. Loin des clichés du genre, loin de tout pompiérisme et néo-revival, loin de tout esprit démago, le quartette donne à entendre une expérience. La présence de Bobo Stenson qui s’est joint à l’équipage apporte son lot de surprises. Un engagement hors pair, une puissance au clavier, jamais de la redite et encore moins de la facilité (chose rare chez les pianistes). Son jeu nous parle de joie mais aussi de douleur. Il en rejaillit un plaisir partagé, une interaction de tous les instants. Porté par une paire rythmique toujours en mouvement, Carrier promène son saxophone comme une figure de proue fendant l’horizon inconnu qui s’offre au quartette, Stenson venant commenter et enrichir de mille détails chacune de ses trouvailles avec un stupéfiant sens de l’à-propos. Les solos de chacun sont de petites merveilles de construction mélodiques et rythmiques. Musique à la fois circulaire et ouverte, constamment roborative, grâce à la maîtrise de la construction musicale de ce quartette. Une merveille comme Ayler Records nous en réserve tant.

François Couturier – Tarkovsky Quartet
(ECM, 2011)

L'un des plus beaux disques de 2011. A ne pas manquer. Le quartette fondé par le pianiste François nous livre ici un cédé intimiste de toute beauté. Paru chez ECM en mai 2011, Tarkovsky Quartet est plutôt passé inaperçu... Puisant son inspiration principale dans les films d'Andrey Tarkovsky tout en s'ouvrant à d'autres influences (musique contemporaine essentiellement), les références à J.S. Bach et Chostakovitch sont évidentes ("Tiapa" par exemple) mais l'on a droit aussi à de magnifiques séquences d'improvisation, des pièces composées avec talent et interprétées avec beaucoup d'inspiration (l'admirable "Mychkine"). Le résultat est peut-être d'une beauté austère, marquée par le sceau d'un autre monde, imaginaire mais pas si lointain, finalement, où la nuit côtoierait le froid boréal de Sibérie, ou bien encore un voyage vers la Volga. Les nuances sont subtiles et évocatrices d'une soif insatiable de se connecter avec les profondeurs de l'esprit, comme le disait un magazine anglais lors de la parution de leur précédent opus. Aux côtés de François Couturier, l'on retrouve l'accordéoniste Jean-Louis Matinier (que l'on a entendu aux côtés de Louis Sclavis et Anouar Brahem), le saxophoniste Jean-Marc Larché et la violoncelliste allemande Anja Lechner (entendue aux côtés de Misha Alperin), que le trio de musiciens français avait découverte à l'occasion de l'enregistrement de "Nostalghia" (ECM, 2009). Les musiciens y déploient une musique à la fois intime et fastueuse, ne tombant jamais dans la redite ou l'ennui. Au contraire, elle se hisse à des sommets et des hauteurs familières au cinéaste. Pour moi, une vraie révélation. Difficile de décrire cette musique qui parvient, comme le dit Laurent Poiget dans Citizen Jazz, à une telle force avec si peu de moyens. L'ensemble est tout acoustique et constitue un souffle unique dans le monde musical. A réserver aux amateurs de grande Musique, de celle qui est profonde, de celle qui parle à notre esprit, le nourrit et le soulage de mille maux... Espérons qu'une tournée européenne suivra cette opus, qui encore une fois, sort des sentiers battus.

Et on retrouve Gary Burton dans le classique "Afro blue", une composition de Mongo Santamaria, popularisée par John Coltrane. Ca se passait à Vienne, en 2010.

2 commentaires:

  1. Je n'en suis pas certain, mais votre commentateur semble quelque peu obsédé par la musique de jazz. Si j'étais vous, je me méfierais! Amitiés, Fritz Langlois.

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  2. Ben, contractuellement, il écrit sur la musique jazz, donc ça tombe bien ! Salut à toi Fritz, ça fait plaisir de te voir par chez nous !

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