samedi 12 mars 2011

WILLY VLAUTIN "Motel life" (2006) par FOXY LADY


« Motel Life » est le 1er roman de Willy Vlautin, auteur, compositeur et interprète du groupe Richmond Fontaine, dont je vous ai déjà parlé lors de mon coup de cœur pour le roman « Plein Nord ».


« Motel Life » nous raconte le voyage sans retour de Franck et Jerry Lee Flannigan, 2 jeunes frères, après que Jerry Lee ai, accidentellement, renversé un jeune garçon sur une route enneigée. Mauvais endroit, mauvais moment, sale coup de la vie… Sous l’effet de la panique, les 2 frères décident d’abandonner le corps devant un hôpital et de prendre la fuite dans leur vieille voiture, un voyage voué à l’échec, entre regret et culpabilité, une fuite en avant qui ne les mènera nul part…




On peut ne pas adhérer à l’univers de Vlautin, univers souvent dramatique, mais on ne peut qu’en reconnaître la force et l’authenticité. Ouvrir un roman comme « Motel Life », s’est accepter de se brûler les ailes, accepter de faire un voyage parfois douloureux, amère ou violent, c’est tout simplement accepter de prendre une bonne claque en plein visage. Les romans de Vlautin ne sont pas de ceux qui se racontent, mais de ceux qui se vivent.
Ecrit à la 1ère personne, ce qui le rend d’autant plus vrai, entre présent et passé, « Motel Life » est le récit de 2 garçons confrontés trop tôt aux affres de la vie : une mère qui décède en les laissant orphelins, un père absent qui n’est pas un mauvais bougre mais qui a le vice du jeu, une famille qui ne s’intéresse pas à eux, au bout du compte, personne sur qui compter à part eux même, contraint d’être des adultes alors que ce ne sont que des gosses. Au milieu de cette longue errance, quelques belles rencontres, comme seul Vlautin sait les écrire, des êtres bourrés d’humanité, des cœurs boiteux sur qui il est difficile de se reposer mais qui ont le mérite d’être présents, comme Tommy ou Earl Hurley.
Avec son récit d’une incroyable intensité, Vlautin nous fait nous interroger sur les conséquences de nos actes, sur la culpabilité, sur le fait d’essayer de se construire alors que tout espoir semble perdu. Jerry Lee se pose souvent cette question : pourquoi je vivrais alors que j’ai pris une vie ? Comment vivre avec ce poids sur ses épaules alors qu’on se sent déjà minable et inutile ?


Comme dans « Plein Nord », on a les tripes à l’air, on aimerait parfois pleurer, se révolter, tendre une main à ces 2 âmes perdues, mais l’auteur est au dessus de ça : pas de misérabilisme, pas de sentiments surfaits, il n’en fait pas trop, il dose parfaitement chaque mots et nous embarque avec ses personnages dans une virée faite de vaines chimères et de rêves brisés. Le personnage d’Annie James, petite amie de Frank, est absolument renversant. La encore, on effleure du bout des doigts une vie détruite qui tente inlassablement de se reconstruire malgré sa mère, et malgré les coups de la vie.


Il faut garder à l’esprit que les romans de Vlautin nous raconte des tranches de vie, trop souvent tragique, qui sonne juste et nous marque longtemps. Alors bien sûr, on est loin des univers édulcorés qui trônent parfois dans les librairies, et qui sont dans le top 10 des ventes, mais au moins, on est dans une histoire, une vraie, et comme je l’ai déjà dis précédemment, qu’on aime ou qu’on déteste, on ne peut pas rester indifférent.


A noter que le cinéma et la musique ne sont jamais très éloignés des romans de Vlautin, nombreuses références à des films ou a des chanteurs de country dans son livre.


« Motel Life » est un roman unique en son genre : sobre, mélancolique, mais incroyablement beau. La fatalité semble tout balayer sur son passage, et ne laisse que cendres et désolation. Et pourtant, au milieu de toute cette tristesse, Vlautin laisse toujours une porte ouverte à l’espoir, car comme le dis Frank à la fin du roman « avoir l’espoir c’est mieux que rien du tout ».


Extrait du roman : « La malchance. Tous les jours elle tombe sur quelqu’un. C’est une des rares choses dont on puisse être sûr. Elle attend son heure, toujours prête à s’abattre sur le premier venu. Le pire, et c’est ça qui me terrifie, c’est qu’on ne peut jamais savoir quand et sur qui elle va tomber. Mais ce matin là, en voyant les bras raidis du gosse sur la banquette arrière, j’ai tout de suite compris que la malchance nous était tombée dessus, mon frère et moi. »


228 pages, collection Terre d’Amérique.
a lire également la chronique sur "Plein Nord" du même auteur: Plein Nord


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