lundi 14 mars 2011

THE EAGLES - "Hotel California" (1976) par Philou

Le déclin de l'empire californien.

35 ans après sa sortie "Hotel California" reste et restera l'album étalon des Aigles de Los Angeles.
Enregistré aux Critères Studios à Miami (Florida) et au  Record Plant de Los Angeles (California), les EAGLES mettront huit longs mois, de mars à octobre 1976, pour édifier ce monument historique.
Depuis "On The Border" (1974), le groupe s'est sensiblement éloigné de leur style country & western qui le caractérisait jusque là. Ce changement se confirme avec "One Of These Nights" l'année suivante, provoquant le départ de Bernie Leadon.
Avec l'arrivée de Joe Walsh, l'ex-guitariste du "James Gang", nombreux étaient les observateurs qui ne donnaient pas cher du plumage des EAGLES. En effet, ils craignaient que l'arrivée de Joe Walsh allait déstabiliser l'alchimie du groupe, que nenni ! Et en plus en live, il apporte une énergie supplémentaire à un duo de guitaristes (Don Felder et Glenn Frey) qui n'était déjà pas des manchots à la six cordes.



Le groupe aidé par le producteur au nom imprononçable, Bill Szymczyk, sort en décembre 1976, son album le plus abouti que ce soit au niveau de ses compositions, de sa structure ou de ses arrangements.
Les EAGLES ont changés d'époque, finit les cow-boys au milieu du désert des Mojaves, ils se retrouvent en Ford Mustang Cobra II sur la Santa Monica Freeway, roulant à toute allure et toujours sur la ligne blanche.


En à peine 3 ans, la société californienne à bien changée, l'utopisme à disparu, remplacé par une morale plus que douteuse, la cocaïne a pris la place de la marijuana, la débauche celui du romantisme et la nostalgie, celle de l'espoir. 
En chantant le délabrement la société californienne, notre quintet cocaïné, va explorer le coté obscur du rêve américain.


L'intro magistrale à la Gibson douze cordes de Don Felder sur la chanson "Hotel California" plante immédiatement le décor, le vent chaud vous caresse le visage et le rythme reggae de la guitare soyeuse de Glenn Frey vous transporte dans un lieu imaginaire où les starlettes d'Hollywood croisent les dealers de South L.A.  La pochette représente, au crépuscule, en réalité, le "Beverly Hills Hotel" à Los Angeles (plus connu sous le nom "The Pink Palace").
Don Felder & Joe Walsh
Les voyageurs qui s'y sont arrêtés parlent des excès de la vie en tournée, des voitures de luxe, des femmes fatales, de drogues et d'alcool, beaucoup trop de drogues et beaucoup trop d'alcool. Le récit édifiant, porté par la superbe voix de Don Henley se termine par un shoot final où Joe Walsh et Don Felder à l'unisson, dans un duel brulant de guitares, graveront à jamais l'un des solos des plus mémorable de l'histoire du Rock.

Cette chanson sera leur plus gros succès et tout l'art des EAGLES est contenu dans ce titre de 6 mn 30 qui allait leur ouvrir définitivement les portes du panthéon du rock. Aujourd'hui encore, il est difficile de décrypter les paroles à double sens de cette œuvre intemporelle, une métaphore obscure sur l'American Dream.

Joe Walsh
Retour à plus de légèreté et de douceur sur "New Kid In Town" qui évoque "l' American Way of Life" des adolescents qui grandissent dans les petites villes tranquilles de Californie. La mélodie se fait charmeuse et la voix de Glenn Frey est admirablement portée par des harmonie vocales aussi luxuriantes que l'intérieur d'un palace de Beverly Hills. En single, ce sera également un énorme hit, tout comme "Life In The Fast Lane", le titre le plus dur des EAGLES emmené de doigts de maitre par un Joe Walsh pourtant à cours d'idée après son album solo. En deux temps, trois mouvements, il réussit à nous torcher le riff d'ouverture qui nous explose les neurones et nous laisse complétement groggy.
 Don Henley, qui de plus en plus, a pris les rênes du groupe, montre sur "Wasted Time" qu'il est un grand chanteur. Tout au long de cette pièce symphonique, il se lamente sur le temps perdu, probablement sur la route et le destin des musicien qui ne peuvent s'accrocher à des relations durables.
"Victim Of Love"  est la chanson idéale pour explorer la face rock la plus dure des EAGLES cette fois, plus simplement, mais sans jamais négliger les arrangements minutieux, avec Joe Walsh et Don Felder en démonstration sur leurs Fender et Gibson respectives.
La voix nasillarde de Joe Walsh est le fil conducteur de la plage suivante, "Pretty Maids All In A Row", il nous prouve qu'en plus d'être un guitariste hors norme, il est également un très bon compositeur.

Bye, Bye, Randy...

Randy Meisner en partance pour le Nebraska, offre à ses compagnons, un beau cadeau d'adieu : "Try And Love Again", une dernière ballade remplie de romantisme et de sensibilité.  Les quelques royalties ramassées avec les EAGLES, lui permettront de s'acheter un ranch afin de se reposer de toutes ses années en tournée. Il sera remplacé par Timothy B. Schmitt (ex-POCO).
"The Last Resort", la dernière chanson de l'album, est  peut-être la plus grande réussite de l'ensemble de la carrière des EAGLES. Elle raconte l'histoire de la croissance de la civilisation américaine dans l'ouest du pays et le massacre des Indiens par les colons. La voix émouvante de Don Henley vous donne des frissons, à la fois douce et révoltée, portée par des envolées irrésistibles de mellotron et de synthétiseur.



Loin de présenter la Californie comme un art de vivre, le groupe nous montre ici l'envers du décor et dépeint une image peu reluisante du show-business. Il dénonce la pourriture de la société californienne, sa sophistication de pacotille et surtout le cynisme de l'industrie du disque américaine florissante (à l'époque !) dont les EAGLES, très confortablement enfermés dans une prison dorée, étaient les portes drapeaux.
Dans une interview de 1995, Don Henley décrira la chanson "Hotel California" comme "une sorte de capture de l'air du temps de l'époque, qui était un moment de grand excès dans ce pays et dans le monde de la musique en particulier."

Fait pas la gueule Joe, t'es riche !!!


Chris Hillman en 1998 dira dans une interview : " Les Byrds ont été les pionniers du country rock, Gram Parsons et moi l'avons défini et les Eagles sont passés à la caisse".
En effet, des albums Don Henley and Co vont en vendre des wagons entiers de "Hotel California" et après 8 semaines comme n°1 dans les charts US, plus de 20 millions d'exemplaires seront écoulés dans le monde entier à ce jour !!! 


A lire également   
"Eagles" (1972) par Philou 
"Desperado"(1973) par Philou                  





VIDÉO : le tube interplanétaire "Hotel California" Live



14 commentaires:

  1. Claude Toon14/3/11 16:30

    Ah ! La fin des seventies. Avec une copine, avachis sur un canapé low cost, on écoutait en boucle Hotel California – Vivaldi - Hotel California – Beethovent (la 5) - Hotel California – etc..
    Sniff, j’étais jeune...
    Dans The Big Lebowsky, les Gipsy King ont réactualisé le tube. Bonne idée.

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  2. SONDAGE EXPRESS : y'a quelqu'un qui ne possède pas cet album sur cette Terre ? C'est vrai que cela nous replonge dans de bons souvenirs, quand mon frangin a ramené ça à la maison... J'ai frappé mes coussins comme un sourd sur le titre phare de l'album, pas trop rapide, régulier, long : impeccable.

    Comme tu le soulignes, ce disque évoque aussi les excès du showbiz, le sale revers, alors que les 5 gugusses n'étaient pas les derniers pour la déconne ! Je ne sais pas comment ils faisaient pour tenir debout sur scène ! Surtout après ce succès-là, tout leur était permis. Désolé de noircir l'image de Don Henley, mais il semblerait qu'il se soit lâché presque au grand jour avec de très très très jeunes filles, copieusement chargées, ce qui lui a valu qulques soucis judiciaires...

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  3. De tous petits excès ....en 1981 Don Henley s'est tiré in extrémis d'une sale affaire de détournement de mineure, assortie d'incitation à la débauche et de possession de 22 grs de coke. Le batteur risquait de passer quelques années derrière les barreaux, mais ses avocat ont bien plaidé...une p'tite amende et une p'tite cure de désintox et c'est reparti !!!
    Si on peut plus s'amuser, non mais !!!

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  4. aaaaahhhh la gibson de Don Felder et la telecaster de Joe Walsh...

    oooàohhhh que je me suis usé les doigts sur ce solo mythique...

    :o)

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  5. Shuffle master15/3/11 13:37

    le premier, qui n'a d'ailleurs pas grand chose de country & western...., est bien meilleur. Je n'aime pas ce disque, que j'ai aussi, comme tout le monde...

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  6. Je l'avais échangé contre "Bomber". Un disque de blues électrique psyché avec Clarke, Taylor et un 3ème dont j'ai oublié le nom.
    Depuis, je l'ai repris en CD ; pour ma femme...

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  7. Dans le 1er album des Eagles on trouve "Train Leaves Here This Morning" écrit par Guy Clark, bien connu dans le milieu du bluegrass/country & Bernie Leadon(un as du banjo)et également "Earlybird" de B.Leadon & R.Meisner.... ça ressemble quand même plus à du country-rock qu'à du heavy-metal ou du prog rock,non ?

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  8. Shuffle master15/3/11 21:02

    Mmouais...Witchy woman, take the devil et tryin, c'est quand même assez dur,et ça n'a pas grand chose à voir avec la country ou le bluegrass. Quant aux morceaux dont tu parles, ils sont plus traités à la "californienne" qu'à la "deep south".

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  9. c'est pas de la pure country c'est sur...mais ce que je veux dire c'est que les 1ers albums des Eagles, on les place plutôt dans le style "Country / Rock". En plus quand tu regardes les pochettes de "On The Border" et "Desperado" c'est le désert, un serpent, un aigle, des cowboys, le far-west, on est quand même dans un concept country & western.

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  10. Shuffle master16/3/11 13:27

    Un point nous réunit:chacun veut avoir le dernier mot.

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  11. A l'attention de Philou : ce n'est pas Guy Clark, mais GENE CLARK. Un peu de respect pour sa mémoire tout de même, lui qui est l'auteur de "No other" un album franchement remarquable.
    Et puis, je suis d'accord avec shuffle master. Le premier album des Eagles vaut très largement cette bouse infâme qu'est "Hotel California". Je comprend d'ailleurs le départ de Bernie Leadon avec ce changement de direction voulu par Henley et Frey, même s'il a du s'en mordre les doigts avec ce succès phénoménal.

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  12. Autant pour moi, je voulais dire Gene Clark (un ex-Oiseau)!!!!
    Bouse infâme pour "Hotel California" c'est un peu exagérée quand même, non ? y a bien pire et la liste est longue....

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  13. c'est sur que des bouses infâmes comme Hotel California on en voudrait plus souvent de nos jours, n'est ce pas Justin Bieber ou Lady Caca..alors gardons un peu de relativité dans les jugements. Merci du passage,au fait, pensez à signer vos post , merci.

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  14. Bouse infâme c'est un poil exagéré, même si cet album est l'un des plus surestimés de l'histoire du rock. C'est vrai qu'à part la chanson-titre, le reste est d'un sirupeux qui laisse perplexe. Trop de coke finit par faire perdre de façon sournoise l'inspiration, et les Eagles ne font pas exception (la palme de la médiocrité revenant à l'album suivant "The Long Run").
    En tout cas, même si je ne partage pas ton avis dithyrambique, merci Philou pour ton excellent article et pour cette citation de Chris Hillman des plus croustillantes.
    riko38 (Grenoble)

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