Il y a un traitre parmi nous ! Oh la, le Philou, l’autre soir, il était remonté ! Il poursuit, crachotant ses chips sur la table : j’ai trouvé dans la salle de projection (fraichement munie d’un projecteur 35 mm) un jeton de participation à un conseil d’administration, autre que le notre ! Un jeton Carrefour-Promodès ! Y’en a ici qui arrondissent leurs fins de mois de manière malhonnête, qui frayent avec les capitaines d’industrie ! Sus aux renégats ! Rockin’ tente de le calmer, mais rien n’y fait. Rouge qu’il était le Philou en tambourinant la table. Il braque ses yeux méchants sur moi : Luc, c’est toi ? T’aurais des accointances avec le grand Kapital ? Tu ne ferais pas des heures sup au conseil de surveillance Carrefour, avec tes potes Thierry Breton, Nicolas Bazire, Jean Martin Folz ? Après tout, c’est toi qui utilise le plus la salle de projection pour préparer tes papiers… Je baisse les yeux, gêné, et fixe ma braguette. Tiens, elle est ouverte ! Ziiiip, c’est réglé. Bruno et Vincent lancent des « voyons Philou, ça pourrait être n’importe qui… ». Merci les gars, mais ça ne le calme pas. Elodie se pointe, en retard, des sacs de course sous le bras. Elle l’a mauvaise : « J’ai paumé mon jeton de caddie Carrefour, j’ai du mettre une pièce d'un euro, sans pouvoir la récupérer… personne ne l’aurait trouvé ? ». Un ange passe… « Qu'est-ce j'ai dit ? » qu'elle fait les yeux ronds. Philou regarde le jeton dans le plat de sa main, et le fait rouler sur la table vers Elodie. Le pauvre Philou, il s'est littéralement liquéfié devant nous... Faut te reposer un peu, que je lui dis. Tiens j’ai ce qu’il te faut, ça n’mange pas d’pain, mais c’est sympa…
Le film s’inspire des mémoires d’Elliot Tiber, puisque ce personnage, et son histoire, ont réellement existé.
Il me semble certain que pour apprécier cette fiction, mieux vaut connaître le documentaire. Ang Lee y utilise parfois le même procédé de double ou triple écran, et alterne les formats d’image, comme Wadleigh. Il s’amuse à recréer des scènes célèbres. Les embouteillages monstrueux, la boue, la pluie, Mike Lang sur son cheval blanc. A se demander parfois s’il ne s’agit pas d’images empruntées au documentaire, tellement le rendu est saisissant ! Mais pas une seule fois on ne verra la scène et les groupes. Le concert en lui-même est évacué. Tout juste entendrons-nous, au loin, quelques notes de musique. Ce film est davantage centré sur l’organisation, et surtout, les conséquences sur ce patelin, et la famille Tiber. Le père, ronchon, mais qui découvrira une seconde jeunesse, trinquant jusqu’au petit jour avec ses hôtes, et la mère, grippe-sous, râleuse, acariâtre, qui voit soudainement ses caisses se remplir. C’est aussi pour Elliot une initiation, l’occasion de gagner son indépendance, de sortir de l’adolescence, et d’affirmer son homosexualité (thème récurrent chez Ang Lee ).
Etonnant Liev Schreiber dans le rôle de Vilma.
Ces personnages sont tous attachants, comme aussi Vilma, un travelo joué par l’acteur Liev Schreiber, ou Billy, un pote de Elliot, juste revenu du Vietnam. Ang Lee avait déjà abordé l’époque post-hippie dans le sombre ICE STORM, film sur le réveil douloureux de cette génération. Ici tout est à la joie. Le film assume ce côté manichéen. Les hippies sont tous beaux et gentils, les banquiers sont tous véreux, les voisins conformistes et réacs. Mike Lang (interprété par Jonathan Groff) est idéalisé, toutes bouclettes dehors, éphèbe souriant, ou cette scène très drôle du flic venu casser du baba, et qui finalement arborera une fleur au casque, métamorphosé par l’ambiance et les effluves de pétards. C’est aussi grâce à cette aventure que Billy, envahi par des visions traumatisantes de la guerre, retrouvera ses souvenirs d’enfance, et la joie de vivre. HOTEL WOODSTOCK est axé sur la comédie, le divertissement, misant à fond sur la nostalgie. C’est un film très agréable à suivre. On regrettera quelques longueurs au milieu, lorsqu’Elliot se décide à aller voir de près de quoi il retourne. Il s’offre son premier trip à l’acide, une partie à trois, délire coloré un peu caricatural. Mais le film offre une reconstitution impressionnante de justesse, une galerie de personnages loufoques, et de très jolies scènes familiales. Comme cette dernière scène, l'après festival, où Elliot se retrouve à table avec ses parents dont il cherche à s'émanciper. Ou encore, lorsque son père dit à Elliot : vas-y, vas voir à quoi ça ressemble de plus près, tu as le droit aussi de t'amuser, d'en profiter, après tout le boulot que tu as abattu. Ouais, sympa, très sympa ce film...
Voilà un aimable complément à l'article de Bruno sur Beverly Jo Scott (mercredi 8/12). On écoute Beverly/Janis, puis on se replonge dans la folie hippie de Woodstock, que Ang Lee a merveilleusement mise en image dans ce film.
HOTEL WOODSTOCK "Taking Woodstock" (2009)
Produit et réalisé par Ang Lee
Scénario de James Schamus d'après l'œuvre de Elliot Tiber
Avec Demetri Martin, Imelda Staunton, Henry Goodman, Liev Schreiber, Emile Hirsch
Couleur – 1h50 – 1 :85
Vu qu'à moitié (je pensai que c'était une bouse), mais bien aimé quand même. Je croyais que c'était une fiction, bien ficelée et bien ancrée dans la (petite) histoire.
RépondreSupprimerLiev Schreiber et Imelda Staunton y sont excellents.
Personnellement j'adore les metteurs en scène maniaques, qui collent au mieux aux faits (jusqu'aux fringues)