Massimo Carlotto est un romancier italien, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il sait de quoi il parle… Révolutionnaire d’extrême gauche à la fin des années 70, il est accusé à tort de meurtre, passe onze fois en justice, écope de six ans de prison, et passe trois ans en cavale. Il commence à écrire en 1995, et crée un personnage de détective privé, l’Alligator, aux méthodes peu orthodoxes, très influencé par le Roman Noir américain. On retrouve ce privé dans LE MAITRE DES NŒUDS, polar poisseux et éprouvant sur fond de sadomasochisme. Ses romans noirs ont pour point commun un regard acerbe sur la société italienne, la corruption politique et judiciaire. C’est en 2001 que parait ARRIVEDERCI AMORE.
Massimo Carlotto, né à Padoue en 1956. Il vit en Sardaigne.
Ex-gauchiste, de retour d'Amérique du sud où il a raté sa révolution, Giorgo tente de refaire sa vie chez lui, en Italie. Mais son passé va vite le rattraper. Un policier lui proposera de vendre ses anciens complices pour blanchir son casier, avant de lui proposer de rentrer en affaire avec lui sur les coups plutôt louches... Est-t-on prêt à sacrifier ses idéaux, à trahir, à renier son passé pour se refaire une virginité sociale ? Voici quelques unes des questions abordées par ce livre, immense chef d'œuvre de concision, démonstration qu'un style épuré, travaillé, ciselé sur 200 pages en dit plus et mieux qu'un pavé de 800 ! Rien ne manque à cette aventure, l'intrigue haletante, les coups d'éclat, mais aussi et surtout, des personnages forts, marqués par la vie, à double ou triple facettes, et une vision très noire de la société, des rêves avortés d'ascension sociale. Le style et les personnages nous évoquent ceux de Jean Patrick Manchette : des paumés à qui la société à fait perdre leurs dernières illusions. C'est du pur roman noir, sombre et violent, concis, sans temps morts ni digression, sur fond de corruption, de politique où la morale fait office de paillasson. Immense et sans concession. ARRIVEDERCI AMORE, a été adapté en bande dessinée par Andrea Mutti, puis au cinéma par Michele Saovi, en 2006.
L’IMMENSE OBSCURITÉ DE LA MORT (2004) raconte l'histoire de Silvano qui perd sa femme et son enfant, assassinés de sang froid par un braqueur en fuite, Rafaello. Celui-ci, arrêté, jugé, purge une peine de 15 ans. Et pendant ce temps, Silvano, détruit, tente de reconstruire sa vie. Mais Rafaello est atteint du cancer, et sortira sans doute plus tôt de prison. Il va logiquement contacter son complice d'alors, et jouir de sa part de butin... Silvano sait que Rafaello est malade, il sait qu'il y a un complice, et il sait qu'il y a un butin... Raconté ainsi, nous avons une trame classique de polar, avec braquage foiré, et vengeance froide. Sauf qu'avec Massimo Carlotto, tout est dans la forme. Ici, il nous offre un roman à deux voix. Deux narrateurs. Silvano nous parle de sa souffrance de se retrouver seul, de sa nouvelle vie, et de la sourde vengeance qu'il met au point, persuadé que son statut de victime sur-médiatisé le met à l'abri des soupçons... Et Rafaello, le meurtrier, nous raconte son quotidien de taulard, de cancéreux, son espoir de sortir le plus vite possible pour récupérer sa part de butin, et partir crever au soleil.
Tout l'intérêt du livre vient de cette construction, de ces deux itinéraires de deux types qui ont tout perdu (l'un sa famille, sa vie, l'autre son fric, sa liberté), tous deux aux portes de la folie. Les barrières du bien ou du mal, les codes de moralité explosent en éclat, toutes les pistes sont rapidement brouillées. Les monstres ne sont pas toujours où on pense. La souffrance est au cœur de ce livre. La souffrance de la maladie qu'on atténue à coup de drogue. La souffrance du deuil, que Silvano tente de d'oublier dans une débauche de cruauté envers les rares personnes qui lui tendent la main. Le double récit se resserre au fur à mesure que l'intrigue avance, les chapitres se font plus courts, plus haletants, le dénouement se dessine, on le devine, on le craint, on n'y croit pas. Les hommes sont-ils vraiment capables de ça ?
Un roman passionnant, d'une noirceur absolue, d'une violence brutale, construit comme une tragédie, et animé par deux personnages jusqu'au boutistes.
RIEN, PLUS RIEN AU MONDE (2006) Ce livre est un récit, rédigé sous forme d'un monologue intérieur. Celui d'une femme, italienne, de 45 ans, qui végète dans son appartement, avec son mari ouvrier et leur fille de seize ans. Depuis longtemps, il ne se passe plus grand chose dans sa vie. Rien que la routine. Alors, elle nous raconte cette routine, les courses, les ménages, les diners à 4 euros 90, les programmes télé... Pour s'évader de ce quotidien, elle boit du Vermouth. Un peu plus chaque jour. Elle est pauvre, malheureuse, égrise, dangereuse, raciste, violente... folle.
Dans ce court récit Massimo Carlotto dresse le portrait d'une femme qui pourrait ressemblait à beaucoup d'autres. Ce qui rend son récit d'autant plus effrayant. Le style est réaliste, fait de phrases courtes, au langage parlé, qui n'est pas sans rappeler le style de LF Céline. Son héroïne se repaît de son malheur, crache son venin sur le monde entier, à commencer par son mari, un raté, et sa fille, une nullité. Son délire intérieur nous décrit sa vie, son enfance, son mariage, ses voisins, sa vie sexuelle, les espoirs contrariés misés sur sa jolie fille, ses déambulations au centre commercial... le tout de manière décousue, comme peuvent l'être les propos d'un alcoolique qui vous raconterait sa vie accoudé au zinc d'un bar. Et petit à petit le récit se fait plus angoissant, car on comprend que cette femme n'est pas simplement égrise, ou déçue, elle est devenue folle, sans contrôle, et sa violence menace d'éclater à tout moment. Une œuvre d’une grande densité tragique.
Romans parus aux éditions Métailié (photos), ainsi que Poche et Gallimard Série Noire.
ARRIVEDERCI AMORE, 156 pages
L'IMMENSE OBSCURITE DE LA MORT, 192 pages
RIEN PLUS RIEN AU MONDE, 61 pages
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