vendredi 4 juillet 2025

THE PHOENICIAN SCHEME de Wes Anderson (2025) par Luc B.


Les films de Wes Anderson se suivent et… se ressemblent. Le fait d’avoir changé de directeur photo (Robert Yeoman a longtemps été son partenaire, ici c’est le français Bruno Delbonne qui s'y colle) n’y change pas grand-chose. Des couleurs moins laiteuses, mais les cadres ultra géométriques sont les mêmes. C'est le style Anderson, bien connu, diversement apprécié, ligne claire, aplat, symétrie, deux axes, face et profil, travellings latéraux.

Même si cela relève maintenant de l’exercice de style, il faut avouer que la forme est toujours aussi séduisante, confine à la même maniaquerie. Le générique est très réussi, en plan fixe au zénith, une salle de bain, un homme dans sa baignoire, et un balai de nurses qui entrent et sortent, apportant à manger, à boire (bidet rempli de glace pour le champagne !) le tout filmé en léger ralenti. Le carrelage du sol s’accorde aux titrages.

Le début est épatant. La séquence dans l’avion nous renvoie aux sérials, au choix LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, TINTIN, OSS 117. Attentat, carlingue trouée, atterrissage aux forceps dans un champ de maïs. Le passager a pris les commandes après avoir "éjecté" son pilote incompétent. Il s’en sort indemne : c’est Zsa-zsa Korda, homme d’affaires milliardaire, il en est à sa sixième tentative de meurtre.

Père de neuf garçons, Korda lègue ses affaires et sa fortune à son unique fille Liesl, qui est nonne. Et l’embarque dans un dernier projet pharaonique (ne me demandez pas quoi, j’ai rien pigé) à la recherche d’investisseurs, pourchassé par un consortium de je ne sais quoi, des espions, des tueurs.

Cette histoire de magna égocentrique mystérieux sur fond d'espionnage m’a rappelé MONSIEUR ARKADIN d’Orson Welles (1955), la comparaison s’arrête là. THE PHOENICIAN SCHEME cumule hélas deux tares que Anderson trimbale depuis plusieurs films, des cascades de dialogues incompréhensibles, rendant l’intrigue confuse et à laquelle on se désintéresse bien vite, et un récit découpé en chapitres, avec ce risque que l’un soit plus réussi que l’autre.

La séquence avec Tom Hanks et Bryan Cranston vaut le détour, où des millions de dollars se jouent sur des lancers de basket, pendant que la nonne Liesl boit des bières avec le tuteur de ses frères. A chaque fois que le plan revient sur eux, il y a un verre de plus sur la table. La séquence avec Marseille Bob (Mathieu Amalric) est pas mal, quelques dialogues en français, ambiance CASABLANCA, et l’arrivée d’une bande de mercenaires qui ont le tort de canarder le plafond de l’établissement de Bob.

Viendront ensuite Jeffrey Wright qui ne se force pas trop, Scarlett Johansson, en mode minimum syndical, Benedict Cumberbatch qui par contre en fait des tonnes, mais le cadre rigide imposé par la mise en scène empêche la folie de naitre. Ce ne sont pourtant pas les exemples qui manquent, de Buster Keaton aux premiers Chaplin, ou Blake Edwards. On a cette impression que le réalisateur ne tient pas son histoire, ne se raccroche qu’à sa direction artistique et son casting cinq étoiles. Entre chaque, des séquences en noir et blanc à l’entrée du paradis interpellent, on y croise Bill Murray en Dieu, Charlotte Gainsbourg qui a deux répliques, Willem Dafoe et F. Murray Abraham en figurants de luxe, et Zsa-zsa Korda donc, devant ses juges de l'au delà, mais je n’ai pas tout compris…

Est-ce un film sur un père qui retrouve sa fille, sur la transmission filiale, une satire des ultra-riches égocentriques, sur le capitalisme outrancier, est-ce un film d’espionnage parodique, une fable onirique, je n’en sais rien. Un peu tout cela j’imagine. Quelques moments font sourire, mille détails loufoques, quelques gags (les grenades, le détecteur de mensonge, les sables mouvants, ces engueulades filmées en champs contre champs profils), mais le discours est inaudible. Wes Anderson se tire une balle dans le pied, à force de ne filmer que des masques de cire froids, aucun sentiment ne ressort de ses personnages.

Le rythme est soutenu (trop ?) mais paradoxalement rien ne vient briser cette monotonie, on s’ennuie poliment, mais on s’ennuie quand même. On a l’impression que c’est le cas aussi de Benicio del Toro sur qui le film repose, entravé par les cadres stricts il peine à composer un Zsa-zsa Korda flamboyant. L’acteur a pourtant de la ressource. Reste le jeu de qui est qui, chercher l’acteur connu (facile, ce sont toujours les mêmes), et de se dire quel dommage, un casting pareil pour n’en faire pas grand-chose.


couleur  -  1h40  -  format 1:1.66 

12 commentaires:

  1. Shuffle Master.4/7/25 08:09

    Je passe mon tour, n'ayant jamais vu un seul film de Wes Anderson (sifflets dans la salle, apostrophes diverses). Ce que tu dis de celui-là ne donne pas franchement envie.

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    1. C'est toujours bien d'en essayer au moins un pour savoir de quoi en parle et en dire tout le mal que l'on en pense.
      Personnellement, dès que je vois une de ces images au teint jaunâtre, je ne peux m'empêcher de bailler et d'avoir un mal de tête devant tant d'agitations grotesques.

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  2. Je pense qu'il faut au moins en avoir vu un ou deux, ça vaut le coup d'oeil, parmi les plus connus, "La famille Tenenbaum", "Moonrise kingdom", 'Budapest hotel" , "Darjeeling limited"... Mais ça peut vite lasser ! C'est un peu comme les films de Jacques Tati, certains accrochent, d'autres rejettent.

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  3. A ne pas confondre avec Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia, There will be blood...)...

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  4. Impossible de les confondre ces deux-là !

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  5. cinema toujours avec la disparition de Michael Madsen acteur fétiche de Tarentino . J'adorais ce type et je fus marqué à jamais par son rôle dans "Thelma et Louise" où il incarnait le compagnon de Louise , personnage très touchant et boulversant.

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    1. Michael Madsen qui n'est autre que le frère de Virginia Madsen, une actrice de second plan, qui m'avait ébloui en femme fatale dans "Hot spot" de Dennis Hopper et qui avait éclipsé dans ce même film la brune Jennifer Connelly

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    2. Shuffle Master.5/7/25 08:14

      Pas d'accord. Éclipser Jennifer Connelly dans Hot Spot, c'est mission impossible.

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    3. Merci pour la piste ("Hot spot"), jamais vu...

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    4. Comment ça ? Certains ne connaissent pas "Hot spot" sur ce blog, même s'il n'y a pas été chroniqué ? Un film culte de Dennis Hopper qui transpire, au figuré comme au concret, le blues à travers une des meilleures B.O. du cinoche...

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    5. N'étant pas du tout amateur de blouse, cela se comprend. Je viens de l'emprunter à ma médiathèque mais la bande-annonce m'a laissé perplexe...

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  6. Il y aura évidemment un petit mot sur Michael Madsen, ce dimanche...

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