Et tous les blancs-becs de se trémousser sur ce que le bon peuple nommait encore musique nègre. Et les disques s’arrachent, Chuck Berry, Elvis, Gene Vincent et autres Little Richard devinrent les dieux vivants d’une génération se foutant totalement des mœurs barbares de l’apartheid. Quelle dut être la fierté de leur maître du Delta, blancs et noirs ne s’étaient plus réunis ainsi depuis les grandes heures du bebop. Pourtant, alors que ceux qui les avaient pillés roulaient sur l’or, les BB King, Muddy Waters et autres Howlin Wolf vécurent encore quelques années de vaches maigres.
Il fallut attendre les sixties pour que, accompagnés de hussards aussi vaillants qu’Eric Clapton, Rory Gallagher et autres disciples anglo-saxons, les grands empereurs du blues ne quittent enfin leur triste exil. Les premiers rockers furent alors morts ou dépassés, le heavy blues avait rendu inaudible leur swing excité. Leurs pères spirituels en eurent heureusement plus dans le pantalon, des disques tels que « Electric Mud » ou « Howlin Wolf » déployant une fureur virile à faire rougir les plus puissants conquérants du heavy blues.
Et après ? Plus rien, le trou noir progressif et heavy, le règne tyrannique du spectaculaire et du pompeux. Pour un américain, le retour des géants du Delta procura un frisson aussi intense et éphémère qu’un homme run. La balle monte au même rythme que la respiration des spectateurs, certains sont déjà debout, au bord d’une euphorie presque orgasmique. Le base ball est à l’Amérique ce que le rugby est à l’Angleterre, une religion.
George Thorogood connut durant quelques années la douce routine de ces étalons adulés que l’on promenait de stade en stade. Il était semi professionnel comme Hercule fut demi-dieu, au 20e siècle le Super Bowl valait bien l’Olympe et il avait un pied sur la première marche qui y menait. Mais le destin est souvent imprévisible et plein de surprises pour ceux qui savent en saisir les opportunités. Pour George Thorogood, celui-ci eut le visage grave d’un John Hammond possédé par la maléfique de Robert Johnson. Gardien autoproclamé du swing du Delta, Hammond jouait un country blues des plus puriste. Perdu au milieu de son public, George découvrit la puissance fascinante du boogie nonchalant du Hook, la puissance profonde des rythmes Johnsoniens.
« boumboum ! boum boum ! »
Tout un monde est contenu dans ces
onomatopées, elles ouvrent d’infinies possibilités pour ceux qui savent varier
leurs rythmes et leur puissance. Pour le blues, ce qui n’est pas joué compte
plus que ce qui est joué, ses notes sont des nymphes fragiles dont la grâce ne
s’épanouit que dans les grands espaces. Habillez-les trop et elles deviendront
grossières, habillez-les mal et elles perdront leurs grâce, pressez-les trop et
elles perdront leur charme. Tout est question de justesse et de retenue, une
telle magie ne peut être caressée comme la dernière des filles de joie. Le
country blues c’est aussi ça, l’école de la retenue et de l’élégance, de la
gravité et de la grâce. C’est sous cette influence que Thorogood forma ses
Destroyers, avant de se faire un nom en jouant en première partie de ce qu’il
restait de la scène blues rock américaine. Vite repéré par les producteurs du
label Rounder, le groupe enregistra son premier disque en 1977. Véritable
blockbuster blues, le disque permit au swing d’un blues rock graisseux de
donner aux punks la correction qu’ils méritent.
C’est une nouvelle génération qui découvrit alors ce qu’est le rock dans ce qu’il a de plus grand, c’est-à-dire le gardien et le diffuseur de la puissance libératrice du blues. Tour de force ultime, même Hollywood céda aux assauts sanguinaires des Destroyers. Sorti en 1982, « Bad to the bone » est surtout connu pour son morceau titre, qui fit partie de la bande son du film TERMINATOR. Il serait pourtant dommage de jeter aux oubliettes cette reprise brûlante de « Boogie chillun » de John Lee Hooker, un « Back To Wentzville » digne du bon vieux temps du rock’n’roll, ou des « Wanted man » et « Blue highway » dignes du charisme spirituel de l’homme en noir. Il y eut « Bebop a lula », il y avait désormais « Back to Wentzville ». Il y eut « Manish boy », il y avait désormais « Bad to the bone ».
A une époque de synthétiseurs et autres bidouillages électroniques, « Bad to the bone » redonna au rock la classe révoltée de ces vieux briscards refusant de se conformer à un monde de petits cons.
Une conclusion à tout le moins arrogante et un poil réactionnaire (en sus d'être redondante) qui dessert le propos. Si l'on veut vraiment établir une hiérarchie dans les musiques, je placerais le classique et le jazz au-dessus. Le reste (rock, pop, techno, etc...), c'est du même ordre.
RépondreSupprimerShuffle Master.
RépondreSupprimerThorogood, c'est quand même un second, voire troisième couteau. C'est souvent très très bourrin, et honnêtement, il faut beaucoup d'estime pour le bonhomme pour y voir un quelconque swing. De plus, guitariste très très limité (utilisation excessive du bottleneck, et pas comme Derek Trucks), voir https://www.youtube.com/watch?v=eZr-EwlvleE&list=PL7D091775CC6499F7&index=7, où il est assez désolant (concert anniversaire 2005 de Steve Miller/fly like an eagle). . Mais il est vrai qu'il passe après Satriani....
SupprimerTu me surprend Suffle, hiérarchiser les styles musicaux....je sais pas si c'est vraiment pertinent. En ce qui concerne Thorogood je te rejoins , quand on a un disque du bonhomme, on les a tous .
RépondreSupprimerOn peut n'en avoir aucun, ce qui revient au même.
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