Préambule : 1) je n’ai pas lu les romans de Frank Herbert 2) je n'ai pas vu le premier épisode de cette trilogie (puisqu’il y aura un n°3). Mais je me suis dit, naïvement, que le gars allait être assez malin pour ne pas laisser sur le carreau les spectateurs qui avaient raté le premier train, ou n'avaient pas souhaité monter dedans. Je parle de Denis Villeneuve, scénariste et réalisateur, qui jouit d’une bonne réputation.
Il a commencé à se faire un nom avec PRISONERS (2013) et surtout avec le formidable SICARIO (2015). Il se pique ensuite de science-fiction, avec PREMIER CONTACT (2016), BLADE RUNNER 2049 (2017), et donc les deux DUNE. On pourrait ranger Villeneuve dans la famille des Ridley Scott (celui d’il y a 30 ans) ou des Christopher Nolan (en moins novateur) voire des James Cameron, du blockbuster intelligent (sic), un réalisateur capable de gérer des très gros budgets hollywoodiens, attirer des stars devant sa caméra, en gardant une licence d’auteur et un solide sens artistique. Bref, pas un bourrin.
Mettons les pieds dans le plat tout de suite : on ne comprend rien à ce qu'on regarde, non pas rapport aux points exposés dans le préambule, mais parce que ce film est très mal raconté. Quelle horreur ! Pas de ligne directrice, pas d'enjeux dramatiques suffisamment exposés, pas de souffle romanesque, on est loin des fresques telles que (au hasard) LAWRENCE D’ARABIE, LE GUÉPARD, ou TITANIC, qui vous prenaient par la main pour vous lâcher trois heures plus tard, repu.
DUNE 2 tourne sur lui-même comme un hamster dans sa cage,
à chaque tour de roue on revoit les mêmes choses. L’intrigue n’avance pas de
manière fluide, Villeneuve ne semble pas savoir organiser son récit, confus,
redondant, avec des scènes dont on ne comprend ni les enjeux ni l'intérêt dans l'intrigue. Il a cette désagréable habitude de commencer une séquence sans la finir.
Exemple avec la scène où Paul Atréides (Timothée Chalamet, le héros) apprend à dompter les vers géants qui circulent sous le sable de la planète Arrakis. Scène assez frustrante d'ailleurs, peu lisible, on n'y voit rien, trop de poussière, on ne voit jamais la bestiole en entier... Bref on le voit partir et hop, deux secondes après Paul est dans les bras de sa dulcinée, Chani (Zendaya). Comment est-il revenu, qu'a-t-il à dire sur son initiation, cette expérience ? On ne sait pas.
Le peu de scènes d’action sont traitées par-dessus la jambe. Des vaisseaux énormissimes arrivent on ne sait d’où, détruisent un truc, ça dure trois plans et on passe à autre chose. Là où James Cameron dans AVATAR (car on y pense beaucoup…) exposait les enjeux, développait la séquence, scénarisait la bataille pour permettre au spectateur de s'y croire, de frissonner, Villeneuve nous laisse de côte. Rien ne nous émeut, on ne s'attache aux personnages, on ne tremble pas pour les héros. Quand la Fremen Shishakl, se retrouve isolée (sacrifiée ?) face à Feyd (le méchant, Austin Butler) on s'en fout royalement pour la bonne raison qu’on ne sait pas ce qu’elle fait là.
Autre exemple : Paul et Chani tentent d’abattre une moissonneuse, un gros engin chargé de récolter l'épice. Séquence calquée sur celle des dromadaires des glaces dans L’EMPIRE CONTRE ATTAQUE, j'dis ça, j'dis rien... Villeneuve joue sur les échelles, la petitesse des deux personnages face au monstre d'acier, c'est visuellement intéressant, bien réalisé, nos héros doivent éviter de se faire écraser mais aussi esquiver des mecs qui leur tirent dessus depuis un hélico. D'un coup la moissonneuse explose, frappée de loin par un rayon laser (tiré par les autres fremen j’imagine). Donc pourquoi tout ce cirque si c’était si simple d’abattre le truc ? Tout est comme ça... L’attaque du dépôt d’épice ? Même traitement, un coup de laser, ça explose. Les vaisseaux les plus puissants, sur-outillés, tu craques une allumette et boum, dispersés façon puzzle. La grande bataille qui réunit des centaines de milliers de combattants est expédiée en quatre plans, sans une once de frisson, ni morceau de bravoure. Idem le duel final entre Paul et Feyd qui aurait du être l'apothéose, et lui aussi expédié en trois coups de canifs.
DUNE 2 alterne maladroitement des scènes d’actions mal ficelées et des scènes aux dialogues pompeux, prêchi prêcha ésotérico-philosophico-religieux, ou Paul et Chani assis en haut d'une dune à contempler l’horizon en philosophant sur le sens de la vie, en moins drôle que chez les Monty Python. Toutes les deux répliques on a droit à « c’est la prophétie », « tu es l’élu », « la réponse est dans ton coeur », « Luke, c’est ton destin » (ah non, ça c’est STAR WARS), débité par des acteurs au regard pénétré, l’air grave, chaque mot est lourd de signification. Le tout pesamment surligné par la partition tonitruante d’Hans Zimmer, qui évidemment en fait des caisses, nous ne laissant pas une minute de répit contemplatif, et nous recycle sa chorale antico-ethnique.
Il faut tout de même saluer la photographie, les images du film. Même si le dispositif est un peu répétitif : silhouette de Paul au premier plan, cheveux et vêtements au vent (vous vous souvenez de Albator ?) jaugeant le panorama ensablé. Denis Villeneuve utilise à fond le format scope, alterne gros plans sur visages empreints et immensité désertique (filmé à Abu Dhabi, la nouvelle Mecque du cinéma, le reste est tourné en studio à Bucarest). Il y a un combat à la GLADIATOR, dans une arène truffée de figuration numérique, filmée en quasi monochrome blanc du plus bel effet. L’entame du film est d’ailleurs très réussie, avec cette caméra qui scrute le visage de Paul, avant de découvrir les autres protagonistes, une scène presque muette (les lombrics XXL sont sensibles aux bruits et aux vibrations), puis au loin ces types qui descendent d’un vaisseau comme en lévitation. La première demi-heure est alléchante.
J'ai lu que Denis Villeneuve avait relégué la
vieille SF au placard, en avait redéfini l'esthétique, comme en
leurs temps Kubrick et son 2OO1 ou Ridley Scott avec BLADE RUNNER. Euh… faut
pas déconner. DUNE 2 fait son marché un peu partout, surtout chez James Cameron
et son AVATAR, pour son goût de la technologie guerrière, mais aussi sa grandiloquence un peu creuse, y'a l'Arbre de vie chez l'un, l'Eau de vie (sic) chez l'autre. Villeneuve pioche chez George Miller et son MAD MAX FURY ROAD, chez George Lucas et STAR
WARS 1 et 2 (ou 4 et 5, enfin les vieux, quoi !) avec les Tuskens, hommes des sables, on a le fœtus de 2OO1 a toutes les sauces… J’étais critique sur certains aspects d’AVATAR, mais au moins Cameron nous bluffait par ses trouvailles, l’efficacité
de sa mise en scène, son sens du spectacle.
Il y a un très beau casting, dont on profite peu puisque
tout le monde est masqué ou voilé ! Javier Bardem en shemagh, Josh Brolin,
Christopher Walken, Charlotte Rampling en burqa, Austin Butler la
boule à zéro, la très belle Rebecca Ferguson méconnaissable, Léa Seydoux (le temps de se demander ce qu'elle fout là, elle est déjà repartie)
et donc les deux p’tits jeunes Zendaya et Timothée Chalamet. Ce dernier n’ayant
pas un charisme de dingue pour jouer le sauveur de l’Humanité. Plutôt à sa
place dans la première partie, en humble padawan, un peu
moins quand il fait sa mue autoritaire. Il était mince, il était beau, et sentait bon le sable chaud... mon Chalamet !
Les critiques sont dithyrambiques. Oui les belles images sont là, le sable et les filtres jaunes, mais comment peut-on passer de côté de tels soucis narratifs ? DUNE 2 rappelle le NAPOLÉON de Ridley Scott où on se demandait toutes les cinq minutes "mais qu'est c'qui se passe ?". Denis Villeneuve a voulu trop en faire, trop filmer, se la jouer Peter Jackson et son SEIGNEUR DES ANNEAUX (dont la grandiloquence m'ennuie aussi d'ailleurs) il s’est retrouvé avec des dizaines d’heures dans lesquelles il devait couper, d’où un récit elliptique, des éléments qu’il tente maladroitement de rendre cohérents.
Ca donne envie de revoir la version, pourtant honnie, de David Lynch, qui dans mon souvenir était très kitsch (avec Sting en méchant) mais avait la qualité de concentrer l'histoire sur 2h15 (à défaut de connaître la version de Jodorowky).
couleur - 2h45 - format scope 2:39
Moi, Môssieu, je les ai lus, les Frank Herbert, très péniblement (quand je commence un bouquin , même très chiant, je m'obstine) et il y a longtemps, mais pas assez pour ne pas me souvenir que c'est une immonde daube caractéristique d'une certaine littérature anglo-saxonne (la vomitive heroic fantasy) foutraque et engluée, comme tu le mentionnes, dans un charabia mystico-ésotérique pour illettrés. Que le film soit à l'image du bouquin, c'est donc parfaitement normal.
RépondreSupprimer... bizarre... de tout temps (depuis des lustres), on m'a toujours conseillé de lire le bouquin. Un conseil venant de la part de personnes - plutôt lettrées - qui lisaient régulièrement et beaucoup (et pas que de la SF).
SupprimerQuant à piocher à droite et à gauche, ce serait plutôt le contraire, sachant que le 1er volume date du début des années 60 (65 ?).
Tu me rassures, le souci ne vient donc pas de moi !
RépondreSupprimerFaire commencer la carrière de Denis Villeneuve à ces films américains, c'est triste. D'autant que Prisoners est vraiment très quelconque, risible par bout.
RépondreSupprimerIl ne faut pas rater sa carrière québécoise avec l'excellent Incendies, qui est a mon sens son chef d'oeuvre. Il y a Maelström, très original.
J'avoue avoir perdu mon intérêt avec ses films à grosses productions.
Premier contact était agréable, Blade Runner 2049 se laisse regarder...
Je n'oublie pas sa carrière québécoise, couronnée de beaucoup de récompenses, et c'est vrai que "Incendies" avait fait parler de lui, mais pour le grand public, son nom a commencé à circuler au moment de "Prisoners", son premier film américain (que je ne trouve pas très intéressant non plus, il y chausse de gros sabots) et surtout "Sicario" qui avait bluffé tout son monde.
RépondreSupprimerJe connaissais Jacques et Gilles Villeneuve, coureurs automobiles ; Charles Villeneuve, "journaliste" de sinistre mémoire mais moins Denis Villeneuve, dont je n'ai vu (et plutôt apprécié, de mon côté) que "Prisoners", au temps déjà lointain où je fréquentais plus ou moins assidument les salles obscures.
RépondreSupprimerJ'ai vu le1er quand il est passé sur canal ... Bof, pas accroché, confus, brouillon ... Les bouquins, que j'ai pas lus, sont / étaient réputés inadaptables au cinéma.
RépondreSupprimerPas vu celui le Dune de Lynch (nombreux sont ceux qui le citent comme son pire film, faut avouer que prendre Sting comme acteur - même s'il est pas mauvais dans arnaques, crimes et botanique - c'est pas vraiment une bonne idée).
Jodorowski, il a pas tourné Dune ... il a failli. Y'a un excellent documentaire "jodorowski's dune" qui relate cette foirade. En gros, le jodo étant un allumé intégral, tous les gars qu'il avait réussi à enfumer, et pas moindres (Moebius, giger pour les décors, mick jagger, orson welles dans le casting, pink floyd pour la b.o., michel seydoux à la production, ...) ont fini par se désister, à la suite du refus de toutes les majors hollywoodiennes de participer à l'aventure . Ce doc est certainement mieux que le film qu'il aurait fait ...
Oui, je faisais allusion à ce documentaire ("à défaut de connaître la version de Jodorowky"). C'est comme le Don Quichotte de Terry Gilliam, le documentaire sur ce film non réalisé est superbe, mieux que le film qu'il aurait pu faire ? Dans le Lynch, Sting ne fait que quelques apparitions, c'est surtout Kyle Maclaclan qu'on voit, son acteur fétiche, qui joue le héros. Mais la promo de l'époque misait sur l'effet Sting, à la coiffure peroxydée.
SupprimerLe Don Quichotte de Gilliam est finalement sorti en 2018. En plus, il y a eu une bataille de droit à sa sortie. J'avoue que je n'ai même pas chercher à le voir.
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