jeudi 13 octobre 2022

František Xaver DUSSEK - 4 Symphonies (vers 1763) – Aapo HÄKKINEN (2010) – par Claude Toon


- Oh oh Claude, un petit nouveau, il en reste encore ! Vers 1763, un copain de Haydn et Mozart ?

- Dussek était d'origine tchèque… Attention, il ne faut pas le confondre avec Jan Ladislav Dussek, un pianiste lui aussi tchèque virtuose et un compositeur dont la vie est digne d'un roman de Dumas en quatre volumes… Une autre chronique se justifiera…

- Ce n'est pas de la musique bien profonde à te suivre…

- Franchement non, mais c'est pétulant, très orchestré et vivifiant. Le genre à écouter le matin comme aérobic musical…

- Ta gymnastique se limite à siroter des cafés avec m'sieur Pat, Claude… hihi !!!

- M'enfin Sonia, respecte mes cheveux blancs ma belle…


František Xaver Dušek

František Xaver Dušek est né en Bohème en 1731 en Tchéquie. Il disparaîtra en 1799 à 62 ans, ce qui en fait un exact contemporain de Joseph Haydn (1732 1809). Il existe peu d'information permettant d'établir une biographie détaillée. Il semble même que František Xaver Dušek n'ait guère quitté Prague pendant sa carrière. Il étudie le clavecin à Vienne avec Georg Christoph Wagenseil, autre compositeur et virtuose plutôt oublié de nos jours. Pourtant Mozart et Haydn avaient une grande considération pour ses œuvres. J'essayerai de voir s'il existe quelques gravures à écouter dans la cadre "compositeur à ressusciter" ironiserait Sonia.

Né près de vingt ans avant la mort de Bach, notre compositeur a donc grandi en cette époque du Baroque tardif mais composera pendant la période classique. En 1770, il s'installe à Prague comme professeur et semble avoir découvert comme ses illustres confrères le piano-forte.

Je rappelle qu'à l'époque, la vie musicale praguoise est bien plus animée et novatrice que celle de Vienne. Si Haydn a su s'imposer et si Beethoven attend son heure (ce sera au début du XIXème siècle en assurant le virage vers le romantisme), Mozart connaîtra le succès pour ses œuvres qui gagnent en maturité dans la ville tchèque, notamment son opéra Don Giovanni, boudé à Vienne mais applaudi à Prague. L'écriture de la symphonie N°38 "Prague" marquera la reconnaissance de Mozart pour le public tchèque moins "encroûté" 😊.

František Xaver Dušek a-t-il bien connu Mozart ? Certains témoignages mal documentés laissent planer le doute. Cependant il sera le professeur de clavier de Karl Thomas Mozart, second fils de Wolfgang et de Constance (1784-1858). L'élève deviendra un bon pianiste mais préféra exercer en Italie divers métiers dans ce que l'on appelle de nos jours "le secteur tertiaire". N'ayant pas eu d'enfant, la lignée Mozart s'éteindra avec cet homme qui continuera de maintenir l'héritage de son père au firmament de l'histoire de la musique.


Georg Christoph Wagenseil

Un musicologue allemand est plus affirmatif. Les Dušek possédaient une résidence secondaire à Smíchov près de Prague, la Villa Bertramka. Mozart y aurait parachevé Don Giovanni en 1787 et peut-être aussi, en 1791, La Clémence de Titus, en tant qu'invité et peut-être ami du couple.

Pour la petite histoire, l'épouse de František Xaver, Josepha, était une soprano célèbre et très estimée de Mozart qui lui dédiera deux airs de concert, Ah lo previdi et Bella mia fiamma. Ajoutons que Beethoven l'imitera quelques années plus tard en lui dédiant le très connu Ah, perfido.

Sur le plan créatif, le patrimoine légué par F. X. Dušek n'est pas mince. Assez surprenant pour un compositeur méconnu de nos jours et ayant travaillé au siècle des lumières, toute sa production a traversé un temps où les manuscrits étaient souvent perdus voire détruits, environ 200 œuvres. En 1958, Václav Jan Sýkora en a établi le catalogue par et l'a publié à Prague le catalogue exhaustif. Pour les symphonies au nombre de 40, il existe une autre classification dite Altner portant des codes incompréhensibles… C'est celle utilisée par l'éditeur Naxos de ce disque. On trouve des œuvres pour clavier, des divertimentos, des symphonies, des sonates, des trios, etc. On pensera au catalogue de jeunesse de Mozart, et plus encore à celui de C.P.E Bach, son quasi contemporain qui lui, aligne plus de 600 partitions, C.P.E Bach, le fils du Cantor qui a vraiment assuré une succession notable à son génie de père…

Depuis 1965, très lentement, la discographie de F. X. Dušek s'enrichit. En dehors de ce carré de symphonies publié en 2012, on trouve 2 albums parus en 2014 proposant six concertos interprétés par pas moins que Howard Shelley, et l'intégrale en cinq CD de la musique pour clavier seul sous les doigts de Marius Bartoccini éditée entre 2018 et 2019. On trouve certaines pièces isolées dans des anthologies consacrées aux petits maitres de l'époque classique.

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Aapo Häkkinen

Aapo Häkkinen a vu le jour à Helsinki en 1976. Ses études musicales l'ont amené à maitriser avec virtuosité le clavecin, le clavicorde (ancêtre du pianoforte car équipé de marteaux) et l'orgue. Il est venu se perfectionner à Paris auprès de Pierre Hantaï. Sa carrière s'est orientée à la fois comme concertiste soliste mais aussi en appui de formations baroques prestigieuses, notamment en collaboration avec Reinhard Goebel, fondateur et directeur du Musica Antiqua Köln.

Comme souvent en milieu de carrière, le claveciniste s'est intéressé à la direction d'orchestre pour servir divers compositeurs baroque et/ou classique. On lui doit en dehors de l'album de ce jour qui n'a aucun concurrent, des gravures de "Grandes" symphonies, de concertos et de sonates de Franz Xaver Richter (tchèque – 1709-1789), plusieurs CD édités chez Naxos. Ajoutons quelques albums isolés comportant des œuvres de Couperin, Bach et plus stupéfiant : les sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn dans une transcription pour clavicorde (Deezer)

L'orchestre baroque d'Helsinki a été fondé en 1997. Aapo Häkkinen en est le directeur artistique depuis 2003. Les gravures sont réalisées pour le label Naxos. Aux musiciens peu connus cités avant et au programme de l'ensemble, ajoutons Joseph Martin Kraus ou encore Johan Joachim Agrell. Le répertoire s'étend de Monteverdi à Schumann

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Quatre symphonies composent cette anthologie. Symphonies ou sinfonias voire divertimentos ? Il y a quelques semaines, un article consacré aux trois symphonies de Haydn "Matin", "Midi" et "soir" de 1761 se faisait pédagogue pour expliquer la genèse de la symphonie classique dont la forme deviendra une référence pour l'époque classique, Mozart et Beethoven jeune, puis toute l'époque romantique, Schumann, Brahms et même moderne, Prokofiev. Mahler sera le premier compositeur à s'abstraire des règles formelles, le nombre de mouvements varie et le maître autrichien mêle lieder et style oratorio à ses gigantesques partitions. J'écrivais au sujet du groupe "les heures" de Haydn et plus généralement de la structure symphonique :


Prague vers 1760

"Les trois symphonies épousent ainsi la forme officielle en quatre mouvements tout en recourant à l'écriture sonate bi-thématiques. Si le concerto grosso destiné au divertissement et au concert est encore à la mode, il n'en retient que la fantaisie de l'orchestration et le récit concertant avec solistes, donc :

L'orchestration usuelle devient : flûtes, deux hautbois, deux bassons, (plus tard deux clarinettes et trois trombones), deux cors, des cordes, un clavecin ou piano forte."

Dans les symphonies de F. X. Dušek les flûtes sont absentes. Elles le sont aussi dans bien des symphonies de Mozart qui n'aimait guère cet instrument dit-on… Aapo Häkkinen retient un effectif encore plus léger : 2 hautbois, 1 basson, 2 cors, 4 violons I, 3 violons II, 2 altos, 2 violoncelles et 1 seule contrebasse. Surprenant ? Non, les orchestres de l'époque destinés à jouer dans des salles de réception princières ne dépassaient guère ce personnel, au grand dam des compositeurs 😊.

Les trois premières symphonies ne comportant que trois mouvements, pas de menuet, sont assimilables à la forme divertimento, mais la richesse des couleurs orchestrales montre l'influence du concerto grosso.

La dernière en quatre mouvements dont un menuet est donc bien une symphonie au sens classique.

Les dates de composition sont mal connues, mais il semble assez évident que F.X. Dušek suit les influences de la vie musicale dans cette Europe inventive du siècle des lumières. Il est l'un de ces compositeurs charnières qui vont assoir l'art classique, améliorer le solfège, sophistiquer les orchestrations dans les dialogues entre pupitres. On ne cherchera pas de philosophie dans cette musique. Pour plaisanter, je parlais d'aérobic, terme mettant en avant la vitalité de ces œuvres. Il en émane une force symphonique qui n'a plus rien à voir avec de la musique de salon que personne n'écoute… L'émotivité romantique prend source dans ces quatre jolies symphonies, laissons les études savantes de côtés.

Le virevoltant thème A de la symphonie G4 résume à lui seul toute analyse : des traits vaillants des cordes et une mélodie vif-argent entre les pupitres de l'harmonie. Charmant et presque épique…

Symphonie en sol majeur

{Altner G4 – Playlist 1 à 3}

1)  Allegro

2)  Andante

3)  Presto

Symphonie en si bémol majeur

{Altner Bb2 – Playlist 4 à 6}

1)  Allegro Con Spirito

2)  Andante

3)  Allegro Assai

Symphonie en la majeur

{Altner A3 – Playlist 7 à 9}

1)  Largo Maestoso - Allegro

2)  Andante

3)  Allegro Assai

 

Symphonie en si bémol majeur

{Altner Bb3 – Playlist 10 à 13}

1)  Allegro E Vivo

2)  Andante

3)  Minuetto - Trio

4)  Allegro Assai


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