vendredi 12 août 2022

WILLIAM GOLDING "Sa Majesté des mouches" (1954) par Luc B.

 

C’est un classique de la littérature anglo-saxonne, souvent nommé dans les tops 100 de ce qu’il faut avoir lu, on en trouve aussi des références dans le cinéma, HAPINESS THERAPY notamment, à la télé, dans des séries comme LOST… L’histoire est très célèbre, qui tire sans doute ses origines du ROBINSON CRUSOE (1719) de Daniel Dafoe, on en retrouvera des traces dans de nombreux récits, je pense aux livres de Robert Merle L’ILE (1962) ou MALEVIL (1972). En gros, des personnages livrés à eux-mêmes en terre hostile, qui tente de recréer un semblant de société.

Sauf qu’avec SA MAJESTE DES MOUCHES, les protagonistes sont des enfants. Comme dans le roman LES ENFANTS DE TIMPELBACH (1937) de Henry Winterfeld.

Il n’y a pas de scène d’exposition, on rentre dans le vif du sujet dès les premières lignes, il faut être attentif à quelques informations pour reconstituer l’affaire. Des rochers, une lagune, un « tricot de collège », on parle d’un pilote, de deux gamins, un blond, un gros, qui explorent un territoire, retrouvent un morceau de carlingue, plus tard d’autres jeunes en uniforme de chorale, plus tard encore des dizaines d’enfants entre 7 et 12 ans qui surgissent de nulle part, attirés par le son d’un cor de chasse, en réalité une conque…

Sans que William Golding ne nous l’explique véritablement, le lecteur comprend qu’un avion transportant des élèves d’un collège huppé d’Angleterre s’est crashé sur une île déserte. Le blond qui souffle dans la conque, c’est Ralph, le gros c’est Porcinet. Un surnom malheureux qui lui restera. La conque permet d’avertir tout le monde, de rassembler les gosses sur la plage, le coquillage devient un totem. Dans les nouvelles règles établies, celui qui tient la conque à le droit de parler.

Il faut s’organiser. Donc voter pour un chef, qui distribuera les rôles. Les plus jeunes passent leur temps à jouer, se baigner, mais les grands réfléchissent déjà à comment survivre et être sauvés. Le gamin qui supervisait la chorale, Jack, au caractère autoritaire et armé d’un canif, est volontaire pour s’occuper du manger. Des fruits, mais aussi du cochon sauvage, qu’il va falloir apprendre à chasser. Il faut aussi du feu. Pour avoir chaud la nuit, cuire le cochon, mais aussi attirer l’attention, créer un panache de fumée qui se verra de loin. Porcinet porte des lunettes, le verre traversé par le soleil permettra d’allumer le feu que les jumeaux Erik et Sam seront chargés d’entretenir.

La situation idyllique, ce terrain de jeu dans des paysages paradisiaques, va virer au cauchemar. C'est le jeune Perceval qui parle en premier du monstre qui habite les lieux. Il faut garder à l’esprit que l'auteur écrit du point de vue des enfants. Ca rappelle ces soirées quand on était gamin, le soir, dehors, où y'en avait toujours un qui prétendait avoir entendu en bruit, un craquement, et refilait sa frousse à tout le groupe. La peur s’immisce, le doute aussi, les plus valeureux organisent une battue, mais quel ennemi traque-t-on ? Le lecteur aussi finit par croire à ce monstre... La discipline se ramollit, l’anarchie pointe son nez et les rivalités s'exacerbent. Bientôt deux clans qui vont s’affronter.

Golding situe les premiers signes de dérèglement une nuit d’orage, épisode presque fantasmatique, dantesque, où les tensions culminent. Là encore, le lecteur ne sait pas s’il s’agit de la réalité ou de la vision des gamins, troublée la fièvre, la faim, le chaos climatique. Certaines séquences paraissent redondantes, l'auteur semble différer le moment de bascule, le point de non retour.

On ouvre le catalogue des 7 péchés capitaux : envie, jalousie, paresse, orgueil. A cette âge, pas encore de luxure. Jack et ses chasseurs se radicalisent. Ca monte d'un cran, le sacrifice de la truie, l'orgie de sang, la tête empalée sur un piquet comme pour figurer un dieu païen, les mouches qui s’y collent. Vision de cauchemar pour Simon devant cette Majesté des mouches. On relit le paragraphe pour être bien sûr d'avoir saisi. La séquence rappelle la dernière scène d’APOCALYPSE NOW avec le buffle.

Il est clair que pour l’auteur, l’Homme est une créature foncièrement mauvaise, perverse, même au plus jeune âge. La bonne éducation reçue ne fera pas long feu, on retombe vite dans les instincts sauvages. Pour Jack, les règles entravent la liberté, surtout la sienne, qui ne s’arrête pas là où commence celle de ses camarades. L’auteur pousse le curseur très loin, si c'est un livre avec des enfants, pas certain que ce soit un ouvrage pour les enfants ! 

Les images sont tirées du film de Peter Brook (1963).  

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