vendredi 19 août 2022

LES 50 MEILLEURS FILMS QUE VOUS NE VERREZ JAMAIS de Jushua Hill (2020)

Et la liste est non exhaustive…

Voilà un bouquin fort intéressant à propos des films qui ne se sont pas faits, ou finalement remaniés plus tard par d’autres réalisateurs. Et qui pourra répondre à cette question : quand un réalisateur sort un film tous les quatre ans, qui lui prend 9 mois de travail, que fait-il le reste du temps ? Il en prépare d’autres, qui ne verront jamais le jour. Il n'est pas rare qu'un réalisateur travaille sur trois ou quatre projets en même temps, en attente de casting, de financement, de distributeur.

Le livre s’attache aux productions américaines, le seul français cité est Henri Georges Clouzot avec son projet L’ENFER, car financé par le studio Columbia Pictures, qui voyait ici une occasion de damer le pion à son rival Alfred Hitchcock. Rivaux parce que les deux hommes ont connu un grand succès avec des films tirés de romans de Boileau-Narcejac, VERTIGO d’un côté, LES DIABOLIQUES de l’autre.

Pour L’ENFER, une histoire de jalousie maladive, Clouzot multiplie les expériences techniques pour créer des images inédites dès la prise de vue, jouer sur la couleur, comme repeindre entièrement le corps de son actrice Romy Schneider. Le réalisateur, irascible et maniaque multiplie les essais à s’en rendre malade, littéralement, puisqu’il fait une crise cardiaque. La santé aussi plombée que le budget (pourtant illimité) Clouzot abandonne. L'ENFER sera repris en 1994 par Claude Chabrol avec F.Cluzet et E.Béart. Mais il existe des images du projet fou de Clouzot dans un passionnant documentaire de Serge Bromberg qui a eu accès aux rushes.

A la fin des 60's, Hitchcock s’était lancé dans KALEIDOSCOPE, avec l'idée de faire plus fort que PSYCHOSE, un truc terrifiant, une histoire de tueur en série tourné entièrement en caméra suggestive. L’idée étant de mettre le spectateur dans la peau du tueur. Là encore, il multiplie les essais, réécrit le scénario qu’il ne trouve pas assez violent. Mais le studio est effrayé par un film uniquement constitué de meurtres, de viols et autres joyeusetés. Clap de fin. Hitchcock recyclera certaines idées dans FRENZY. Ironie, Hitchcock meurt en 1980, l’année où sort le film d’horreur MANIAC, tourné en caméra suggestive…    

Autre grand nom, Stanley Kubrick, pressenti pour une adaptation du SEIGNEUR DES ANNEAUX avec les Beatles ! Ca c’est du concept coco ! La production se monte, les quatre de Liverpool se voient déjà se distribuer les rôles, Lennon en Gollum, McCartney en Frodon… Sauf que le réalisateur fraichement sorti de 2OO1 trouve le bouquin infilmable, n’a aucune envie de se coltiner les Beatles, et travaille déjà sur ORANGE MÉCANIQUE. Le projet est proposé à John Boorman, qui préférera faire DÉLIVRANCE.

Tiens, ORANGE MÉCANIQUE. Le roman intéresse Andrew Oldman, manager des Rolling Stones, qui verrait bien ses mauvais garçons dans le rôle des quatre drougs. Mais c’est le producteur Si Litvinoff qui a acquis les droits et l’affaire tombe à l’eau. Sauf qu’en 1967, Michael Cooper (photographe des Stones pour la pochette « Their Satanic… ») travaille à l’adaptation du roman d'Anthony Burgess avec Terry Southern, qui avait bossé avec Kubrick sur FOLAMOUR. Le projet est relancé, toujours avec Mick Jagger dans le rôle, et Litvinoff rêve de commander la musique… aux Beatles ! John Schlesinger, auteur de MACADAM COWBOY est approché mais refuse ce cocktail détonnant. Kubrick reprendra le projet, sans Mick Jagger

On a aussi Guillermo Del Toro qui adorerait faire son remake de LA CRÉATURE DU LAC NOIR (vieux classique SF en 3D), n’y arrivera pas, mais finalement prendra sa revanche avec LA FORME DE L’EAU, très similaire, qui récoltera tous les oscars. Le même Del Toro, auréolé du succès de HELLBOY et  LE LABYRINTHE DE PAN, souhaite depuis des années adapter LES MONTAGNES HALLUCINÉES d’après Lovecraft, avec Tom Cruise. Del Toro est un prince à Hollywood, on ne peut rien lui refuser, même pas un projet classifié « R », équivalent à notre interdit -16 ans. TERMINATOR de Cameron était aussi classé « R » et on a vu le résultat au box office. Ce même Cameron qui décide de produire le film de Del Toro et lui faire profiter de son expertise en matière d’effets spéciaux.  

La faute à Ridley… Le film PROMETHEUS de Ridley Scott, lui aussi classé « R » n’engrange pas les bénéfices escomptés, et le studio Universal botte en touche. Il refuse à Cameron et Del Toro les 150 millions de dollars, trop risqués à investir pour un spectacle interdit aux ados, cœur de cible du cinéma américain. Pour la même raison, Spielberg délaisse finalement le remake trop violent de OLD BOY avec Will Smith, pourtant bien avancé, ou le trop glauque LES NERFS A VIF qu’il refilera à Martin Scorsese.

Ridley Scott, encore lui, aurait bien vu un GLADIATOR 2, avec son héros Maximus revenu des morts et traversant l’espace temps dans un scénario halluciné de Nick Cave (oui, le rocker de Bad Seeds !), mais là c’est l’acteur Russell Crowe qui déclare forfait. On peut citer le CLEOPATRE 3D de Steven Soderbergh, JUSTICE LEAGUE de George Miller, d’innombrables projets de John  Carpenter. Le remake du film de Vadim BARBARELLA par Robert Rodriguez avec Rose Mc Gowan était alléchant, comme L’EMMURÉE VIVANTE de Tarantino avec Bridget Fonda… Dommage.  

Un bouquin qui se feuillette quelques pages par ci par là, les chapitres sont courts, avec une remise dans le contexte, le comment en est arrivé à fantasmer sur un projet, le lancement de la production et patatras, le couperet qui tombe. Le ton est plutôt drôle, les anecdotes se bousculent, le bouquin en dit long sur ce cinéma de studios, une industrie gérée comme telle, exclusivement dédiée aux profits à courts termes, sur laquelle même quelques grands auteurs (Scorsese, Spielberg, puis Nolan ou Fincher) se cassent les dents.

Chaque film est illustré par une affiche (fictive, donc) avec de nombreux renvois, puisque souvent une production récupère un projet voisin (j'vous dis pas le capharnaüm de l'univers Batman, Marvel and Cie !) ou un réalisateur hérite d’un scénario déjà développé pour un autre.

Le sujet est inépuisable, il y a certainement des oublis, ou un tome 2 en préparation. L’équivalent pour le cinéma français serait aussi une bonne idée…

Editions Posterspy  -  256 pages


2 commentaires:

  1. Les Beatles et les Stones têtes d'affiche d'un film ... beaucoup y ont pensé pour faire du fric ... heureusement que personne ne s'y est vraiment engagé. Suffit de voir Jagger dans Performance ou les Beatles dans leurs films ... et puis les gars avaient de toute façon dû voir les films d'Elvis ... exception qui confirme la règle : Lady Gaga dans le énième remake de A star is born ...
    et Aznavour ? No comment ...

    On peut aller loin dans cette histoire de films qui se sont jamais faits ... On peut même en faire un film comme avec Jodorowski's Dune ... Qui est pas mal, ou au moins intéressant ... peut-être meilleur que le film qu'aurait fait l'assez allumé chilien ...

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  2. Ca ne concerne que les films hollywoodiens, le Dune de Jodo était un projet européen je crois. Comme le Don Quichotte de Terry Gilliam, avec Jean Rochefort, qui a donné lieu lui aussi à un documentaire passionnant. Quand ça veut pas...

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