vendredi 5 août 2022

KEIGO HIGASHINO "La Fleur de l'illusion" (2013) par Luc B.

Je ne connaissais par cet auteur, voici comment il est présenté sur le site Actes Sud, sa maison d’édition française… bah ouais, pourquoi se casser la tête quand on peut faire un Ctrl-C / Ctrl-V.

Né en 1958 à Osaka, Keigo Higashino est l’une des figures majeures du roman policier japonais. Son œuvre, composée d’une soixantaine de romans et d’une vingtaine de recueils de nouvelles, connait un succès considérable. Plus d'une vingtaine de ses ouvrages ont été porté à l’écran et il a remporté de nombreux prix littéraires dont le prestigieux prix Edogawa Rampo ainsi que le prix du meilleur roman international du Festival Polar de Cognac 2010 pour « La maison où je suis mort autrefois ».  

La quatrième de couverture nous dit que ce roman agit comme un origami policier, ce n’est pas faux. Il y a d’abord deux courts prologues. Le premier, sans indication d’époque, montre un couple avec une gamine agressé dans la rue par un fou armé d’un sabre. Le second, visiblement plus contemporain (téléphone portable) nous présente un ado, Sota Gamo, contraint de suivre ses parents au traditionnel marché aux ipomées. Il y rencontre la jeune Iba Takami. Coup de foudre (platonique), échange de numéros, de messages, d’autres rencards, puis rideau, Takami met un terme à leur liaison.

Puis on fait la connaissance de Akiyama Lino, la vingtaine, qui apprend le suicide de son cousin Torii Naoto, un type brillant, qui jouait dans un groupe de rock. Aux obsèques, elle revoit son grand père, Akiyama Shuji, et décide quelques jours plus tard de lui rendre visite. Le papi, retraité, cultive des fleurs, en prend de superbes photos, et Lino lui propose de lui créer un blog, pour que tout le monde admire son travail.

Pendant plusieurs semaines, elle publie articles et photos, chaque fleur est référencée, commentée, sauf une : une ipomée jaune. Le grand père s’oppose à sa diffusion. Plus tard, alors qu’elle rend visite à son grand père, elle le retrouve mort. Et le pot de l’ipomée jaune a disparu. Elle en diffuse tout de même la photo sur Internet, ce qui va déclencher une série de rebondissements.

Déjà, on note pas mal de personnages, et ce n’est que le début. Entreront en scène un flic, Hayase, qui enquête sur le mort du grand père, puis de Yosuke Gamo, un botaniste très curieux de savoir ce que Lino sait de cette mystérieuse fleur jaune. Gamo ? Comme Sota Gamo ? Oui, c’est son grand frère, pas plus botaniste que vous et moi. Sato va d’ailleurs revenir dans le récit, et mener avec Lino leurs propres investigations en marge de l’enquête officielles.

LA FLEUR DE L’ILLUSION n’est pas un page-turner, ces machins écrits par algorithmes avec rebondissements tonitruants à chaque fin de chapitre. Et pourtant, on ne décroche pas du récit. On regrette des dialogues entre personnages assez plats (souci de traduction ?) comme cette manière dont certains auteurs s’obligent à justifier le comportement des personnages, à les commenter, comme si on était trop con pour comprendre tout seul. (les trucs genre "la voiture n'était pas verrouillée, il ouvrit la portière et se glissa au volant. Il savait que c'était mal, mais ne pouvait pas faire autrement, il fallait rattraper machin et n'avait pas d'autre choix..." bla bla bla... Oui on sait, c'est pas bien de voler une voiture ! Le contexte de la scène et le caractère du personnage rendent inutile le commentaire de l'auteur. C'est un exemple, hein, ce n'est pas dans le roman !). Bref, le style n'est pas transcendant, mais l'écriture est fluide, et il y a ce p'tit je ne sais quoi en plus, une petite musique, un savoir-faire qui rend la chose addictive.

Le rythme ne semble pas trépidant, pourtant tout s’enchaîne très vite, chaque scène est une pièce d’un vaste puzzle qui se met en place, chaque personnage à priori secondaire a son importance dans l’intrigue, comme Hino, ex-collègue de  Akiyama Shuji, Kudo la rock star, les membres du groupe où jouait Torii Naoto, et leur nouvelle claviériste qui ressemble étrangement à la jeune Iba Takami, qui va elle aussi disparaître de la circulation du jour au lendemain, activement recherchée par Sota et Lino.

Et les liens commencent à s’établir entre tous ces personnages, qui ont comme point commun d’avancer masqué, d’en savoir plus qu’ils ne le disent. Des secrets sont planqués sous le tapis, secrets industriels, mais familiaux aussi. L’enquête de l’inspecteur Hayase est minutieuse, chaque témoignage est recoupé, chaque indice étudié, comme la scène de crime. Pourquoi ce coussin mouillé d'eau, pourquoi ce gobelet rangé à l’envers dans le placard de la cuisine, pourquoi le renoncement à la cérémonie du thé, et puis cette affaire dite MM… des initiales, mais lesquelles, celles de qui ?

S'il y a résolution du crime, elle est presque anecdotique au regard de la vaste et mystérieuse affaire autour de la fleur jaune, l'ipomée tant recherchée, espèce que l'on pensait disparue.

Un joli roman. 

Éditions Babel Noir - 345 pages

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