Décidément, le jour où la petite Lee Aaron rangera micro et guitare n'est pas encore venu. Elle semble même vouloir rattraper les années passées plus à s'occuper de ses enfants que de sa carrière. Années correspondant à sa période Jazz, plus modeste et bien moins bruyante et tapageuse. On remarquera au passage que dans ce milieu, bien rare sont les hommes à mettre la pédale douce- y'en a - afin de pouvoir normalement mener une vie familiale, et a fortiori, être plus présent auprès de jeunes êtres tant demandeurs d'essentielle chaleur parentale. Les mâles seraient-ils généralement plus égoïstes ? Enfin, bref, depuis que ses enfants sont un peu plus grands et autonomes, Lee Aaron s'efforce d'être à nouveau aussi présente sur les planches que chez les disquaires. Rien à voir avec les années 80, mais tout de même quatre albums studio depuis 2016, plus un album live. Bon, certes, il y a un disque qui a forcément demandé moins de travail, puisqu'il s'agit du sempiternel disque de Noël cher aux Nord Américains, ici dans une optique résolument Hard-rock. Un disque qui présente d'ailleurs quelques bons moments en dépit du problème inhérent à ce genre de production, qui s'obstine à régurgiter grosso modo une liste quasi identique de chansons. Dans une moindre mesure, "Diamond Baby Blues" de 2018, s'appuie tout de même sur sept reprises sur douze chansons. Dont un "Black Cat" de Janet Jackson - Heavy-glam-rock façon Jackson ou comment surfer sur le succès de "Dirty Diana" du frérot - avec quasiment la même tenue vestimentaire sur le clip - libéré de son emphase.
C'est qu'il faut savoir que Karen Lynn Greening, alias Lee Aaron, contrairement à ce que certains critiques ont parfois voulu faire croire, n'est aucunement une bimbo à laquelle on a calé un micro entre les mains, pour faire une carrière fatalement éphémère. Une marionnette confectionnée pour séduire les foules bien plus par sa plastique que ses talents. En particulier une gent masculine rendue sourde par sa libido.
En effet, dès sa tendre enfance, la petite Karen chante et profite des spectacles scolaires, et ce, dès ses cinq ans, pour le faire devant un public. Dix ans plus tard, elle se retrouve dans une production musicale, ce qui lui vaut d'être remarquée et démarchée pour intégrer un groupe. Ce groupe, c'est Lee Aaron, une formation dans laquelle, outre chanter, elle joue aussi des claviers et occasionnellement du saxophone. Ce groupe n'a pas laissé de trace discographique et après sa dissolution, la jeune Karen s'approprie le nom et s'investit professionnellement sous ce patronyme. En s'armant de patience, on peut encore dénicher sur le net une séquence où, adolescente, elle chante dans une émission télévisée. Une "école des fans" canadienne version Rock-pop ?
Cependant, il est indéniable que son manager a cherché à exploiter ses formes et son minois, ainsi que sa naïveté, pour attiser la curiosité des jeunes mâles. Chose qu'elle regrette amèrement. Et si, sur scène et sur ses clips vidéos, elle jouera longtemps quelque peu de ses charmes, ce ne sera jamais guère plus que ses homologues masculins. Sans vulgarité et sans aucune commune mesure avec ses consœurs dévergondées du r'n'bi et consorts. Certains se sont gaussés de ses futals moulants, généralement à défaut d'autres arguments, sans jamais s'offusquer le moins du monde des Spandex ou autres collants de la horde masculine. Ou des shorts moule burnes... Enfin, ce n'est pas en s'appuyant sur son physique qu'elle a réussi à pérenniser une carrière de quarante ans. D'autant que ses spectacles ne s'appuient que sur sa musique, et sont donc dépourvus de danseurs, de cascadeurs, de pyrotechnique ou autre.
Radio On ! Lee Aaron ne dévie pas de direction depuis son retour à une activité plus soutenue, avec le soutien indéfectible de son mari, John Cody, à la batterie (depuis une douzaine d'années). (une manière faussement dissimulée pour garder un œil sur son épouse lors des tournées ? 😊). Ainsi que de Dave Reimer à la basse et de Sean Kelly à la guitare, tous participant activement à la composition et à l'écriture des chansons. Un vrai travail de groupe.
Néanmoins, on peut supputer que Sean Kelly a un rôle prépondérant dans la nature des chansons, tant il y a de similitudes avec son Trapper. Sa précédente aventure, autre formation canadienne où officiait également une chanteuse, Emm Gryner. Toutefois, cette dernière, bien qu'indéniablement talentueuse, très bonne chanteuse et instrumentiste (maîtrisant piano, basse et guitare), ne possède pas ce grain un brin rauque qui sied tant au Rock et au Blues. Au contraire de Miss Aaron. On déniche aussi quelques lieux communs déjà présents sur son Crash Kelly, où, avec quatre albums au compteur (dont un distribué par Bad Reputation), il s'efforça de ressusciter le Glam-rock. Avec une nette préférence pour celui des années 70 - Sean Kelly semble avoir appris à chanter en écoutant scrupuleusement Marc Bolan. En dépit de très bonnes chansons, il ne lui manquait qu'un chanteur bien meilleur qu'il ne l'est lui-même.
Radio On ! Enfin, ce dernier enregistrement n'a rien d'un effort de quinquagénaires usés et fatigués, le regard uniquement tourné vers un passé révolu, essayant vainement de raviver la flamme d'antan. Depuis longtemps éteinte. Sans avoir besoin de se compromettre avec des effets nauséeux de laboratoires pour coller aux tendances djeunes, l'album n'a néanmoins rien de poussiéreux. C'est comme si la troupe avait donné un coup de jeune à un Rock tributaire du Glam 70's et du Hard 80's, voire du Classic-rock friand de refrains fédérateurs. Sur son radio-cassette portable - du moins présenté comme tel sur l'album et le premier clip -, trônent des stickers au nom des Heart, Beatles, Who, AC/DC, Bowie, Runaways, Suzy Quatro, Led Zeppelin, Guess Who, Hendrix et Fleetwood Mac. Et effectivement, à l'exception des deux derniers, on peut relever des éléments propres à chacun, sans pour autant que cela soit particulièrement marquant. loin de là.
Lee Aaron a mis de côté ses velléités de "Metal Queen", par ailleurs restrictives, abandonnant au passé un timbre relativement masculin qui pouvait la faire passer pour une "Coverdale femelle" - certains estiment une filiation plus portée vers Dio, peut-être plus probante sur les deux ou trois premiers albums. Désormais, malgré la soixantaine bien proche, chantant avec bien plus de naturel que lors de son passé "Métôl", elle a développé une charmante tonalité entre glamour, Heavy-blues, douce féminité et une petite pointe de juvénilité s'échappant parfois au détour d'une phrase. Sa voix rafraîchissant le hard-rock plutôt franc du collier du trio de burineurs.
Hormis "Vampin' ", avec le mari qui démonte son kit de batterie et le duo Kelly-Reimer qui envoie du riff comme d'autres les mandales, "Mama Don't Remember" un poil renfrogné et , et "Soho Crawl" qui taquine même le Punk-rock, les titres ne sont pas particulièrement musclés, préférant naviguer dans des eaux, certes tumultueuses, mais plus portées par le Glam, avec parfois quelques remous de Power-pop. Comme avec le sautillant et sympathique "C'mon", un poil Glam-punky post-adolescent, ou "Radio On !" qui le fusionne au Rolling Stones. Et sans omettre "Russian Doll" qui doit beaucoup à Cheap Trick.
La seule ballade est réservée pour la fin, "Twenty One" ; regard nostalgique vers un temps d'apparence plus simple, et un état d'esprit duquel, finalement, la petite Lee ne parvient pas à se détacher. "It's a time leading the blind, for everyone, always in my mind I'm twenty one, still on the run...". "Wasted" débute bien dans un cocon de fragile sobriété, mais ensuite ça décolle comme un Airbus A400M, Sean ressortant l'électrique pour envoyer un riff typé AC/DC entrecoupé de soli de wah-wah. Et Lee se râclant la gorge sur des "wasted" chargés de reproches. "I'd rather be wasted... It hurts too much to face it. And it's cost so much and I've lost so much. So much love just wasted. Sins of father, a very tough act to follow...". Tandis que "Devil's Gold" s'apparente plus aux slow-blues cher au Whitesnake première période, et Cinderella, avec un final s'offrant une accélération pratiquement dans la tradition du Southern-rock.
Au Canada, c'est depuis longtemps un fait établi, à savoir que Sean Kelly est un maître riffeur. Un gars encore capable,- toujours en 2021 -, de pondre des riffs de Hard-blues ou de Heavy-glam sans tomber dans la redite. Et même si la section rythmique n'est pas en reste, le bougre régale les esgourdes de bon riffs bien Rock, et de soli concis. Seul faux pas avec "Had Me At Hello" qui, pataud, trébuche en essayant de reprendre le tempo canaille d'un Aerosmith funky.
Peut-être que voilà la meilleure galette du Lee Aaron de ce siècle. Et peut-être même également du précédent. Rien de révolutionnaire, de bouleversant, de poétique ou de textes incitant à la réflexion, mais simplement un très bon album de Rock, sain, vivifiant, exempt de vibrations négatives.
On remarquera que les musiciens ne sont pas des perdreaux de la veille. Dave Reimer, fidèle aux projet de Lee depuis douze ans, a joué pour Hearts, Bryan Adams, Randy Bachman et Barney Bentall. Parallèlement, il a fondé Reimer Guitars qui réalise des basses et des guitares personnalisées. Il a une boutique à Vancouver. Sean Kelly est une personnalité connue au Canada dans la sphère de la guitare et du rock. En plus de son Crash Kelly, il a travaillé pour Gilby Clarke, Helix, Dee Snider et Nelly Furtado (?). Il est aussi l'auteur de "Metal on Ice : Tales from Canada's Hard Rock and Heavy Metal Heroes". Avant de rejoindre Lee Aaron, et de l'épouser, John Cody a joué pour de nombreux clients, dont Prism (gloire canadienne du Hard-FM progressif), Bachman Turner Overdrive, Jeff Healey, Colin Linden et Bo Diddley.
Yo🎼🍁
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