Nema écoute un podcast du Muséum National d’Histoire Naturelle dans la
        série « Pour que nature vive ». Sonia est un peu surprise :
  - Tu fais quoi Nema ? tu ne t’intéresses plus aux bâtiments
        industriels, aux ponts et autres trucs construits en béton et totalement
        pourris ?  
        - Oh, ça va Sonia, j’aime aussi les animaux quand même. Et puis c’est le
        roman que je viens de terminer « A la table des hommes » où il y a
        notamment une corneille dont le comportement m’interpelle… Alors je
        cherche à comprendre si c’est possible…
        - Une corneille dans un bouquin avec un titre pareil ?
        Sonia se dit intérieurement : pourvu que Nema n’ait pas l’idée stupide
        d’avoir une corneille…
         
       | 
    
| Sylvie Germain | 
  Oui, il y a une corneille dans
    ce livre. C’est un peu comme un conte, une histoire où l’animal et l’homme
    sont en symbiose. Le personnage principal n’a pas de nom au début du récit.
    Il se construira tout doucement au fil des pages, au fil de ses errements
    dans les forêts et de ses pérégrinations dans différents pays, au fil des
    mots qui seront prononcés pour l’apprivoiser.
  Tout commence avec un petit
    porcelet chétif. Un peu à
    l’écart de ses frères et sœurs tous agglutinés contre les mamelles de leur
    maman truie. Une ferme, la bonne odeur de la paille, des poules qui
    caquettent, la préparation de la gelée de coin dans la cuisine… Et
    brusquement l’horreur : un bombardement met fin à ce tableau
    idyllique.  Plus de truie, plus de chants dans la cuisine, plus rien
    que désolation et le pauvre petit cochon qui erre et cherche sa nourriture.
    Une femme terriblement choquée, blessée, cherche son nourrisson. Mais il
    n’est plus. Elle caresse le
    porcelet, ce bébé rescapé. Elle chantonne une berceuse, puis la murmure encore dans
    un dernier souffle de vie « Fais dodo, doudila… ». Puis plus rien. Alors le
    pauvre petit cochon se débrouille pour se nourrir, avance dans la forêt. Une
    rencontre, qui aurait pu être tragique, avec des chasseurs, lui apprend la
    cruauté des hommes.  Il gardera en mémoire leur odeur. Il fera la
    rencontre d’une corneille avec
    qui il cherchera des graines et autres substances nourrissantes. Sur son
    chemin tout zigzagant, en se cachant dès l’odeur exécrée détectée, il
    apercevra des soldats et des otages, il reniflera des morts. Et il sera là
    pour les derniers instants d’un jeune blessé, qui s’agrippera à son pelage
    rose soyeux jusqu’à la fin. Au réveil, le porcelet sera dans un
    corps humain. Avec à ses côtés, la corneille.
         
       | 
    
| Porcelet deviendra Babel | 
  Deuxième temps dans le récit, nous sommes dans un village dévasté par la
    guerre civile. Il n’y a plus d’hommes, que quelques vieillards et des jeunes
    garçons. Et les femmes et les enfants qui prennent tout en charge. On attend
    le retour de ces hommes partis combattre. On se débrouille tant bien que mal
    pour survivre. Ghirzal, femme d’expérience et sorte d’autorité au village, prend le petit
    adolescent venu de nulle part et ne sachant pas parler sous son aile (au
    sens figuré bien entendu). Une
    corneille suit l’enfant partout.
    Il est craintif, ce petit, mais très obéissant et peu à peu il essaie de
    communiquer. Il a donné nom de
    Doudi à sa corneille. De ses
    nombreux balbutiements pour parler à
    Ghirzal, il hérite le nom de Babel. Comme le garçon a un visage un peu étrange, avec des yeux en amande, de
    longs cils transparents mais qu’il faut bien le nommer tout de même,
    pourquoi pas Babel ?
    Babel sera malheureusement le
    souffre-douleur des autres jeunes mais il ira souvent dans la forêt pour
    flâner, se réfugier, se ressourcer.
    Babel découvre la télévision et
    surtout il est fasciné par la vue d’un spectacle de clowns et il rit, mais
    alors il rit ! Il ne savait pas rire jusqu’à ce moment-là. Quelle découverte
    ! Yelnat est un ancien clown
    revenu au village. Babel qui
    n’est pas du tout couillon comme on pourrait le croire à première vue,
    voudrait des explications de la part de
    Yelnat, voudrait comprendre les choses de la vie. Et puis un jour, en revenant de
    promenade, Babel trouve le village vide. Il ne comprend pas. Où sont-ils tous partis ?
    Au bout de quelques jours Ghirzal revient avec une centaurée et aucune explication. Mais il va
    falloir que Babel parte. 
         
       | 
    
| une centaurée | 
  Troisième temps, celui où
    Babel va voyager et finir par
    s’installer dans une grande maison, un ancien hôtel, chez un ami de
    Yelnat, Clovis. Dans un autre pays, là où on parle une autre langue. Babel doit encore s’adapter.  Ce qu’il fait très bien. D’autant que sa
    corneille Doudi le rejoint.
    Clovis a un frère Rufus. Babel entre petit à petit dans la vie des deux hommes et va même jusqu’à
    assister à des séances de discussions avec d’autres personnes (un libraire,
    un quincailler…) du bourg, des discussions très sérieuses qui font que
    Babel s’interroge beaucoup. Il
    fait la connaissance de Zelda la
    fille de Clovis, mène une vie bien remplie dans un univers assez restreint mais toujours
    plein de nature, de fleurs, d’arbres… Jusqu’à l’apothéose finale de cette
    histoire. Mais chut ! je n’en dirai pas plus.    
    
  Plaisir du style et des mots, jeux autour de la langue et de son
    apprentissage, cette histoire un peu fantastique vous séduira, je l’espère.
    
  
Sylvie Germain
    est née en 1954. Elle fait des études de philosophie et rédige une thèse
    autour du thème du visage. Après une carrière diversifiée dans la culture et
    l’enseignement (dont quelques années à enseigner à Prague au lycée français)
    elle se consacre à plein temps à l’écriture. Comme romancière elle reçoit de
    nombreux prix. Elle est entre autres membre de l’Académie Royale de langue
    et de littérature française de Belgique.  
  Albin Michel
232 pages
  






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