jeudi 3 septembre 2020

WARREN HAYNES "Live at the Bonnaroo" (2004) par Benjamin


Nous sommes sur une plaine du Tennessee, en 2004, et le soleil éclaire une scène qui semble perdue au milieu du désert. En face des quelques curieux venus assister au début de sa prestation, Warren Hayne a les traits tirés de celui qui a passé une nuit agitée.

Le cadre du Bonnaroo a des airs de nouveau Woodstock, et ne l’encourage pas à balancer le blues abrasif qui fit la grandeur de son ancien groupe. On se croirait plutôt au milieu d’un camp hippie, où l’on s’attend presque à voir Country Joe se pointer sur scène, pour scander son fameux « fuck ».

Alors Hayne va tenter un exercice inédit, et débarque sur scène tel Dylan au festival de Newport, seul avec sa guitare sèche. Dès les premières notes de « Lucky », la petite assemblée se fait silencieuse, comme hypnotisée par ses notes mélodieuses.

Ce son, c’est celui de la Californie avant que l’acide ne vienne déformer ses mélodies, un folk de hippie céleste. Devenu barde, Warren Hayne laisse son public suspendu à sa voix habitée. Le lyrisme a remplacé la puissance électrique, et tous semblent s’en réjouir.

La guitare se contente désormais de ponctuer le chant, lui donnant l’écrin capable de rendre ses paroles universelles. Johnny Cash lui-même n’aurait pas renié la puissance épurée de « The real thing », alors que la version acoustique de « I’ve got a dream to remember » renoue avec ce charisme musical, qu’on n'a plus entendu depuis le passage de l’homme en noir à la prison de Folsom.

Cash avait fait de « One » un folk désespéré soutenu par sa voix trempée dans le blues. Hayne, lui, transforme le tube de U2 en poème folk digne des grandes heures des Hootenanies. Et voilà justement la force de cette prestation, elle renoue avec la ferveur commune aux pionniers de la musique américaine. La voix plaintive flirte avec le son du Mississippi, et les arpèges sont dotés du mysticisme folk rendu célèbre par Joan Baez.

La prestation ayant démarré à 12h30, le public se limite à une centaine de personnes lors des premières minutes. Mais la foule gonfle progressivement, comme si ces arpèges jouaient une homélie irrésistible. Ils sont déjà plusieurs milliers quand Hayne entame « Fallen down ».

« Fallen down » creuse le sillon théâtral que Springsteen avait si bien exploré sur NEBRASKA, la scène donnant à cette grandeur acoustique une puissance inédite. Si la musique est surtout un moyen de communier sur autre chose que des textes rétrogrades, alors ce LIVE AT BONNAROO est un des plus grands disques jamais enregistrés.

Pour clôturer la performance, « Soulshine » fait revivre les mélodies africaines que Paul Simon sublima sur GRACELAND. Rappelant que la musique américaine trouve ses origines en Afrique, la chanson est un folk voodoo dont les dernières notes résonneront longtemps dans le cœur de la foule réunie ce soir-là.  

Warren Hayne représente la tradition musicale de son pays dans ce qu’elle a de plus intemporelle et poignante. Et LIVE AT BONNAROO le fait passer de l’autre côté du miroir. La pochette de ce disque s’ajoutant aux symboles mythiques jalonnant l’histoire du rock.

Demain c'est cinéma avec un film qui nous vient d'Arabie Saoudite, et réalisée par une femme. Les temps changent, et c'est tant mieux.


Pas de vidéo de ce concert, mais le titre "Soulshine" interprété live, en acoustique, sur une autre date.  

 

1 commentaire:

  1. De mémoire, c'était un concert improvisé.
    Suite à l'absence d'un groupe et d'un problème de mise en place de matériel, on demande au gentil Warren (qui doit se produire avec l'un de ses groupes) s'il veut bien essayer de faire patienter la foule. Malgré son expérience, Warren a la trouille. Il y a une différence entre jouer avec un groupe derrière soi et seul avec pour seul compagnon une gratte (électro-)acoustique. Ce qui devait durer une poignée de chansons, s'étale finalement sur près d'une heure et quart. Au-delà de la musique, il s'agit d'une véritable performance de Warren Haynes. Le public ne s'y trompe pas et lui fait une ovation.

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